Description
Manuscrit complet de l’opéra Le Mas, en partition d’orchestre.
Le Mas, « Pièce lyrique en trois actes », sur un livret du compositeur lui-même, connut une longue gestation. Commencé en 1908, et composé en 1911-1913, Le Mas fut ensuite remanié et développé, et ne fut achevé qu’en 1925 ; il comportait alors un Prologue, 2 actes et 4 tableaux.
L’audition du prologue et du prélude du premier acte aux Concerts Colonne sous la direction de Gabriel Pierné connut un grand succès.
Le Mas remporta en janvier 1926 le prix Heugel, d’une valeur de cent mille francs, décerné par un jury de personnalités musicales (dont Paul Dukas, Maurice Ravel ou Florent Schmitt). Jacques Rouché, directeur de l’Opéra, accepta de monter l’œuvre, mais demanda des modifications qui entraînèrent le remaniement en trois actes, le prologue devenant l’acte I, et les deux tableaux du dernier acte remaniés en un seul. La création eut lieu à l’Opéra de Paris le 27 mars 1929, sous la direction de Philippe Gaubert, dans une mise en scène de Pierre Chéreau, des décors de Georges Mouveau et des costumes de Victor Fonfreide, avec Edmond Rambaud et Jeanne Laval dans les principaux rôles de Jan et Marie.
Le Mas est un opéra écologiste avant l’heure, un hymne à la campagne et à la terre natale. Canteloube déclarait à un journaliste de Comœdia, lors de la création de son opéra : « Ayant habité longtemps la pleine campagne et participé aux travaux des champs, j’ai depuis mon enfance l’amour passionné de la campagne, de la vie rurale, saine et naturelle de la terre. C’est pourquoi les personnages du Mas expriment vraiment ce que je pense moi-même ».
L’ouvrage célèbre « la vie simple et calme des champs. La Nature y parle sans cesse par les voix des pâtres, des moissonneurs, des laboureurs et toutes les rumeurs lointaines comme celles qui montent des vallées ». Pour la musique de son opéra, Canteloube a avoué avoir puisé, comme pour ses célèbres Chants d’Auvergne, à la source du chant paysan de son pays ; sa musique est « imprégnée de chants populaires, soit que je les ai incorporés, tel ou tel fragment authentique servant de base à la phrase musicale, soit que j’ai écrit les thèmes dans le caractère des chansons du pays ».
C’est l’histoire d’un mas du Quercy, dont le maître est un vieillard qui a perdu ses deux fils, qui ont chacun laissé un enfant. Marie a été élevée au mas par son grand-père ; Jan est parti à la ville, chez ses grands-parents maternels. Au premier acte, Jan revient au mas pour une convalescence ; il a laissé une fiancée à la ville, mais éprouve une certaine émotion en retrouvant les souvenirs de son enfance. Le deuxième acte est la fête des moissons, près de la fontaine, dont le vieux Gabel raconte à Jan la légende : elle unit ceux qui se mirent dans ses eaux ; avant le départ de Jan pour Paris, Marie l’invite à se mirer près d’elle à la fontaine ; suit le ballet populaire de la fête de la Gerbe rousse. Au dernier acte, Marie est prête à se sacrifier à un riche mariage pour sauver le mas, quand Jan revient, appelé par l’amour de Marie et surtout par l’appel de la terre natale ; ils chantent leur amour, qui s’unit au chant de la terre.
Le manuscrit, soigneusement noté à l’encre noire sur papier à 26, 28 ou 30 lignes, porte le témoignage des remaniements de l’œuvre, avec de nombreuses corrections, des passages biffés et quelques collettes ; il a servi de conducteur pour la création à l’Opéra, comme le prouvent des annotations au crayon bleu.
Sur la page de titre, Canteloube a corrigé le découpage en « deux Actes, un Prologue et quatre Tableaux » en « trois Actes » ; il a noté : « Paroles et Musique de J. Canteloube (1911-1913) », et inscrit en exergue ces vers de Bernard de Ventadour, « troubadour du XIIe siècle » :
« Quand le doux vent vient à souffler /
Du côté de mon pays /
M’est avis /
Que je sens /
Une odeur de Paradis ».
Au verso, il a rédigé cette dédicace :
« À la mémoire de mes parents. J.C. ».
Un autre feuillet dresse la liste des personnages : Marie, Jan, Le Grand’père, Rouzil, ancienne nourrice de Jan, Gabel, vieux serviteur, maître-valet au Mas ; un vieux mendiant, un vieux moissonneur, une jeune fille, lieuse de gerbes, [la voix de Jantil biffé]. Suit le détail des chœurs : voix de bergers (en coulisse), voix de moissonneurs (en coulisse puis en scène), voix au loin (en coulisse), voix de laboureurs (en coulisse), Travailleurs du Mas (en scène) ; Canteloube précise : « L’ensemble de ces voix est présenté ainsi pour obéir à l’ordre de leur apparition dans l’ouvrage, mais il ne nécessite point un nombre anormal de choristes ; les diverses voix ne se trouvant pas chanter ensemble. Les bergers, moissonneurs, laboureurs, travailleurs et voix au loin sont donc chantés par les mêmes choristes ». Il ajoute : « L’Action se passe [en Quercy biffé et corrigé] aux confins de l’Auvergne méridionale, de nos jours, dans une famille de vieille souche terrienne ». Il donne enfin le découpage et le décor : « Acte I (Prologue). La Cour du Mas. Acte II. La Fontaine (aux moissons). Acte III. La Cour du Mas (aux semailles) » ; ce dernier décor devait être celui du 1er tableau, l’acte III devant comporter un second tableau (« La Fontaine (aux semailles) ») qui a été supprimé. Au verso, il a dressé la nomenclature des instruments : petite flûte (ou 3e grande flûte), 2 grandes flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes, 1 clarinette basse, 3 bassons, 1 contrebasson, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, timbres (glockenspiel), cymbales, célesta, 2 harpes, quintette à cordes ; s’y ajoutent une cloche, 5 trompes d’appel, la trompe de Gabel, la musette (Canteloube indique des instruments de substitution).
Le manuscrit est ainsi divisé :
Acte I. (Prologue) (p. 1-98).
Acte II ([titre] et p. 99-394), avec cette note à la fin : « Fin du [1er] 2ème Acte. Malaret-Bagnac (Lot) 5 juillet 1913 J. Canteloube ».
Acte III ([titre] et p. 395-573), avec cette note à la fin : « “Sweet-Home” St Palais s/mer juillet-août 1925 J. Canteloube ».
Suivent 11 pages numérotées A à K : « Appendice. Pour le cas où l’on ne joue pas la Fête de la Gerbe Rousse. Intercaler à la page 273 de la partition ».
─ Bibliographie :
Jean-Bernard Cahours d’Aspry, Joseph Canteloube (Séguier 2000), p. 80-88.