Description
du Laboratoire d’anthropologie sociale, du Collège de France ou de l’Académie française, quelques adresses, quelques documents joints.
Importante correspondance à son ami et proche collaborateur Isac Chiva.
[Isac CHIVA (1925-2012), ethnologue d’origine roumaine, arrivé en 1948 en France où il fait ses études, travaillera au Musée des Arts et traditions populaires, deviendra chef de travaux à l’École pratique des Hautes Études (directeur, à partir de 1994), et sous-directeur du Laboratoire d’Anthropologie Sociale aux côtés de Lévi-Strauss.]
Avec ce collègue et interlocuteur de confiance, Lévi-Strauss parle du personnel et du budget du Laboratoire (« ce CNRS me dégoûte ! »), de ses lectures et écrits, d’élections au Collège de France et de changements de programme à l’École, de scientifiques de passage et de sa famille, notamment son fils Laurent... La plupart des lettres sont écrites de Paris, ou de ses maisons de Valleraugue (Gard) puis Lignerolles (Côte-d’Or). Nous n’en pouvons donner ici qu’un rapide aperçu, avec quelques brèves citations.
—1955. 9 avril. « Ce que vous me dites de mon papier des T.M. [Les Temps modernes] me touche beaucoup. Écrire n’a de sens que si d’autres reconnaissent un peu d’eux-mêmes dans le texte qu’on leur livre »… (minute a.s. de Chiva jointe). 15 avril, remerciant pour la communication d’images pouvant illustrer ce qu’il dit de l’usage de talismans au Brésil… 18 juin, remerciant pour les explications sur la figue (manière de se protéger contre les sorcières ; tapuscrit joint). 6 septembre, sur ses démarches auprès de Jacques SOUSTELLE en faveur de la naturalisation de Chiva (2 l.s. de Bernard Lafay jointes).
—1957. 6 novembre. Approbation donnée à un rapport : « J’ai particulièrement apprécié la distinction entre production, productivité et mentalité productiviste que vous êtes, je crois, le seul à avoir fait et qui me paraît essentielle »…
—1958. 23 mars. Résumé de l’ouvrage des Gordon WARSON consacré aux champignons, et des questions qu’il soulève. « Ce sont des amateurs, et le livre est souvent délirant. Néanmoins, ils ont découvert, et même fondé, l’ethno-mycologie […] il y a là un très beau domaine où de jeunes chercheurs français pourraient se faire une place »…
—1961. 19 août. Le second Totémisme ne sera pas prêt pour l’impression avant la fin de l’année… 1962. 2 août. Il ne voit aucun inconvénient pour Chiva à retourner au Laboratoire de géologie méditerranéenne, s’il y a quelqu’un pour l’y accueillir. Il invite Chiva à Valleraugue… 20 août. Confidences sur un plan G.H.R. [Georges-Henri RIVIÈRE] soumis à MALRAUX, relatif aux musées d’Art primitif, de la Marine et des Sports… 1963. 14 août : lettre illustrée d’un plan dessiné avec explications pour venir à Valleraugue : « Nous avons vécu dans les tuyaux crevés, nous alimentant aux fuites ! […] les orages intermittents nous valent des cèpes et des girolles en abondance »…
—2 septembre, il attend G.H. Rivière pour l’inauguration du Musée cévenol au Vigan…
—1965. 2 septembre. Sur René BUREAU : « C’est certainement l’intérêt de l’École de l’avoir, mais je ne puis affirmer en conscience que c’est le sien ! » (l.s. de Bureau jointe).
—1966. 22 août. Il partage son temps à Lignerolles entre la cueillette des champignons et la correction des épreuves pour Plon ; nouvelles du Labo…
—1967. 11 juillet, annonçant la prochaine nomination de Jean CUISENIER « comme chargé de mission aux Musées nationaux »…
—14 août, sur la lecture d’un microfilm de SAUSSURE : « notes surprenantes, pleines de vues profondes mêlées à d’aventureuses idées fixes : tout le cycle des Niebelungen lui apparaît comme un roman à clé, reproduisant la chronique du premier royaume Burgonde – ce qui est fort peu structuraliste ! »…
—1968. 29 août : « de la révolte étudiante, j’ai tiré aussi mes conclusions, à savoir que je ne suis pas à la disposition de tout le monde, n’importe quand »…
—1971. 11 août. Il évoque ses propres impressions de son séjour « il y a 30 ans » aux Antilles, dont revient Chiva ; il a lu beaucoup de manuscrits pendant ses vacances, « rien dont je n’aurais pu me dispenser. Et j’ai sué sang et eau pour pondre huit pages destinées au numéro spécial de l’Arc sur Merleau-Ponty »…
—1973. 19 août : les peintres ont pris possession de la maison de Lignerolles, et il est sans bureau : « je ne fais que lire MONTHERLANT » (au fauteuil duquel il a été élu)… 29 août. Difficultés pour faire l’éloge de son prédécesseur à l’Académie : « J’ai lu et relu tout ce que j’avais emporté ici de Montherlant ; il me restera quelques lacunes à combler au retour, mais l’inspiration n’est pas encore venue »…
—1974. 30 juin. Longue lettre sur les mesures à prendre après les restrictions de budget, pour les chercheurs et au Collège de France… 4 août. « Notre randonnée à travers la Colombie britannique s’est admirablement passée : spectacles féeriques et pèlerinages émouvants chez les Kwakinth, les Tsimshian (où j’ai suivi l’itinéraire d’Asdiwal), les Thompson et les Lillort. J’en reviens ébloui »…
—1976. 25 août : « Je n’ai pas dit que le laboratoire m’avait aidé dans mon travail personnel, mais que je n’aurais jamais réussi à faire celui-ci si vous-même ne m’aviez si largement déchargé de la conduite du laboratoire »…
—1977. 3 août, sur la disparition de Pierre CLASTRES : « Elle m’attriste profondément, car il est toujours navrant que meure sottement un homme jeune encore, plein de talent malgré ses divagations, et un très bel écrivain »… Commentaires sombres sur l’avenir du laboratoire… 5 octobre. On leur fait des propositions « alléchantes » à Polytechnique : « plus de 1000 m. et une terrasse avec vue magnifique », mais il y a aussi des problèmes…
—5 octobre, au sujet des bourses de la Fondation Érasme… Oki 16 novembre, sur son voyage au Japon, et impressions sur la région de Saigo… 1978. 16 avril : « nous avons fui ce Jura méridional en industrialisation rapide : le moindre village a ses usines de matières plastique, ses maisons ouvrières et ses villages agressivement polychromes »… 7 août, nouvelles de son fils Laurent ; il révise la traduction anglaise de l’Origine des manières de table et prépares ses cours…
—1980. 22 août : « j’ai eu […] fort à faire, avec les épreuves de la traduction anglaise de L’Homme nu – 700 pages bien tassées – à lire, corriger et annoter »…
—1981. 19 juin, sur les élections au Collège de France, et Françoise HÉRITIER soutenue par Furet…
—7 août, sur ses réticences à entrer au conseil d’administration de la B.N. ; il « continue à dépouiller la littérature africaine »…
—Seongnam (Corée) samedi 17, sur ses séminaires dans « une sorte de camp de concentration intellectuel, à 30 km de Séoul » : pompe et grossièreté. « Les gens sont terriblement conscients ici que la frontière avec le monde communiste et à 50 km »…
—1982. 19 juillet. Bel été à Lignerolles. « Je dépouille toute une bibliothèque que j’ai emportée sur la productivité, en prévision du Japon, et je commence à avoir quelques vagues idées »…
—1984. 5 août. Vacances consacrées au travail : révision de la traduction américaine du Regard étriqué, préface, analyse de documents en vue d’un prochain livre…
—1987. 18 décembre. Demande de « détails intéressants ou piquants » pouvant servir à l’allocution qu’il prononcera pour la remise de son épée à Georges DUBY…
—1988. 1er février. « Quant à mes prétendues “Mémoires”, il s’agit d’une confusion entretenue et même créée par Odile Jacob pour donner plus d’importance aux modestes entretiens avec Éribon. De même pour le titre sous lequel paraîtront ceux-ci : De près et de loin, qui ne me convenait guère »…
—1989. 17 mars. « Ai-je écrit sur la notion d’aire culturelle ? […] cette notion est passible de la même critique que celle de race : des traits différents n’ont pas tous la même frontière. Comme on a remplacé la race par la notion de stock génétique, qui admet que des traits, les uns visibles, d’autres cachés, n’aient pas la même extension et que leurs aires de diffusion respectives se recouvrent partiellement, se débordent ou s’enchevêtrent, de même ce qu’on définira comme aire culturelle pour un trait ne le sera pas nécessairement pour un autre. Je crois me souvenir que LEROI-GOURHAN a bien vu cela, dans un autre langage, dans Archéologie du Pacifique nord »…
—1990. 28 juillet. « Je mets la dernière main au livre que je traîne depuis maintenant deux ans [Histoire de Lynx] mais le manuscrit est tellement raturé, coupé, collé, surchargé, que je n’arrive plus à le lire »…
—28 août : « Cet été aura été marqué par une série de décès qui m’ont peiné : Chastel, Soustelle, Jean-Marie Benoist »…
—1991. 19 juillet : il compatit aux « souffrances “écomuséales” » de Chiva…
—1993. 18 juin, à propos d’une émission télévisée : « pendant l’enregistrement, j’étais fort mécontent de moi, et de la lassitude que je trahissais de devoir répondre toujours aux mêmes question »…
—1994. 14 décembre : « je tenais à vous redire combien je me réjouis d’une distinction qui couronne tant de dévouement à une cause au service de laquelle vous avez mis inlassablement votre imagination, votre clairvoyance et votre talent »…
—1997. 2 octobre. « Après Ethnologies en miroir, Mots et choses, etc. me fait mieux encore prendre la mesure de mon ignorance. En vous lisant, ainsi que vos collaborateurs, je me faisais aussi la réflexion que si nous prenions la peine d’approfondir notre connaissance de nos grands devanciers nous n’écririons plus guère. Car nous ne faisons que redécouvrir ce qu’ils ont dit avant nous »…
—2002. 5 mai. La lettre de Chiva le touche, malgré ses exagérations : « Les dettes ne sont pas en sens unique […], je n’oublie pas que sans vous à mes côtés ce laboratoire n’aurait pu exister »… Etc.