Lot n° 40

COCTEAU JEAN

Estimation : 15 000 - 20 000 EUR
Adjudication : 49 000 €
Description
MANUSCRIT autographe, Orphée, tragédie en un acte et un intervalle, 1925; 81 feuillets in-fol., soit 63 feuillets d'un Carnet Croquis Canson & Montgolfier à feuillets détachables, couverture cartonnée et dos toilé (35 x 26 cm) et 18 feuillets volants (31 x 21 cm) (la toile du dos est un peu décollée dans le bas).
Manuscrit complet, seul existant, de cette tragédie où Cocteau réinvente le mythe d'Orphée.
Composée à la fin de l'été 1925 à Villefranche-sur-Mer, la tragédie d'Orphée fut créée au Théâtre des Arts le 17 juin 1926 par Georges
PITOËFF (à qui la pièce sera dédiée), dans un décor de Jean Hugo et des robes de Coco Chanel (à qui ce manuscrit a appartenu). Les principaux rôles étaient tenus par Georges (Orphée) et Ludmilla (Eurydice) Pitoëff, Marcel Herrand (Heurtebise), et Mireille Havet (la Mort). L'édition paraîtra chez Stock en 1927. Cocteau reviendra à deux reprises sur ce mythe d'Orphée, pour ses films Orphée en 1949 et Le Testament d'Orphée en 1959.
Cocteau a réalisé son manuscrit sur un cahier de croquis à feuillets détachables de grand format. Ayant rempli la totalité du cahier, il a écrit la fin de la pièce sur 18 feuillets détachés d'un cahier semblable, mais de plus petit format, inscrivant à la fin la date: «Villefranche 24 septembre 1925». Sur la couverture, à l'encre de Chine, il a calligraphié le titre en grosses lettres dans un cartouche arrondi.
Les deux premiers feuillets sont écrits au crayon; sur le premier,
Cocteau a inscrit le titre, la liste des «Personnages», le lieu: «En Thrace chez Orphée», suivi d'une description du décor (biffée ensuite). Sur le 2e feuillet, une nouvelle description du «Décor» est repassée à l'encre, complétée par cette note au crayon: «Superflu nécessaire: chambre très simple, mais grise noire et blanche. Toutes les moulures (porte, frise, plinthe etc.) en trompe l'oeil italien. Chaises et tables blanches. Les draperies autour du cheval peut-être roses.
Par la fenêtre on voit un ciel bleu sombre». Sur la page en regard,
Cocteau a dessiné à l'encre et légendé l'implantation du décor. Au verso de ce 2e feuillet, au crayon, un «Prologue» (dit par «l'acteur qui joue Orphée, en costume, devant le rideau») et une note, non retenus dans l'édition, sont accompagnés d'un dessin au crayon d'une tête double. Citons l'intéressante note: «Je m'excuse du texte de mon Orphée auprès des amis connus et inconnus qui connaissent bien mon oeuvre. La pièce est mal écrite. Elle n'est pas écrite pour l'oeil mais pour l'oreille. Je m'y préoccupe des intonations [...] Ici, le geste est secondaire. Toute l'importance doit être dans le relief, le volume, la vitesse du dialogue».
La pièce est écrite à l'encre noire, au recto des feuillets. Elle est alors divisée en deux actes, de huit et six scènes. Le manuscrit présente de nombreuses ratures et corrections (parfois au crayon), des additions marginales ou interlinéaires, qui deux fois se prolongent sur la page en regard. Plusieurs répliques ont été biffées. Quelques didascalies ou indications d'intonation ont été ajoutées au crayon. On relève des variantes avec le texte publié, notamment la suppression dans l'édition de trois répliques dans la scène III entre Eurydice et Heurtebise, ce dernier évoquant une scène orgiaque entre Aglaonice et des Bacchantes, fumant l'opium «enlacées par terre» avec «d'autres couples du beau sexe sur des peaux de tigre»... La fin de la scène VIII a été allongée par quelques répliques ajoutées au crayon, suivies de la mention «Fin du premier acte», biffée ensuite et remplacée par «Rideau», avec l'indication: «Intervalle pendant lequel on joue le solo de Strawinsky». Suit l'«Acte II» avec la didascalie: «Le rideau se lève sur la fin de l'acte précédent» (en partie biffée ensuite), et une scène non numérotée (VIII bis dans l'édition); puis viennent les scène I à VI de l'acte jusqu'au «Rideau» final. Cocteau a rayé ensuite au crayon la mention «Acte II», sans renuméroter les scènes.
Provenance: Coco CHANEL (ex-dono au crayon sur la couverture: «Pour mon cher Serge avec toute ma tendresse Coco»); puis collection Serge LIFAR (vente Genève, 13 mars2002, n° 486).
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