Très belle correspondance sur son art et son atelier.
15 mars 1900. Sur son atelier agrandi, où ils ont été jusqu'à huit à travailler: «Le rêve de ma pensée semble vouloir s'accomplir; j'ai couru, j'ai voulu, on a bâti, j'ai subjugué
RODIN et nous avons les ateliers de sculpture
Rodin Desbois Bourdelle. Une trentaine d'élèves y sont déjà toutes les nations s'y croisent et depuis plus d'un mois je suis encore l'unique professeur. - J'ai fait un grand fronton de théâtre au Musée Grévin, pour la scène, et je prépare des envois importants aux arts appliqués (sculpture) à l'exposition».
Il évoque quelques-uns de ses élèves... «J'ai la vision d'une immense école demain dont les branches s'épandront dans le monde entier.
Ah ! s'il y a là des hommes c'est à dire des âmes quelle floraison j'en attends. C'est que j'ai parcouru un tel chemin voyez-vous ! et j'ai si bien vu mes années perdues faute de tradition sérieuse et le peu d'amour du beau des professeurs, tous des commerçants ! que je sais la nécessité d'un enseignement sincère»... «Voici que peut-être je vais pouvoir montrer à ce ciel que nous voyons de notre terre mon grain de poussière en tant que proportion, plus en tant que portée d'âme humaine.
Peut-être que le Conseil Municipal de la ville de Paris délivrera l'âme de cet homme qui est votre ami Bourdelle un bon permettant pour plus ou moins de mille francs de bâtir une colonne ou un palais à sa pensée.
Que cela soit seulement, et je pourrai protester contre l'asservissement des consciences d'art ! Il a été toujours de toute urgence qu'une encre, qu'une main de constructeur, qu'un oeil pénétrant, écrive, dresse ou montre au dessus des mangeurs au ratelier les nourritures prises aux rayons éternels de Dieu»... Etc.
«Une idée m'a été apportée peut-être par quelqu'un, peut-être par le vent ou par ellemême.
[...] Je suis papillon blanc je suis heureux et ma vie est une reconnaissance - tout m'enchante, les méchants sont ma force, les marbres froids les matériaux de mon art»... Puis il raconte un étrange «roman en quatre coups frappés à la vitre», avec «une femme au type espagnol [...] J'entrevois du feu noir, ses yeux. [...] J'ai le ruissellement de la fontaine sur les mains, la même femme aux yeux sombres à marche glissante qui vient.
[...] je sentais la vraie beauté - dans la rue elle doit sembler être un suc mais les chaînes du beau sont comme ça. Elle entre, elle ondule, je la suis. Un feu noir qui semble vouloir me consumer. Assise, elle défait des choses et tout en bas naissent de petites lumières puis des jambes à vue douces comme du velours blanc et qui disent à la fois la chaleur des roses sous le soleil - un cou naît une épaule des bras sans angles levés aux épingles des cheveux, c'est le croissant avec des yeux noirs». Elle a posé chez Falguière: «Falguière n'est pas convenable, encore s'il était jeune»... Et Bourdelle de conclure: «C'est tragi-comique, pauvre beauté et moi méchant soldat d'amour, avec la manie de vouloir l'âme égale à la beauté du corps et de m'enfuit s'il n'y a cela».