Lot n° 204

*Julien GREEN (1900-1998). Environ 65 L.A.S. « Julian » (dont 8 tapuscrites, 2 signées « J » et une incomplète), et 3 longues lettres tapuscrites non signées, années 1930-1968, à sa sœur Anne GREEN ; plus de 80 pages, la plupart in-8 ou in-4, enveloppes ; en anglais (quelques pièces jointes).

Estimation : 800 - 1 000 EUR
Description
*Julien GREEN (1900-1998). Environ 65 L.A.S. « Julian » (dont 8 tapuscrites, 2 signées « J » et une incomplète), et 3 longues lettres tapuscrites non signées, années 1930-1968, à sa sœur Anne GREEN ; plus de 80 pages, la plupart in-8 ou in-4, enveloppes ; en anglais (quelques pièces jointes).

Précieuse correspondance à sa sœur Anne, d’un grand intérêt biographique et littéraire.
Julien Green voyagea beaucoup, parcourant souvent l’Europe avec son fidèle ami Robert de Saint-Jean. Dans les années 1930, on le trouve à Londres, en Italie, puis sur un bateau de la Compagnie générale transatlantique, ou encore à New York, Philadelphie, en Virginie chez son ami Jim, puis de nouveau en Italie (Arezzo, Florence), à Londres, Copenhague, à Gibraltar s’embarquant pour les États-Unis, d’où il envoie des articles sur l’Amérique au Figaro et à Vu. Il est à New York quand éclate la Seconde Guerre mondiale, passe l’automne 1939 en Virginie puis décide de rentrer à Paris en janvier 1940. Mais en mai, abandonnant son appartement parisien et ses biens, il part pour les U.S.A., où il donne des conférences dans divers collèges et universités du pays. Mobilisé en 1942 et envoyé à New York pour servir au Bureau américain de l’information de guerre, il s’adressa cinq fois par semaine à la France dans l’émission radio Voice of America, travaillant entre autres avec André Breton.
Cet ensemble de lettres à sa sœur chérie permet de suivre l’écrivain dans ses périples européens et américains. Excellent narrateur, il donne de belles descriptions des lieux qu’il visite, ajoutant ses impressions à la vue d’un paysage, d’une œuvre d’art, d’une rencontre.
En novembre 1933, alors qu’il voyage en direction de l’Amérique, il complimente Anne pour son livre Fools rush in qui a réveillé en lui tant de beaux souvenirs d’enfance ; il lui dit avoir commencé à lire le livre de Maeterlinck « on Death [La Mort, 1913]. Dreadfully sad of course and, as I pointed out to Robert “ça ne peut que finir très mal”. So I left it in the train. I am now browsing on Froyd [Freud ?] and going from shock to shock. The things I have done as a baby ! »… À New York, il rencontre le célèbre collectionneur Albert BARNES, est impressionné par le film L’Homme invisible ; à Philadelphie, il visite une exposition d’œuvres de DALI, assiste à un spectacle de Serge LIFAR (« If you see Dalì tell him his show had a great success […] poor Lifar had very bad notices although he danced admirably »). De retour en Europe, l’écrivain se rend en l’Italie (1935), à Londres (1936), puis à Copenhague (1937). La situation politique en Europe oblige Robert de Saint-Jean à regagner Londres : « bless Mussolini and his horrible copain Hitler […] We walked a little through the town and I rented my rage by saying “A bas Hitler” several times, but not very loud ! My novel is getting as slowly […] I write […] in the morning, read some Hebrew in the afternoon, and go to Copenhagen in the evening »… Il doit renoncer à aller en Russie mais compte bien visiter la Suède. Fin 1938, il s’embarque à nouveau pour l’Amérique où l’accueille son ami Jim BUTLER. Les événements se précipitant en Europe, Julien presse Anne de venir le rejoindre avec quelques biens qu’ils pourraient monnayer : « Try to bring a few Dalis along with you. Roll up the canvases of them flat on your valise. I suggest you take your small one, in the drawing-room, and mine that hangs above it […] Also the small one in my bureau and the one that hangs in your room. Bring Bérard’s portrait of himself, if you can. […] We might get something for them over here […] we must learn complete detachment. Now that the first dreadful stock is over, I feel calmer an hope for better days […] Do you know where I can reach Maritain et Jaloux ? »…
Début 1940, Green est de retour à Paris. Il peste contre son éditeur Plon qui a exigé le texte encore incomplet de son roman (Varouna) et commence déjà à l’imprimer (« you can imagine what that means to a nervous novelist »). Il a rendu visite à André MAUROIS, qui l’aide grandement en lui fournissant des informations pour ses articles (« as you know he is an extremely good patriot ») ; il rapporte une histoire que lui a racontée François MAURIAC (« Mauriac’s latest story »), parle de ses interventions à la radio, de la rédaction d’articles pour les éditions Harper. Il est allé voir Les Monstres Sacrés et s’est entretenu avec Jean COCTEAU après le spectacle : « He said he has written his Monstres Sacrés for money, being, as I think, a little ashamed of them »... En juillet, il est à Lisbonne, où il contacte certaines personnes pouvant aider sa sœur à quitter l’Europe : « Better days will come, darling Anne, be sure of it. Don’t be discouraged if the trip you are going to undertake is longer than you expected. Bring whatever you can. If possible, the literary notes […] and many books of mysticism as you can manage […] No use bringing old letters […] they can only make us feel sad […] your book is splendid, not at all like mine »...
De 1940 à 1945, Julien Green réside aux États-Unis, fréquentant peu de personnalités du monde littéraire à part André Breton, Jacques Maritain, le père Couturier, mais aussi Dalì, Maurice-Edgar Coindreau et Darius Milhaud. Il lit Mallarmé, et André GIDE : « I have been reading Gide’s diary which I shall use in one of my lectures on Journaux littéraires (the others being Barrès and Renard) and feel depressed, in consequence although I can’t quite make me why ; I suppose that if I could, I would know what kind of person Gide really is, which I don’t (and who does ?) »... Charles et Gertrude STEIN (dont la collection de tableaux l’a impressionné : Matisse, Picasso, Degas, etc.) sont souvent cités dans ces lettres, ainsi que les Milhaud qui se montrent charmants avec lui : « I go to their house several times a day. Coindreau, Mme Milhaud […] and I are to read the Misanthrope et l’Auvergnat [de Labiche] to the students next Sunday. I hope we don’t laugh »... Alors qu’il s’inquiète pour sa sœur Eleanor, demeurant à Londres, bombardée par les Allemands, il continue de dispenser ses cours et à s’adresser aux Français par la radio : « It takes me, sometimes, several days to prepare a fifty minute talk, as I have to re-read volumes after volumes of Barrès, Gide and Bloy, to say nothing of PEGUY, but is helps me too. There is nothing like explaining a subject to others for making it clear in one’s own mind, and I don’t regret my effort. […] Yesterday I lectured on Gide’s diary, that depressing book, and made a special point, there being two nuns in the audience, to read some very disagreeable passages about Catholics in order to make his position quite clear, but there are other passage too, surprizingly numerous, where he talks about religion with reverence. […] Already in my talk on Péguy I spoke in a low voice of “l’épouvantable scandale que représente la persécution des Juifs” »… Etc.
Les trois longues lettres tapuscrites, non signées, contiennent de très nombreux conseils et instructions visant à aider Anne à quitter la France avec autant d’objets qu’il lui sera possible d’emporter : « the flat must be emptied of its contents and placed at the disposal of our landlord. […] If you cannot have the furniture shipped, have it stored, all under your name. […] If the books can be shipped, send literary notes along too, in the iron classeurs. All the books should be sent, Bremond, Bossuet, etc. […] My darling Anne, never mind about what we have lost. Even as a boy. I never felt that anything was really mine, although I wanted it to be. […] It simply doesn’t matter. Nothing matters except what goes on inside us »... En 1946, Julien Green est de retour en France et reprend ses voyages à travers l’Europe.
On joint 2 cartes de vœux autographes de Julien G. et de Robert de Saint-Jean à Anne Green.
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