Lot n° 23
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« HEURES DE G ET H » -- Livre d’heures à l’usage de Rome (Heures de la Vierge et Office des morts) -- France, très certainement Bourges, vers 1500-151. — En latin et en français, manuscrit enluminé sur parchemin, 156 ff. Reliure de...

Estimation : 600 000 - 800 000 €
Adjudication : 749 700 €
Description

maroquin brun, dos à 5 nerfs, lettrage doré « Horae », doublure intérieure de veau glacé vert avec décor doré en encadrement composé de filets, de motifs ornementaux et petits points dorés, frise intérieure avec des volutes, dentelle aux pélicans, double filet doré sur les coupes, signet de soie vert turquoise, tranches dorées (Trautz-Bauzonnet).

Manuscrit conservé dans un étui sur mesure de plein chagrin brun, doublé de cuir de Russie et soie noire. Dimensions : 127 x 185 mm.

TRÈS PRÉCIEUX MANUSCRIT, VÉRITABLE REDÉCOUVERTE, EXÉCUTÉ POUR LE COMMANDITAIRE QUI SE CACHE DERRIÈRE LES INITIALES « G ET H » ET LA DEVISE « JUSQUES A CE ». ♦ CHEF D’ŒUVRE DE L’ARTISTE BAPTISÉ MAÎTRE DE SPENCER 6 (ACTIF À BOURGES 1495-1510), CE MANUSCRIT EST ILLUSTRÉ DE 4 DIPTYQUES (8 GRANDES PEINTURES), 28 GRANDES MINIATURES [EN TOUT 36 GRANDES MINIATURES], 35 PETITES MINIATURES (DONT 12 AU CALENDRIER EN BAS-DE-PAGE) ET 4 INITIALES HISTORIÉES. IL CONTIENT ÉGALEMENT 3 INITIALES HISTORIÉES PAR UN AUTRE PEINTRE BERRICHON (PEUT-ÊTRE LE MAÎTRE DU ROMULÉON ?) (ff. 15, 17v, 20).

Le MAÎTRE DE SPENCER 6 est un enlumineur actif à Bourges entre 1490 et 1510 qui doit son nom à un livre d’heures également à l’usage de Rome conservé dans la collection Spencer de la New York Public Library (MS 6). Il est ainsi nommé d’après la cote de cet important manuscrit : on lui connaît une quarantaine de manuscrits dont plus d’une vingtaine sont des livres d’heures. Le présent manuscrit offre des similitudes avec le manuscrit de la Spencer Collection (NYPL) et il est le pendant du manuscrit éponyme, rivalisant avec celui de la Spencer Collection pour le statut de chef d’œuvre de l’artiste, avec quatre diptyques sur double-page (le manuscrit de la Spencer Collection en compte deux). Notons également que les présentes Heures contiennent, en plus des grandes peintures, un cycle parallèle de plus petites miniatures dont plusieurs sont placées en regard des grandes, et notoirement absentes des Heures Spencer.

→ Le MAÎTRE DE SPENCER 6 est un enlumineur actif à Bourges entre 1490 et 1510 qui doit son nom à un livre d’heures également à l’usage de Rome conservé dans la collection Spencer de la New York Public Library (MS 6). Il est ainsi nommé d’après la cote de cet important manuscrit : on lui connaît une quarantaine de manuscrits dont plus d’une vingtaine sont des livres d’heures. Le présent manuscrit offre des similitudes avec le manuscrit de la Spencer Collection (NYPL) et il est le pendant du manuscrit éponyme, rivalisant avec celui de la Spencer Collection pour le statut de chef d’œuvre de l’artiste, avec quatre diptyques sur double-page (le manuscrit de la Spencer Collection en compte deux). Notons également que les présentes Heures contiennent, en plus des grandes peintures, un cycle parallèle de plus petites miniatures dont plusieurs sont placées en regard des grandes, et notoirement absentes des Heures Spencer. L’artiste fut d’abord étudié par Plummer (1982) puis par Avril/Reynaud (1993) et plus récemment a fait l’objet des travaux de Airaksinen-Monier (2014, 2016, 2018). Le Maître de Spencer 6 fut actif à Bourges, où il peint plusieurs manuscrits pour des commanditaires, notamment des livres d’heures. Cet ancrage berrichon va évoluer et on retrouve l’artiste à l’œuvre pour des mécènes à Tours, à Troyes et aussi à Paris. Il peint sous l’influence de Jean Colombe, autre peintre berruyer, qui travailla aussi pour des commanditaires troyens, savoyards et parisiens. C’est un artiste qui s’associa volontiers à des artistes importants : on le voit collaborer avec Jean Poyet dans le Missel Lallemant (New York, Pierpont Morgan Library, M. 495) dont il peint les petites miniatures. Certaines recherches ont voulu l’identifier à un artiste-libraire de Bourges appelé Laurent Boiron (travaux de Jean-Yves Ribault repris dans Avril/Reynaud (1993)) mais cela a été récusé récemment par Airaksinen-Monier (2018).

Le MAÎTRE DE SPENCER 6 est caractérisé par des partis-pris iconographiques notoires, avec le recours fréquent aux plans rapprochés (le « dramatic close-up » étudié par Sixten Ringbom qui permet de concentrer le regard du spectateur et encourage la dévotion et la méditation) : les présentes Heures contiennent les très beaux portraits de la Vierge à l’Enfant avec un oiseau en plan rapproché (fol. 105 ; cette peinture fait écho à celle trouvée dans les Heures Spencer 6 au fol. 156v), et celui de Marie Madeleine (fol. 139) avec son regard qui trahit la couleur bleue de ses yeux.

Le traitement du calendrier avec les grandes scènes des travaux des mois face au texte du calendrier est tout à fait original et spectaculaire. Il reprend le parti-pris trouvé dans les Heures de la Spencer Collection, mais les sujets traités diffèrent, tout comme le traitement des signes du zodiaque. La mise-en-page toutefois est reprise entièrement de la même manière et ce calendrier est clairement sous l’influence de la mise-en-page des calendriers des grands chefs d’œuvre telles les TRÈS RICHES HEURES du DUC de BERRY, demeuré inachevé et repris par Jean Colombe : « Knowledge (via drawings or at least by gossip) of that illustrious book of hours and its unusual beginning – full-page calendar miniatures with lustrous landscapes and many castles – must have circulated in Colombe’s workshop. The calendar miniatures in Spencer 6 are a result of that knowledge » (Splendour of the Word, 2005, p. 281).

→ Le MAÎTRE DE SPENCER 6 affectionne particulièrement le traitement des détails vestimentaires pittoresques et au goût du jour : notre manuscrit offre un florilège de vêtements et tenues à la mode, qui laisse poindre l’influence de la mode italienne introduite en France. On a relevé la connaissance du Berry de l’artiste, démontrée par les vues exactes par exemple du château de Mehun-sur-Yèvre dans le manuscrit de la Spencer Collection : une étude des représentations architecturales des présentes Heures s’impose et permettra sans doute des identifications semblables locales en Touraine ou dans le Berry. On signalera par exemple les châteaux représentés en arrière-plan au calendrier, mois de novembre (fol. 12v), dans la miniature de Bethsabée au bain (fol. 63v), dans le diptyque de l’Annonciation (ff. 23v-24 ; faisant écho au diptyque des Heures Spencer 6, fol. 32v-33) et la très belle structure de puits dans le diptyque d’Adam et Eve face au Christ (fol. 1v-2 ; faisant écho au diptyque « Adam et Ève chassés du Paradis » des Heures Spencer 6, ff. 1v-2)). Notons que les présentes Heures et celles de la Spencer Collection commencent toutes deux non pas directement par le calendrier mais par un diptyque saisissant figurant Adam et Ève, dans un cas devant le Christ (ici ff. 1v-2) et dans l’autre cas Adam et Ève expulsés du Paradis par un ange (New York Public Library, Spencer Collection, MS 6, ff. 1v-2).

LA COMPOSITION DES DEUX LIVRES D'HEURES EST SEMBLABLE. Ils sont peints dans le même esprit (en anglais on parlerait de « sister manuscripts ») mais les « Heures G et H » sont dotées d’un cycle plus développé.

Les travaux récents de K. Airaksinen-MonierLe Maître de Spencer 6 et ses commanditaires voyageurs » (2018)) ont relevé dans les Heures Spencer 6 une prédilection pour le monde du voyage et de la vènerie. Notre livre d’heures présente aussi des vues avec des bateaux (ff. 14v, 93), un intérêt pour la chasse et notamment au faucon ou à l’épervier (ff. 3v, 9v, 12v, 13v) et pour l’exotisme en général (fol. 59v avec une scène figurant Joseph cueillant des dattes dans une Fuite en Egypte revisitée ; fol. 50 avec la rencontre des rois mages dont l’un chevauche un éléphant. On citera Airaksinen-Monier (2018) : « L’artiste de Bourges compose ses images en fonction de ses commanditaires, en y intégrant des préoccupations contemporaines avec une compétence incontestable. Son imagination est inspirée par des nouveautés dans le monde vestimentaire et l’art italien, des voyages outre-mer et par les croisades contre les Turcs... [...] Ces livres éclairent bien le milieu pour lequel travaillait le Maître de Spencer 6. Ses commanditaires étaient des hommes de lettres, des hommes politiques et des marchands qui voyageaient fréquemment, particulièrement en Italie. Ce sera probablement dans le même entourage qu’on trouvera un jour le commanditaire du livre d’heures éponyme à New York... ».

AIRAKSINEN-MONIER distingue dans le manuscrit de New York deux intervenants responsables des miniatures : il conviendrait de départager aussi deux mains du même atelier dans les présentes Heures, avec deux registres de finition (Airaksinen-Monier distingue dans l’atelier du Maître de Spencer 6 un artiste A et un artiste B et redistribue les manuscrits attribués au Maître de Spencer 6 entre ces deux mains).
La redécouverte des présentes Heures permettra une comparaison approfondie entre les deux chefs d’œuvre de l’artiste. Dans les présentes « Heures G et H », nous avons bon espoir qu’il sera possible de lever le mystère et d’identifier la devise, « jusques a ce » les initiales G et H et les armoiries de l’élégant commanditaire figuré en prière (fol. 93) avec des embarcations au loin qui invitent au voyage...

TEXTE :
• ff. 2v-14v, Calendrier, en français, à l’encre rouge et brune, avec les saints suivants : Guillaume (10 janvier, en rouge) ; Sulpice et Antoine (17 janvier, en rouge) ; Vincent (22 janvier, en rouge) ; Nicolas (9 mai, en rouge) ; Translation de Saint Martin (4 juillet) ; Invention des reliques de Saint Etienne (3 août) ; Laurent (10 août, en rouge) ; Martin (11 novembre, en rouge) ; Nicolas (6 décembre, en rouge) ; Ursin (30 décembre) ;
• ff. 15-17v, Péricopes évangéliques
• ff. 17v-20, Obsecro te, désinence masculine « Et michi famulo tuo... » (fol. 19) ;
• ff. 20-21, O intemerata ;
• ff. 21-21v, Suffrage à Saint Sébastien ;
• ff. 21v-22, Suffrage à sainte Anne ;
• f. 22v, feuillet blanc ;
• f. 23, feuillet blanc ;
•ff. 23v-61v, Heures de la Vierge, à l’usage de Rome, avec matines (ff. 24-34) ; laudes (ff. 34-) ; prime (ff. 43-46v), antienne « Assumpta es » et capitule, « Que est ista » ; tierce (ff. 46v-49v) ; sexte (ff. 49v-52v) ; none (ff. 52v-55), antienne « Pulcra es » et capitule, « In plateis » ; vêpres (ff. 56-59) ; complies (ff. 59v-61v) ; incorporées aux Heures de la Vierge : ff. 41-42, Heures de la Croix ; ff. 42-43, Heures du Saint Esprit ;
• ff. 62-62v, feuillet réglé blanc ;
• ff. 63-73, Psaumes de la pénitence, suivies des litanies (ff. 70v-73) ; on relève les saints suivants : Étienne ; Laurent ; Vincent ; Sébastien ; Nicolas ; Guillaume (« Guillerme ») ; Agnès ; Anne ; Susanne ;
• f. 73v, feuillet blanc ;
• ff. 74-91v, Office des morts (usage de Rome), avec les leçons suivantes : (1) Credo quod ; (2) Qui Lazarum ; (3) Domine quando ; (4) Memento mei ; (5) Heu michi domine ; (6) Ne recorderis ; (7) Peccantem me ; (8) Domine secundum ; (9) Libera me ;
• ff. 92-92v, feuillet blanc ;
• ff. 93-104, Suffrages aux saints ; première prière, « Suscipe domine sancte pater... » ; puis Prière au Christ ; Prière au réveil ; Prière en sortant du lit ; Prière en sortant de chez soi ; Prière pour tous les défunts ; Prière en entrant dans une église ; Prière à la Croix ; Prière aux anges ; Prière à tous les saints ; Prière pour l’élévation de la Sainte Hostie ; Prière pour l’élévation du sang du Christ ; Prière du Pape Boniface, rubrique : Papa Bonifacius omnibus orationem sequentem dicentibus inter elevationem corporis christi et tercium... ; rubriques suivantes, Quando quis vult confiteri peccata sua devote primo dicat iste psalmus ; Post confessionem dicat devote orationem ; Ante receptionem corporis christi ; Ad receptionem corporis christi ; Post receptionem corporis christi ; Deinde ad beatam virginem mariam ;
• f. 104v, feuillet blanc réglé ;
• ff. 105-121, Prières à la Vierge ; première rubrique (fol. 104) : Sequuntur salutaciones et orationes beate marie virginis ; autres rubriques, De nostra domina iuxta crucem ; De conceptionem beate marie ; In nativitate beate marie ; In annunciatione beate marie ; In visitacione ; In purificatione beate marie ; In assumptione beate marie ; Petites heures de la Vierge (ff. 115-117), avec rubrique Sequuntur parve hore beate marie ; rubrique, Sequuntur septem psalmi beate marie ; suivies de prières ;
• ff. 121-154v, Suffrages, dont Saint Michel ; Saint Jean-Baptiste ; rubrique In decollatione sancti Iohanne Baptiste ; Saint Jean l’Evangéliste ; Saint Pierre Apôtre ; Saint Paul ; Saint Jacques ; Saint André ; Toussaint ; Saint Etienne ; Saint Laurent ; Saint Sébastien ; Saint Christophe ; Saint Georges ; Saint Blaise ; Saint Nicolas ; Saint Julien ; Saint Martin ; Saint Benoît ; Saint Gatien ; Saint Fiacre ; Saint François ; Saint Mathurin ; Saint Avertin ; Saint Eloi ; Saint Roch ; Sainte Anne ; De sororibus antiphona ; sainte Marthe ; sainte Marie Madeleine ; Sainte Barbe ; Sainte Catherine ; sainte Apolline ; Sainte Marguerite ; Sainte Avia ; (tous les Saints) ; In introitu lecti ymnus ; Quando intrabis lectum faciendo signum crucis ; In introitu lecti ; Ensuivent tous les misererez extraictz du psaultier et mis en forme d’une tresdevote oraison ; suivi de prières diverses ; Les sept vers Saint Bernard (ff. 148v-149) ; Officium defunctorum invitatorium (ff. 149-151) ; Oratio sancti petri de lucemburgo (sont cités dans cette prière Gatien ; Martin ; Nicolas ; Antoine ; Agnès et alia);

ILLUSTRATION :
ff. 1v-2, diptyque, Christ devant Adam et Eve [encadrement architecturé] ;

Calendrier :
f. 2v, Mois de janvier, Travaux des mois, Repas pris devant l’âtre ;
f. 3, Mois de janvier, Signe du zodiaque : Verseau (miniature en marge inférieure) ;
f. 3v, Mois de février, Travaux des mois, Scène de chasse à l’épervier ou au faucon ;
f. 4, Mois de février, Signe du zodiaque : Poissons (miniature en marge inférieure) ;
f. 4v, Mois de mars, Travaux des mois, Émondage et taille des arbres (vignes ?);
f. 5, Mois de mars, Signe du zodiaque : Bélier (miniature en marge inférieure) ;
f. 5v, Mois d’avril, Travaux des mois, Scène champêtre, femmes et hommes tressant des couronnes de fleurs ;
f. 6, Mois d’avril, Signe du zodiaque : Taureau (miniature en marge inférieure) ;
f. 6v, Mois de mai, Travaux des mois, Promenade équestre ;
f. 7, Mois de mai, Signe du zodiaque : Gémeaux (miniature en marge inférieure) ;
f. 7v, Mois de juin, Travaux des mois, Travaux des champs et repos champêtre ;
f. 8, Mois de juin, Signe du zodiaque : Cancer (miniature en marge inférieure) ;
f. 8v, Mois de juillet, Travaux des mois, Moissons ;
f. 9, Mois de juillet, Signe du zodiaque : Lion (miniature en marge inférieure) ;
f. 9v, Mois d’août, Travaux des mois, Scène de chasse à cour ;
f. 10, Mois d’août, Signe du zodiaque : Vierge (miniature en marge inférieure) ;
f. 10v, Mois de septembre, Travaux des mois, Cueillette de raisin (vendanges) ;
f. 11, Mois de septembre, Signe du zodiaque : Balance (miniature en marge inférieure) ;
f. 11v, Mois d’octobre, Travaux des mois, Semailles et labourage ;
f. 12, Mois d’octobre, Signe du zodiaque : Scorpion (miniature en marge inférieure) ;
f. 12v, Mois de novembre, Travaux des mois, Scène de chasse à l’épervier ;
f. 13, Mois de novembre, Signe du zodiaque : Sagittaire (miniature en marge inférieure) ;
f. 13v, Mois de décembre, Travaux des mois, Scène de chasse au sanglier (chasse au pieu) ;
f. 14, Mois de décembre, Signe du zodiaque : Capricorne (miniature en marge inférieure) ;

Péricopes évangéliques, Obescro te, O intemerata :
f. 14v, grande miniature à pleine page, Saint Jean l’Évangéliste exilé sur l’île de Patmos, mené de force par des soldats (miniature comparable dans les Heures Spencer 6, fol. 14v : “John the Evangelist, who is usually shown calmly writing his Gospels in the miniature that traditionally marks his lesson, is shown instead being rudely shoved to the ground, with the ship that brought him into exile on Patmos featured prominently” (Splendour of the Word, 2005, pp. 278-279, notice de Roger Wieck) ;
f. 15, initiale I historiée, Saint Jean l’Évangéliste écrivant sur l’île de Patmos (dimensions : 39 x 54 mm);
f. 17v, initiale O historiée, Pietà (dimensions : 40 x 40 mm);
f. 20, initiale O historiée, Vierge à l’Enfant (dimensions : 18 x 20 mm);
→ Trois initiales historiées (ff. 15, 17v et 20) sont attribuables à une autre main, sans doute un artiste berrichon. Faut-il y voir la main de l’artiste appelé « Maître du Romuléon » que Marie Jacob a extrait parmi les artistes de « l’atelier Colombe » d’après un manuscrit conservé à Paris, BnF, fr. 364 (voir Elsig (ed.), Peindre à Bourges aux XVe-XVIe siècles (2018), Marie Mazzone, « Le Maître du Romuléon : Philibert Colombe ? ») ? Ce Maître a collaboré avec le Maître de Spencer 6 dans au moins quatre manuscrits.

Heures de la Vierge (avec incorporées les Heures de la Croix et les Heures du Saint-Esprit) :
ff. 23v-24, diptyque, double pleine page, Annonciation [encadrement architecturé] ;
f. 34v, grande miniature à pleine page, Visitation [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 35, petite miniature (demi-page), Vierge et personnage à chapeau nimbé (?) ;
f. 35, initiale D historiée, Visitation (dimensions : 30 x 25 mm) ;
f. 41v, grande miniature à pleine page, Arrestation du Christ et Baiser de Judas (comparez avec la même scène des Heures Spencer 6, fol. 22 ; cette scène reprend des modèles de Jean Poyer et de Colombe) [encadrement bois écoté] ;
f. 42v, grande miniature à pleine page, Vierge et Apôtres (rayons descendant du ciel, scène de Pentecôte illustrant matines des Heures du Saint-Esprit) [encadrement bois écoté] ;
f. 43v, grande miniature à pleine page, Nativité [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 44, petite miniature (demi-page), Clercs en prière, avec rayons les éclairant ;
f. 44, initiale D historiée, Annonce aux bergers (dimensions : 26 x 30 mm) [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 46v, petite miniature (demi-page), Bergers ;
f. 47, grande miniature à pleine page, Annonce aux bergers [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 49v, petite miniature (demi-page), Adoration des mages ;
f. 50, grande miniature à pleine page, Rencontre des rois mages (un roi a pour monture un éléphant) [encadrement bois écoté] ;
f. 52v, petite miniature (demi-page), Présentation au temple ;
f. 53, grande miniature à pleine page, Enfance du Christ, Vierge avec l’enfant Jésus lui donnant une poire ; Joseph charpentier endormi [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté ; initiales GH à l’encre rouge le long des colonnes] ;
f. 55v, grande miniature, Christ enseignant aux docteurs ;
f. 56, grande miniature à pleine page, Massacre des innocents [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 59v, grande miniature, Vierge avec l’Enfant Jésus, secondée par deux personnages ; Joseph cueillant des dattes [scène de Fuite en Egypte réadaptée] [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 60, petite miniature (demi-page), Couronnement de la Vierge ;
f. 60, initiale C historiée, Personnage nimbé (Vierge), initiale surchargée par les lettres « G et H » liées par une cordelière.

Psaumes de la pénitence :
ff. 63v-64, diptyque, double pleine page, Bethsabée au bain, avec David à la fenêtre ; David remet une lettre à Urie [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;

Office des morts :
ff. 74v-75, diptyque, double pleine page, Les trois morts et les trois vifs [encadrement architecturé] ;
f. 77v, initiale V historiée, Tête de mort (dimensions : 25 x 20 mm) ;

Prières :
f. 93, grande miniature à pleine page, Donateur en prière devant le Christ en majesté parmi des anges [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté] ;
f. 94, petite miniature (dimensions : 45 x 50 mm), Christ bénissant ;
f. 96v, petite miniature (dimensions : 43 x 52 mm), Dévot (commanditaire ?) en prière
f. 98, petite miniature (dimensions : 44 x 55 mm), Croix avec lances et échelle ;
f. 105, grande miniature à pleine page, Vierge à l’Enfant, avec oiseau ;
f. 112, petite miniature (dimensions : 42 x 53 mm), Pietà ;
f. 113, petite miniature (dimensions : 42 x 50 mm), Rencontre à la porte dorée ;
f. 121v, petite miniature (dimensions : 42 x 52 mm), Saint Michel l’archange ;
f. 123, petite miniature (dimensions : 40 x 48 mm), Saint Jean-Baptiste ;
f. 125, grande miniature (dimensions : 82 x 95 mm), Décollation de Saint Jean-Baptiste [encadrement architecturé] ;
f. 125v, petite miniature (dimensions : 40 x 45 mm), Saint Jean l’Evangéliste ;
f. 126v, petite miniature (dimensions : 42 x 48 mm), Saint Pierre apôtre ;
f. 128, petite miniature (dimensions : 40 x 48 mm), saints (Toussaint), dont Paul et Pierre ;
f. 129, petite miniature (dimensions : 40 x 47 mm), Saint Laurent ;
f. 129v, petite miniature (dimensions : 42 x 48 mm), Saint Sébastien ;
f. 131v, petite miniature (dimensions : 42 x 47 mm), Saint Georges ;
f. 132v, petite miniature (dimensions : 40 x 47 mm), Saint Nicolas ;
f. 134v, petite miniature (dimensions : 41 x 48 mm), Saint Martin ;
f. 139, grande miniature (dimensions : 84 x 93 mm), sainte Marie Madeleine [encadrement architecturé] ;
f. 140v, petite miniature (dimensions : 41 x 46 mm), sainte Barbe ;
f. 141v, petite miniature (dimensions : 40 x 48 mm), sainte Catherine ;
f. 155v, grande miniature à pleine page, Saint Jérôme pénitent, flanqué de son lion [encadrement architecturé et colonnes en bois écoté].

COMPOSITION ET DÉCORATION :
156 ff., avec dernier feuillet (fol. 156) un feuillet réglé blanc, précédés et suivis de 2 feuillets de gardes de parchemin, manque a priori 3 ff. de texte [après f. 46v, f. 49v et f. 55v ; manque peut-être du texte au f. 60 masqué sous la miniature] (collation sujette à caution car couture serrée : i8, ii-iii6, iv-xiii8, xiv9 (8+1), xv-xix8, xx7 (6+1)), écriture bâtarde à l’encre brune, texte sur une colonne, jusque 24 lignes par page, réglure à l’encre rouge pâle (justification : 70 x 115 mm), quelques réclames à la verticale à la fin des derniers cahiers, quelques débuts de texte copiés en capitales romaines à même les cadres architecturés ou en bois écoté des grandes miniatures, ornementation du copiste (lettres cadelées) dans les marges supérieures, avec des personnages grotesques de profil et hybrides zoomorphes se prolongeant dans la marge et rehaussées d’aquarelle, rubriques en rouge vif, puis un rouge plus pâle dans la seconde partie du manuscrit, petites initiales à l’or liquide sur fonds rouge foncé ou bleu (1 à 2 lignes de hauteur), bout-de-lignes du même type à l’or liquide sur fonds rouge foncé ou bleu, grande initiales marquant le début des divisions liturgiques, bordures enluminées à toutes les pages (classiques gothiques, en compartiments avec décor de feuillages d’acanthe et motifs floraux et fruits, peuplés d’oiseaux et d’hybrides zoomorphes ; ou décor de type plus Renaissance, par exemple ff. 112 et 112v), 7 initiales historiées (ff. 15, 17v, 20 (peintes par un autre artiste, Maître du Romuléon ?) ; ff. 35, 44, 60, 77v (attribuables au Maître de Spencer 6)), 35 petites ou moyennes miniatures (dont 12 bas-de-page pour le calendrier), 4 diptyques (ff. 1v-2 ;
23v-24 ; 63v-64 ; 74v-75 [8 pleines pages]) et 28 grandes miniatures (dont 12 grandes miniatures pour le calendrier) [en tout 36 grandes miniatures] ; à noter que dans le cas de 5 petites miniatures (ff. 44, 46v, 49v, 55v et 60) on perçoit sous les miniatures des éléments de texte et lettrines.

Superbe état de fraîcheur (petite fente au mors supérieur de la reliure), quelques miniatures peintes couvrant du texte.

PROVENANCE : 
1. Manuscrit réalisé pour un usage liturgique « universel » (Rome), avec un calendrier, des litanies et des suffrages qui comportent un nombre non négligeable de saints berruyers (Ursin, Étienne, Sulpice, Nicolas, Laurent, Guillaume) mais aussi tourangeaux (Martin, Gatien, Fiacre parmi les suffrages). Il fut réalisé pour un commanditaire masculin, en témoigne la forme masculine de la prière Obsecro te (fol. 19) et le portrait trouvé dans l’enluminure à pleine page, fol. 93. La présence de saints tourangeaux parmi les litanies et suffrages peut suggérer une origine tourangelle pour ce commanditaire, mais n’oublions pas que des saints berruyers sont également présents dans le calendrier et aux litanies.

Ce commanditaire pourrait être l’homme derrière une des initiales G et H, reliées le plus souvent par une cordelière
(ff. 3, 4, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 53, 60, 94, 110, 116v, 133, 133v, 145v, 146v). Il doit s’agir des initiales d’un couple aux prénoms débutant par G et H. On trouve également répétée à plusieurs reprises dans les marges la devise « Jusques a ce » (ff. 47v, 53v, 94, 94v, 96, 96v, 97, 97v, 99, 99v, 124, 124v, 134, 134v, 141, 144, 144v, 148, 148v) et des éléments d’héraldique, malheureusement très peu probants car soit effacés ou considérablement grattés : on distingue néanmoins un écartelé d’azur et d’or (?) mais les meubles sont très peu discernables (ff. 3, 5, 6, 7, 8, 19, 19v, 53, 133, 133v, 142, 142v, 145, 147v). Cet écu a été blasonné comme suit dans le catalogue de vente Lignerolles : « Ses armes sont peintes dans la marge du fol. 147v : écartelé au 1 et 4 d’or ; au 2 et 3 d’azur, au lion de gueules brochant sur le tout, ainsi que sa devise et son chiffre ».

L’identification de la devise, des armoiries (certes en grande partie effacées ou surpeintes) et des initiales « G et H » permettra d’identifier le commanditaire des présentes Heures, rajoutant un personnage important à la liste des mécènes du Maître de Spencer 6. On notera que le Maître de Spencer 6 a réalisé un autre livre d’heures parsemé des initiales des commanditaires « G et C » : on trouve sur les colonnades et bois écotés des encadrements des Heures de Guillaume de Seigne et Claudine Fortier (Londres, British Library, Harley 2969), le même parti-pris avec les initiales des commanditaires répétées à plusieurs reprises.

2. Armoiries de France peintes au fol. 147 dans la bordure enluminée.

3. Certainement bibliothèque du Baron Jérôme Pichon. C’est le Baron Pichon qui a fait relier le manuscrit par Trautz-Bauzonnet : la doublure est ornée de la célèbre dentelle aux pélicans. Toutefois, il ne porte pas son ex-libris et ne figure pas dans les ventes de 1869 et 1897.

4. Collection du comte de Lignerolles, vente 29 janvier 1894, no. 9 (voir Catalogue des livres rares et précieux manuscrits et imprimés composant la bibliothèque de feu M. le comte de Lignerolles. Première partie : manuscrits, théologie, jurisprudence, sciences et arts : [vente, Hôtel des commissaires-priseurs, salle 2, 29 janvier 1894 et les cinq jours suivants, Me Maurice Delestre, commissaire-priseur]).

5. Collection Robert Beauvillain, avec sa vignette ex-libris collée sur le contreplat supérieur avec la mention : « Et Beauvillain ? Toujours il vous aime », gravure signée « Ch. Jouas ». Ces lignes proviennent de l’échange entre les personnages Marion et Saverny dans la pièce de Victor Hugo, Marion de Lorme (Acte I) ; Charles Jouas (1866-1942), dessinateur et illustrateur, collabora de près avec, entre autres, Henri Beraldi.

BIBLIOGRAPHIE :
Airaksinen-Monier, Katja. Vision and Devotion in Bourges around 1500: An Illuminator and His World, Thèse de doctorat, Université d’Edimbourg, 2014.

Airaksinen-Monier, Katja. « The Master of Spencer 6 : Collaborators, Patrons, Artistic Achievement », dans Christine Seidel and Nicholas Herman, French Painting ca. 1500 : New Discoveries, New Approaches (actes du colloque de la Renaissance Society of America à Montréal le 26 mars 2011), Turnhout, Brepols, coll. « Ars Nova », 2016, pp. 140-158.

Airaksinen-Monier, Katja. « Le Maître de Spencer 6 et ses commanditaires voyageurs », in Peindre à Bourges aux XVe-XVIe siècles
(éd. F. Elsig), 2018, pp. 127-141.

Alexander, J. et alia. The Splendour of the Word. Medieval and Renaissance Illuminated Manuscripts at the New York Public Library, New York, 2005, no. 62, pp. 278-282.

Avril, François et Nicole Reynaud. Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, 1993, pp. 343-345, notices nos. 190, 191, 192.

Avril, François, Nicole Reynaud et Dominique Cordellier (dir.). Les Enluminures du Louvre, Moyen Âge et Renaissance, Paris, 2011, no. 196 (Notice de Mara Hofmann).

Chancel-Bardelot, B. et alia. Tours 1500. Capitale des arts, Paris et Tours, 2012, no. 98, pp. 346-347 : « Heures de Jean de la Rue et Perrine Le Fuzelier » (Paris, collection particulière).

Plummer, John et Gregory Clark. The Last Flowering: French Painting in Manuscripts 1420-1530 from American Collections,
New York, 1982, p. 87.

Numérisation des Heures à l’usage de Rome (Heures Spencer), New York, New York Public Library, Spencer Collection, Ms. 6 :
https://digitalcollections.nypl.org/items/3e6b52b0-e35e-0135-3c4e-33967cf551ac/book?parent=f2ea2400-c6e0-012f-8e64-58d385a7bc34#page/1/mode/2up

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