Lot n° 816

VOITURE Vincent (1597 1648) poète et épistolier, il fut un des membres fondateurs de l'Académie française [AF 1634, 33e f]. —

Estimation : 4 000 - 5 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description

L.A.S. « Voiture », 11 août [1645], à Claude de MESMES comte d’AVAUX ; 9 pages in-fol. (petite déchirure marginale au dernier feuillet par bris de cachet sans toucher le texte).

Belle lettre en partie inédite évoquant notamment le mariage de Julie d’Angennes devenue marquise de Montausier, et les négociations du traité de Westphalie.

[Claude de Mesmes, comte d’AVAUX (1595-1650), surintendant des Finances, « l’homme de la robe qui avoit le plus bel esprit, et qui écrivoit le mieux en françois », selon Tallemant des Réaux, avait été nommé en 1643, avec le duc de Longueville et Abel Servien, pour représenter la France aux conférences de Munster qui devaient aboutir en 1648 au traité de Westphalie, mettant fin à la guerre de Trente Ans. Depuis 1642, il entretenait Voiture comme premier commis aux appointements de 4 000 livres.

Il s’agit ici de la lettre même envoyée au comte d’Avaux, qui a noté en tête la date de sa réponse (20 septembre 1645), mais qui l’a rendue à Voiture afin que celui-ci puisse l’insérer dans ses Œuvres ; Étienne Martin de Pinchesne (1616-1680), le neveu de Voiture, y a porté quelques corrections, et a biffé d’un trait de plume de nombreux passages, qui sont restés inédits et ne figurent pas dans l’édition de cette lettre CCII des « Lettres de Monsieur de Voiture » dans l’édition originale posthume des Œuvres de Monsieur de Voiture en 1650 chez Augustin Courbé (p. 713-716). Elle est émaillée de citations latines.

Julie d’ANGENNES (1607-1671), fille aînée de la fameuse marquise de Rambouillet, célèbre pour sa beauté comme par son esprit par lesquels elle enchantait les familiers de la Chambre bleue de l’hôtel de Rambouillet, finit par épouser, un mois avant cette lettre, le 13 juillet 1645, le marquis Charles de MONTAUSIER (1610-1690), son soupirant depuis quatorze ans, qui avait fait composer pour elle le précieux recueil de la Guirlande de Julie.]

« Monseigneur Sy j’estois si honeste homme que l’on peust dire de vous et de moy Et cantare pares, au moins on ne dira pas et respondere parati. Je receus hier vostre lettre, et j’y fais response aujourd’huy, les vostres ne vont pas si viste que cela et, comme sy vous esties au bout des Indes Orientales, il se passe des années devant que j’en recoive, pour moy je vous admire […] et je ne puis comprendre qu’une personne qui a tant d’avantage a parler, ait tant de plaisir a se taire ; les trois premieres lignes de vostre lettre, et ce que vous dittes de ce mois extremement passé, valent mieus que tout ce que nostre Academie scauroit faire, mais de quel sel aves vous assaisonné vostre fin du repas. Que je meure si jamais rien m’a tant plu ; le pauvre Mr Le Lievre qui n’avoit esté dans mon esprit il y a plus de vint ans, y a repassé, luy, tous ses convives, et toute sa maison avec une joye incroiable, et y a ramené toutes les especes de ce tems la ; cest en verité un grand bonheur pour les beaus esprits de ce que vous aves eu de meilleures choses a faire que nous […] Quel regret j’ay Monseigneur quand je lis les choses que vous escrives de n’estre pas aupres de vous, et quel mauvais tour je cognois que la fortune m’a fait de m’avoir destiné a passer ma vie loin d’une personne si precieuse et si delicieuse tout ensemble »…

Il a lu plus d’une fois à la marquise de MONTAUSIER « ce que vous m’avez escrit pour elle, et de tant de lettres qui luy sont venues de tous costés, elle a dit que l’on ne luy a rien escrit de si galant, elle m’a commandé de vous dire qu’elle est extremement aise que vous approuvies son mariage, qu’elle ne l’eust pas tenu bien fait si vous n’y eussies ajousté vostre consentement, et qu’elle vous l’eut demandé si vous eussies esté icy [, et que vous seres tousjours plenipotentiaire dans ses affaires, come vous l’estes a cette heure dans la plus importante qu’ait le Roy passage biffé] ; mais que dans vostre absence elle avoit jugé sur beaucoup de tesmoignages d’affection qu’elle scavoit que Mr le Marquis de Montosier avoit receu de vous, que vous ne series pas contraire a une chose qu’il desiroit ; elle et Monsieur son mari m’ont chargé de vous faire mille remerciments de leur part, et de vous asseurer [avec les plus expresses parolles qui se puissent trouver, biffé] de leur treshumble service ; au reste Monseigneur je suis bien aise de ce que vous aves un commis qui face parler de luy dans le monde, et que l’on me cognoisse un peu plus dans les pays estrangers que Mr Filandre, et Mr Coiffier »…

Puis Voiture évoque les négociations, ainsi que la rivalité entre Avaux et SERVIEN : « On n’aura guiere plus de joye de la paix generale, que les honestes gens en ont eue, de la paix de vous et de Monsr Servien. Je crois que cest tout de bon comme vous me l’escrives, […] si vous pouves faire que cela dure il ne se peut rien de mieus »...

Suivent deux paragraphes biffés, le premier concernant MAZARIN, le second la fameuse marquise de SABLÉ, ainsi que ses propres gages :

« Monsieur le Cardinal en plusieurs rencontres a tesmoigné d’en avoir une extreme joye.

Madame la Marquise de Sablé a esté bien aise de voir les trois lignes que vous avés mises pour elle, mais il vous faudra bien faire d’autres choses que cela pour l’appaiser. Il y a trois mois que j’ay receu mes deux mille six cents livres pour cette année, et je suis prest de recevoir mes gages du conseil, que l’on me paye en rente comme aux autres ».

Puis Voiture ajoute, avant la formule finale de politesse : « Je vous rens mille graces tres humbles du soin qu’il vous plaist avoir de mes affaires »…

L’Académie française au fil des lettres, p. 32-37.

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