Lot n° 19

Cocteau (Jean). Ensemble de 3 lettres (2 autographes signée et une autographe), adressées à Jean Bourgoint. - Hotel Welcome à Villefranche-sur-Mer, 23 janvier 1926, d'après les cachets de la poste au verso. 1 p. grand in-folio. « Mon petit...

Estimation : 1.000 / 1.500
Adjudication : 1 000 €
Description
Jeannot, je ne t'ai pas écrit, par tristesse et me sentant malade sans ta présence sous ce soleil froid, au milieu de cette atroce santé américaine. ton passage était Du cieL. Le soir De ton Départ iL y avait une fête asseZ joLie - genre méLange pompons rouges et cachets bLancs .mais que j'ai De maL, que j'ai De maL à pouvoir vivre, à savoir vivre ! Quelle pilule pourrait m'ouvrir l'âme et le corps, puisque la prière me laisse seul au monde. Mes derniers espoirs s'envolent. Toi je t'aime, tu me fais du bien... » - Villefranche-sur-Mer, 28 janvier 1926, d'après les cachets de la poste au verso. 1 p. grand in-folio. « jeannot mon cher ange, je ne suis pas maLheureux parce que je t'ai, que tes Lettres sont Des merveiLLes plus grandes encore que celles des Thermes [la clinique des Thermes urbains où Cocteau avait suivi une cure de désintoxication du 15 mars au 15 avril 1925]. Écris beaucoup, 4 lignes. Voilà une aspirine de l'âme. anDré grange est mort [le poète surréaliste ami de Cocteau, converti par Maritain et mort subitement de maladie le 24 janvier 1926]. Je savais qu'il mourrait - cette mort ne m'étonne pas. Il avait une démarche qui ne trompe pas ceux qui connaissent la mort. La mort est mon amie. Elle aimait Grange. Elle le coulait. C'était visible, cela crevait les yeux. iL est mort converti, poussé au ciel par le livre de Charles [le Père Charles Henrion, qui joua également un role avec Jacques Maritain dans la conversion temporaire de Cocteau]. Prions pour lui. iL vouLait savoir, iL se Démenait, se retournait Dans La vie, comme un homme qui veut Dormir. iL Dort. iL vit De L'autre coté .J'ai une grippe, la fièvre. Je garde la chambre. Glenway [l'écrivain américain Glenway Wescott] me visite, mais il est un autre : écorché vif et catastrophé par des riens, la peur qu'Eugene Mac Gowane vienne à Villefranche entre autres [le peintre américain Eugene Mac Cown]. C'est un enfant gâté formidable. Si je me permets un mot sage. Monroe [le futur éditeur Monroe Wheeler, compagnon de Glenway Wescott] me regarde avec pitié comme un être grossier incapable de comprendre les rouages de son dieu. pLus je vais, pLus je constate qu'on ne saurait vivre sans La foi. même en L'ayant si maL, à ma manière. Je t'embrasse mon Jean adorable. Écris vite. [Dessin d'un creur.] » - [Villefranche-sur-Mer, 28 février 1926]. 1 p. in-4, enveloppe. « Cher petit Jeannot, il fait froid - c'est très désagréable - je me recroqueville au lieu de m'épanouir - d'où silence. j'avoue aussi que ce Long cauchemar qui consiste à Lire partout sur moi Des horreurs et Des injustices et à "! !" - un déluge d'éloges sur Valéry etc. n'arrange pas les choses. je ne DemanDe pas beaucoup - mais cette fausse pLace que j'ai - cette profonDe méprise me renD maLaDe et me Décourage. marDi j'avais Loué un stuDio pour essayer Des bouts De fiLm avec Haziza et un type trouvé dans un bai de mi-carême [allusion à l'acteur Fabien Haziza]. Type et Haziza ont eu les yeux brulés, bronchite etc. Moi je ne sais pas encore ce que j'ai pris et ce que contient l'appareil. Silence complet de Jeanne [Jeanne Bourgoint, sreur de Jean]. Je n'ai pas cherché à la voir parce qu'elle a fait une chose très laide. eLLe a Dit à Kit (qui ne ment jamais) que je trouvais sa peinture iDiote, qu'iL ne Devait pas peinDre et que je Lui avais avoué que c 'est moi qui L'avais empêché De peinDre Les Décors De DiaghiLew [Kit était le surnom du peintre anglais Christopher Wood]. Ta maman m'a fait téléphoner par une amie pour que j'essaye d'intervenir auprès de Violette [la princesse Murat, Violette Ney, opiomane et lesbienne, amie de Jeanne Bourgoint]. C'est impossible. Je ne rencontre jamais Violette et je la connais depuis trop longtemps. J'ajoute que rien n'influencerait Jeanne qui nous évite tous. J'en ai de la peine et je voudrais aider ta maman, te rendre service. Avoue que c'est impossible. Toi seul pourra l'éveiller, traverser d'un cri, d'un regard cette couche d'indifférence, être entendu. Mon petit ours je t'embrasse. Jean [la signature est précédée du dessin d'une étoile.] »
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