Lot n° 133

CHATEAUBRIAND François de (1768 1848)

Estimation : 1 000 - 1 500 EUR
Adjudication : 1 495 €
Description
L.A., Val de Loup lundi 14 [octobre 1811], à la duchesse de DURAS; 4 pages in-4.
Belle lettre sur le mariage de son neveu Louis de Chateaubriand, sur sa situation financière et Les Aventures du dernier Abencérage.
«J'ai reçu votre lettre au milieu de la noce. J'ai assisté à cette triste cérémonie. Voilà qui est fait; les voilà dans cette grande route de tous les chagrins; on y marche vite. Quand j'ai vû le pauvre orphelin avec son frère, chercher un appui dans une famille étrangère, et appeller sa mère une personne qu'il a rencontrée une douzaine de fois dans sa vie, j'ai été tout attendri. Cela m'a fait songer à la mort de tous les miens, à mon isolement sur cette terre, à ces tombeaux qui se sont élevés autour de moi et qui dans quelques années me compteront au nombre de leurs habitans.
Dans cette disposition d'âme il a fallu faire des couplets; aussi en voulant faire une chanson j'ai fait une complainte qui a fait pleurer tout le monde. N'est-ce pas bien prendre mon temps et choisir le lieu ? Je ne crois pas que je sois bien lié jamais avec les membres de cette famille.
Si Louis avoit épousé un plus grand nom ou une plus grande fortune, peut-être aurois-je, sous quelques rapports, retrouvé des parens dans les siens. Christian, le frère cadet, part et va voyager plusieurs années.
Il aimoit Louis comme Pilade aimoit Oreste, et ne peut se faire à l'idée de ne plus occuper que le second rang.
Ce que vous me dites de vos arrangemens me fait une grande joie en me donnant l'espoir de vous voir cet hyver. Il faut autant que cela est possible se rapprocher dans cette vie; le moment de la dernière séparation est si prochain qu'on ne sauroit trop profiter du peu de jours qu'on a à se voir. [...]
La banqueroute de NICOLLE m'a obligé d'engager l'Abencerrage pour 9000 francs; ces 9000 francs seront payés par la vente de l'ouvrage que le prêteur aura le droit de faire imprimer au mois de novembre prochain pour paroître au mois de janvier, si je ne puis payer cette somme avant cette époque. Cela me met au désespoir, car je crois que ce n'est nullement le moment pour moi de reparoître aux yeux du public; sans compter que je n'ai aucune envie d'imprimer l'Abencerrage.
Je m'occupe de trouver la somme. Si j'étois assez heureux pour la trouver, je délivrerois le prisonnier; alors me trouvant libre, j'irois avec Mde de Ch[ateaubriand] passer tout le mois de novembre chez Mde d'Orglandes comme je l'ai promis à Louis. Si au contraire il faut imprimer l'Aben[cerrage], je resterai à la Vallée. Mon projet est d'y demeurer peut-être tout l'hyver, surtout si vous ne venez pas à Paris. Mais dans le cas où Mde de Ch[ateaubriand] s'ennuyât trop de cette solitude et voulût quitter la Vallée cela ne serait guère que vers la fin du mois de janvier que je consentirois à aller à Paris. - Notre grand arrangement n'est pas encore complet; mes neveux sont excessivement gênés par ce mariage, et retardent malgré eux le payement du premier trimestre.
D'un autre côté toutes les actions ne sont pas remplies». Il ne veut pas de M. de L. [duc de Lévis ?] qui «s'est vanté auprès de M. de Rosanbo d'être au nombre des associés; c'est fort aimable mais il nous faut des personnes qui puissent attendre dix ans leur gloire»...
Correspondance générale, t. II, n° 528.
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