ses projets vers l'Amérique.
4 mai, plaintes contre Georges PETIT «qui ne se conduit pas bien avec moi. Je n'ai jamais mieux demandé que de m'entendre avec lui [...] Malheureusement il est si peu sérieux que je ne sais que penser de lui. Il est d'ailleurs plus embarrassé que moi dans ses affaires. Je ne me démonte pas; je ne vous abandonnerai pas. [...] J'ai converti ces jours-ci un nouvel amateur, GADALA, l'agent de change qui m'a pris un tableau de vous et un Sisley. Je vais vendre demain un Pis- sarro à CLEMENCEAU. Cela vient peu à peu malgré la colère et les jalousies des uns et des autres. S'il n'y avait pas la question d'argent tout irait pour le mieux»... * 15 mai. «Ne vous tourmentez pas. Nous passerons tous cette crise, [...] quand on a un but à poursuivre il ne faut jamais se laisser abattre. [...] De votre côté mettez-vous au travail avec ardeur; terminez moi le plus vite possible les toiles que vous avez rapportées.
Laissez moi faire avec vos tableaux. Je veux toujours maintenir les prix, tout en faisant de temps en temps des concessions à des amis ou à de nouveaux clients pour les attirer, mais il faut que ce soit fait presque en secret et comme faveur pour ne pas nuire à la cote. [...] Aidez moi par votre talent comme je ferai en sorte de vous aider par toutes mes ressources». PISSARRO est parti pour sa campagne d'Éragny. * 16 mai, avec 300 F. «Regardez le chemin que vous avez parcouru depuis 2 ans, les dettes sans nombre que vous avez payées, le progrès immense de l'opinion des amateurs à votre égard, la situation incontestée que vous avez maintenant. Tout cela est énorme et doit vous faire supporter vaillamment un dernier moment de gêne. [...] Je viens de voir RENOIR. Il ne s'abat pas et il a raison. Envoyez moi en premier les 2 vues de Menton et beaucoup d'autres si vous pouvez»...
* 23 mai, avec 300 F. «Je viens de voir Mr HAVILAND qui est bien désireux d'avoir son tableau. Plusieurs autres personnes désirent aussi voir vos dernières oeuvres. Êtes-vous un peu remonté? Il faut avoir plus de force de caractère pour supporter les ennuis. Vous savez bien que vous vous en tirerez toujours». Il va s'arranger avec le créancier de la rue Cretet...
* 31 mai, avec 200 F, «le fond de la caisse. [...] Les tableaux sont très beaux. Tâchez de me terminer les autres le plus tôt possible et de vous mettre également en quête de nouvelles recherches. [...] Les affaires sont détestables partout»... 20 juin, avec 200 F. Il revient de Hollande. Il sait que Monet a vu Georges PETIT: «Je le crois dans une situation épouvantable et bien plus dangereuse que la mienne. Je lui ai vendu 4 de vos nouveaux tableaux à peu près au prix coutant, toujours pour tâcher de l'entraîner, mais il n'ose pas afficher ses convictions à cause de sa situation. Il est obligé de suivre ceux qui lui viennent en aide actuellement et qui sont précisément nos ennemis les plus acharnés. Je poursuis tou- jours mon idée de société artistique»...
* 26 juin, avec 100 F: «Vous n'avez pas idée des efforts que je fais de tous côtés pour sortir de cette situation et arriver à vous aider tous d'une façon utile. [...] Hier j'ai fait la conquête d'un nouvel amateur fort riche qui s'est épris de vos tableaux. Il m'en achètera mais je ne peux pas lui laisser voir trop de gêne. Cela le refroidirait»...
* 27 juin, avec 100 F: «Tout le monde est atteint par la crise»... * 28 juin, avec 100 F: «C'est lundi la fin du mois et je ne sais encore à quel saint me vouer pour la passer»... 1er juillet, longue lettre pour rassurer Monet: «Je n'ai pas à vous dire tout ce que j'ai enduré de tracas et de pertes pour vous avoir défendu depuis bien des années. [...] vous n'avez pas d'ami plus dévoué et plus désintéressé. [...] tous les efforts que je fais chaque jour profitent énormément à votre réputation et assurent le succès». Il recommande à Monet de ne parler de rien et de se méfier, notamment d'HAYEM et de CLAPISSON qui «voudraient vous voir dans la misère pour avoir tout pour rien. [...] Surtout ne donnez pas un tableau à personne et croyez que nul ne vous paierait ce que je vous paie, sauf une fois par hasard pour me contrecarrer»...
* 3 juillet, avec 300 F: «Petit à petit nous viendrons à bout de tout, mais tenons nous bien et ne faites savoir à personne nos ennuis. On les connaît déjà bien assez [...] Je suis plus sûr que jamais du succès, malgré les crises, malgré les déboires, malgré les jaloux et les ennemis de toute sorte»... * 12 juillet, avec 100 F: «Je partage avec vous ce qui me reste jusqu'à mardi. [...] l'essentiel est de ne pas mourir de faim».
* 16 juillet: «vous ne pouvez vous figurer l'acharnement que l'on met contre moi parce que je vous défends vous et vos amis. C'est une résolution bien arrêtée de nous tuer, mais il faut espérer que tous ces brigands seront morts avant nous. PETIT est un des plus canailles. Il me fait une guerre de sauvage. Ce n'est du reste qu'un imbécille et un vaniteux». Il va voir un amateur «que je convertis et dont j'espère beaucoup. Vous voyez que je lutte toujours»...
* 18 juillet: «Je suis éreinté par les soucis et les préoccupations mais courage et nous viendrons à bout de nos persécutions»...
* 30 juillet, avec 300 F: «j'ai passé 3 heures avec des capitalistes que je cherche à convaincre et à entraîner. Je les mène rue de Rome et là ils se repaissent de peinture. C'est là que je peux obtenir le plus de résultat et je crois qu'il y a un progrès marqué. [...] Travaillez et faites de bons tableaux. Nous les vendrons et nous aurons raison de nos ennemis»... 19 août: «je suis absolument sans argent. Il me reste 2 fr. ce soir»... * 28août: «Petit se conduit très mal et me poursuit à outrance. [...] Je vous enverrai demain un peu d'argent à Étretat [...] Avez-vous travaillé aux Petites Dalles et à Étretat? Êtes-vous content de ce que vous y avez fait? Je croyais que vous alliez rester plus longtemps au bord de la mer»...
* 29 août, avec 300 F: «C'est un vilain moment à passer»... 8 septembre, avec 300 F: «tâchez de faire de bons tableaux et le moment du succès finira par venir pour vous et pour moi»...
* 25 septembre, avec 200 F, en espérant que la fin des vacances marquera la fin du «marasme inouï des affaires»... 3 octobre, avec500 F: «Je n'ai jamais proposé de tableaux de vous à vil prix et je ne crois pas qu'il y en ait à vendre nulle part. C'est donc un mensonge. C'est un système de dénigrer tout pour tout tuer et pour tout avoir ensuite pour rien. Quant à PETIT, il garde ses tableaux, ne les montre même pas, ce qui est fâcheux, mais ne les offre pas du tout à vil prix. [...] Je suis en pourparlers pour réorganiser mes galeries de la rue Laffitte et remonter une affaire assez importante. [...] Ne vous démontez pas. Travaillez avec calme, tâchez de faire des tableaux très soignés et très faits que nous puissions faire voir comme preuve que vous ne vous contentez pas d'esquisses, car c'est toujours le reproche qui m'est adressé et c'est ce qui empêche le mouvement en votre faveur de se propager»...
* 17 octobre, avec 300 F: «Bon courage. Continuez à bien faire vos études»...
* 22 octobre, avec 300 F: «j'ai su par HOSCHEDÉ que vous avez fait de très belles études d'automne et que vous avez d'excellents tableaux à me donner avant peu. Continuez et profitez des derniers beaux jours que nous avons pour achever vos études [...] Je cherche à organiser une campagne pour cet hiver»... 1er novembre: il voudrait aller le voir «pour jeter un coup d'oeil sur toutes vos dernières toiles. Je le ferai dès que je pourrai. Continuez de travailler avec courage et ardeur. Les efforts que nous faisons tous finiront par aboutir et je l'espère avant peu Je vais faire battre le rappel dans toute la presse en votre faveur. PILLET a commencé dans le Journal des débats, MIRBEAU dans La France et ce n'est que le commencement. Je les invite à dîner, je les grise de votre peinture; je les fais causer avec des amis de notre cause et ils sont pincés»...
* 2 novembre, avec 300 F: «Avez-vous pu mener à bonne fin les différentes scènes d'automne que vous aviez en train? La campagne a dû être bien belle»; il prie Monet de lui envoyer «les oeuvres que ces belles scènes de la nature à cette époque ont dû vous inspirer»...
* 9 novembre, avec 300 F: il voudrait l'inviter à dîner avec mIrBEAU «qui a commencé une série d'articles sur l'art dans des idées très élevées et très saines. Il est grand admirateur de votre talent et de celui de ceux que vous aimez. Il a écrit cette semaine un très bel article sur PUVIS DE CHAVANNES. Jeudi il en publiera un sur DEGAS et le jeudi suivant sera pour vous. [...] Je compte, quoique vous m'en disiez, que vous allez m'apporter une bonne série de chefs d'oeuvre. Puisque je ne puis pas aller les chercher moi- même, ne soyez pas trop difficile pour vous-même et ne laissez pas retourné contre le mur ce que nous aurons certainement beaucoup de bonheur à voir»...
* 15 novembre: «Je compte sur vous lundi. J'ai prévenu MIRBEAU et RENOIR de votre arrivée et nous dinerons tous ensemble le soir»...
* 18 novembre, avec 100 F: «Je parlais hier avec RENOIR de l'Amérique et de la certitude qu'il y aurait pour lui et pour vous d'y faire des études utiles et fort lucratives. Il me dit que si je lui garantis le succès il est disposé à partir. Et vous qu'en pensez-vous ? Il y a longtemps que Madame CASSATT me dit que vous auriez grand succès à New York. Les affaires sont si nulles à Paris et l'avenir si sombre pour tout le monde en France que je me demande si moi aussi je ne devrais pas chercher à ouvrir à nos affaires un nouveau marché et je suis persuadé que le seul bon est celui des États-Unis. Si nous allions tous les trois là-bas, vous Renoir et moi, je suis sûr du succès. [...] À New York et aux environs vous aurez une foule de motifs très intéressants pour vous à peindre». Il demande le secret... Il ajoute que Troisgros «a pris la mesure des panneaux de mon salon et qu'il vous enverra 8 toiles du petit format et 6 toiles du format moyen. C'est ce qui manque aux portes»... On joint une L.A.S., Paris Dimanche soir, au sujet d'un envoi de 1500 F à Monet (1 page et demie in-8, rousseurs). Provenance Archives Claude Monet (13 décembre 2006, n° 64).