LETTRE AUTOGRAPHE SIGNEE A GEORGES HARTMANN, datée Mardi. 9 Août [18]98, 2 pages et demie in-12 (166 x 105 mm), sous chemise demi-maroquin rouge moderne.
QUELQUES SEMAINES APRES LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION, A LONDRES, DU PELLEAS ET MELISANDE DE GABRIEL FAURE, DEBUSSY S'INSURGE CONTRE SON RIVAL ET TENTE DE RASSURER SON ÉDITEUR.
Précieuse lettre relative à la célèbre pièce de Maeterlinck, source d'inspiration et de division entre les deux musiciens. Depuis 1893, Debussy travaille avec acharnement à son Pelléas, toujours inachevé, mais Fauré l'a devancé. Hartmann craint que cet événement nuise à l'opéra de Debussy. Aussi, devant l'inquiétude de son éditeur, tente-t-il de minimiser l'affaire.
Je viens encore une fois de traverser des tas d'ennuis [...] Votre dernière lettre m'a beaucoup contrarié par l'importance que vous attachez à un fait qui me semble, purement anecdotique. Il y a à peu près trois ans, Mauclair m'avait parlé de cette histoire, au nom de Maeterlinck, j'avais naturellement répondu que je n'avais pas à faire de musique de scène pour Pelléas, ayant compris et voulu ce drame d'une façon toute lyrique, je ne pouvais faire une chose qui aurait ressemblé à une dénégation. Maintenant, il est certain que Maëterlinck aurait pu m'en avertir la chose se faisant malgré tout, mais il est Belge ! partant, un peu grossier et sûrement mal élevé, = j'en ai d'autres preuves [...] Je crois que cette musique a été commandée à Fauré par cette tragédienne anglaise [Mrs Patrick Campbel] l'effet de cette musique me semble devoir se limiter à cette représentation, et sans y mettre beaucoup de vanité, il me paraît impossible qu'il y est [sic] matière à confusion, quand ce ne serait que par le poids [...] Puis Fauré est le porte-musique d'un groupe de snobs et d'imbéciles qui n'auront jamais rien à voir ni à faire dans l'autre Pelléas — le plus ennuyeux, encore une fois, c'est que cela vous est [sic] aussi vivement ému, quand à moi je vous jure que rien ne m'est aussi profondément indifférent [...] Je suis ennuyé et malade, et j'aspire à un peu de tranquillité, sans quoi je deviendrai sûrement fou et enragé.
Correspondance (1872-1918), éd. établie par F. Lesure et D. Herlin, Gallimard, 2005, p. 414-415.