Lot n° 613

HEIDEGGER Martin (1889-1976). — 13 L.A.S., 2 L.S. et 1 P.S. « Martin Heidegger » ou « M. Heidegger », Fribourg-en-Brisgau 1929-1952, à Magda STOMPS ; 29 pages formats divers, enveloppes et adresses ; en allemand.

Estimation : 3000 - 4000
Adjudication : 4 940 €
Description
Intéressante correspondance à une ancienne élève.

— [La philosophe néerlandaise Magda A. H. STOMPS (1899-1979), qui s’était spécialisée dans la phénoménologie de la religion, a obtenu son doctorat en 1935 sous la direction de Heidegger avec une thèse sur L’anthropologie de Martin Luther. En 1938, elle a publié deux articles en néerlandais sur Heidegger et la philosophie de la religion :
« De philosophie van Martin Heidegger » et « Heideggers verhandeling over de dood en de theologie ». Elle a enseigné à Zütphen (dans la province de Gueldre), où la plupart des lettres sont adressées. Après la Seconde Guerre mondiale, elle a vécu à Stolberg (Harz) et à Cologne avant d’émigrer en Argentine en 1952 (probablement grâce Hans-Georg Gadamer), rejoignant ainsi Carlos Astrada, un étudiant de Heidegger, à l’Université de Buenos Aires.]

— 15 février 1929, au sujet d’une visite de HUSSERL…

— 17 décembre 1935… « Langsam entschwinden die älteren Schüler u. Jüngeres will noch nicht recht nachwachsen. Vielleicht muß jetzt die Philosophie für einige Zeit vom Schauplatz abtreten u. das schadet auch nichts, wenn sie inzwischen in der Stille wächst. Es war freilich in den Übungen früher leichter u. fruchtbarer zu arbeiten, als man nicht jede Kleinigkeit von neuem durchpauken mußte u. Einiges voraussetzen konnte. Die ganz jungen Semester machen jetzt einen ausgezeichneten Eindruck, aber sie bleiben nicht lange genug, wenn nicht die übrigen Fächer in zureichender Weise vertreten sind. Noch liegt die klassische Philologie hier im Argen. Der unmittelbare Anlaß zu diesem Brief ist, wie ich gestehe, nicht die Philosophie sondern die – Butterfrage. Unser Ältester ist jetzt [...] für drei Wochen zu uns in die Ferien gekommen – er war krank u. ist im allgemeinen sehr der Kräftigung bedürftig. Daher möchte ich Sie bitten, uns wenn möglich, um die Weihnachtstage auf die Hütte nach Todtnauberg ein Kilo Butter zu besorgen »...
Les étudiants plus âgés disparaissent lentement et les plus jeunes ne semblent pas être intéressés par la philosophie. Elle devra peut-être désormais quitter le devant de la scène pendant un certain temps et peu importe, tant qu’elle continue à se développer en silence. Bien sûr, les classes étaient plus faciles et plus productives à l’époque où l’on n’avait pas besoin de revenir encore et encore sur des bagatelles, lorsqu’on pouvait considérer bien des connaissances précédentes comme étant acquises. Les étudiants les plus jeunes font une excellente impression mais ils ne restent pas assez longtemps si les autres matières ne sont pas correctement représentées. Les études classiques sont toujours dans le désordre ici. Heidegger avoue que l’objet principal de cette lettre n’est pas la philosophie mais… la question du beurre. Son fils aîné les a maintenant rejoints pour trois semaines de vacances – il était malade et avait besoin de se requinquer en général. Heidegger demande donc à Magda Stomps de lui envoyer, si possible, un kilo de beurre à sa chaumière de Todtnauberg aux alentours de Noël…

— 14 novembre 1936. Certificat pour Mlle Magda Stomps, qui a étudié la philosophie plusieurs années sous sa direction, et a soutenu une très bonne thèse ; il souhaite qu’elle puisse reprendre ses études à Fribourg sous sa direction…

— 15 décembre 1939. Il la remercie pour un envoi de lait, mais est suffisamment approvisionné en graisses par l’attribution. Il aimerait avoir du thé, non pas comme un luxe mais comme une aide à l’augmentation du travail (« nicht als Luxus sondern als Hilfe bei der vermehrten Arbeit ») ; il évoque le surcroît de travail pour son enseignement à l’université ; avec des heures de travail plus longues, d’autant qu’il ne fume pas, un stimulant est important (« Und dabei ist bei längerer Arbeitszeit, zumal ich nicht rauche, ein Anregungsmittel schon wichtig »). Il évoque la visite de son collège hollandais Hendrik Josephus POS, à qui il a essayé de faire comprendre la situation en Europe ; les Néerlandais, avec leurs idées viciées et démocratiques, sont en retard pour tout ; leurs yeux vont enfin s’ouvrir, comme pour les Anglais ; quel que soit le cours et le résultat de cette guerre, ils se retrouveront soudain dans un nouveau monde qu’ils ne pourront pas éviter (« Diesen Leuten werden ja die Augen noch aufgehen; genau so wie den Engländern, die, ganz unabhängig vom einzelnen Verlauf u. Ausgang dieses Krieges, sich plötzlich in einer neuen Welt vorfinden werden, der sie sich nicht entziehen können »). Il parle de son plus jeune fils Hermann, junker de drapeau dans un régiment d’infanterie ; Jörg, qui étudie le génie mécanique, passe actuellement ses examens. Les lettres des étudiants du front sont très gratifiantes et montrent un sens de la responsabilité historique différent des effusions pitoyables des humanistes hollandais, qui ne savent pas où se trouve la réalité (« Die jungen Menschen sind geistig so wach, daß ich staune, weil sie oft in den Übungen so schläfrig erscheinen. Die Briefe der Schüler von der Front sind sehr erfreulich u. zeigen ein anderes geschichtliches Verantwortungsbewußtsein als die kläglichen Ergüsse der holländischen Humanisten, die nicht ahnen, wo die Wirklichkeit ist »)…

─ 1940.
— 22 janvier. Dans son groupe d’étude, il s’occupe de la Physique d’ARISTOTE ; il l’a traitée pour la dernière fois à Marburg en 1928. Il s’agit en fait d’un livre de base introduisant la Métaphysique (« ein Grundbuch der Einführung in die Metaphysik »)... Ses fils vont bien ; ils apprécient leur service, d’autant plus que chacun est au bon endroit selon ses capacités (« sie haben Freude am Dienst, zumal jeder seinen Fähigkeiten entsprechend am rechten Platz ist »)…
— 21 mars. Au cours du prochain trimestre, il traitera du premier livre de NIETZSCHE La Volonté de puissance, Der Wille zur Macht, interprété en détail. Dans les exercices, il traite d’une question purement systématique : le temps et l’espace (« In den Übungen behandle ich eine rein systematische Frage: Zeit und Raum »). De plus, il doit rééditer Qu’est-ce que la métaphysique ? (Was ist Metaphysik?), le livre sur KANT et Sein und Zeit… Il évoque son travail sur la traduction d’ARISTOTE, qui prend beaucoup de temps (« sind die Texte nicht ganz leicht, so daß mit der sorgfältigen Übersetzung schon viel Zeit in Anspruch genommen wird »)…

─ 1949.
— 11 février. Il s’inquiète de la situation difficile de son amie, qu’il aiderait volontiers s’il y avait des opportunités. Mais immigration, permis de séjour et cartes d’épicerie sont complètement exclues ici (« Zuzug, Aufenthaltsgenehmigung u. Lebensmittelkarten sind hier gänzlich ausgeschlossen »). En revanche, il y aurait des opportunités d’aller en France via Coblence ou Mayence, où les travailleurs sont recherchés… Il évoque l’hostilité contre lui, le Congrès international des Philosophes ayant refusé de l’inviter (« Sie haben Recht, die Rachsucht ist groß. Die Herren des Internationalen Philosophen-Kongresses, zu dem ich mich freilich nicht dränge, haben es nicht einmal über sich gebracht, mir eine formelle, geschweige denn eine ernsthafte Einladung zu schicken »)…
— 21 juin. Il invite son amie à ne pas perdre courage… Il déménagera bientôt dans sa cabane… Il attend toujours le retour de son fils aîné, qui est maintenant dans la cinquième année de sa captivité en Russie. Le fils cadet se remet lentement, mais sa mémoire est encore très limitée. Quant à lui, il ne donne pas de cours ; il y a toujours des choses désagréables dans sa situation ; il faut en passer par ce temps ; l’existence morale montre des formes étranges (« Vorträge halte ich nicht. Unerfreuliches gibt es in meiner Lage immer wieder. Wir müssen durch diese Zeit hindurch. Das Sein ihrer Moralität zeigt seltsame Formen »)… Etc.

─ On joint :
• 4 l.a.s. de sa femme Elfride HEIDEGGER à Magda Stomps, 1946-1952.
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