MANUSCRIT autographe, 5 juin 1671 ; 2 pages grand in-fol.
Rapport à Colbert sur les illuminations de l’orangerie de Versailles.
« Apres avoir examiné, Mr Gissey et moy, ce qui se peut faire pour executer la pensée de Sa Majesté, touchant les illuminations qu’Elle demande estre faittes dans l’orangerie de Versailles, nous avons trouvé qu’il n’estoit pas possible de faire des figures de relief ny de demirelief qui soient illuminées. Premierement parce quil ny a point de matière qui puisse prendre la forme et les contours dune figure et estre transparente en mesme temps, du moins il est certain que cela ne se peut faire ny avec du papier ny avec de la toille. De plus quand on auroit trouvé une matiere capable de prendre la forme d’une figure transparante on ne pourroit y introduire de la lumiere particulierement aux extremitez comme aux bras aux mains et aux doigts sans les noircir et les brusler parce que le feu des lampes n’auroit pas dissuë pour s’evaporer et jetter sa fumëe comme il fait aux machines d’illuminations. […] il n’est pas possible de faire des figures de relief qui soient illumineës par le dedans, ny mesme aucun ouvrage de sculpture si ce n’est par le secours de la peinture comme il a esté pratiqué jusques icy. On peut bien faire de l’architecture de relief comme des pilastres et des colonnes isoleës estant aisé de mettre de la lumiere dans une lanterne ronde ou carree quoyque fort longue pourveu qu’elle ayt une issüe par ou le feu et la fumëe se puissent evaporer on peut faire aussy une infinité dornemens darchitecture tres agreables de sorte que pour repondre et satisfaire autant qu’il se peut a la pensëe de Sa majesté nous avons imaginé un dessein pour orner lorangerie de tout ce que nous croyons se pouvoir faire avec des illuminations. […] Le dessein en gros est de faire dans lorangerie, une gallerie magnifique qu’on pourroit nommer la gallerie ou le palais du soleil a cause de sa lumiere et des pierres pretieuses dont il seroit basty. Lorangerie ne seroit que le vaisseau qui enfermeroit ce palais et le deffendroit de la pluye et du vent car la pensëe seroit de poser a trois pieds des murs des poteaux de charpenterie lesquels estant liez par bas et par hault avec des sablieres porteroient un plafonds a trois pans (estant trop difficile de faire une voute ronde et de lilluminer) et ce plafonds seroit plus bas de 5 ou 6 pieds que la voute de lorangerie cet espace estant laissé tant aux costés que par le hault pour y porter les lumieres qui eclaireroient les chassis d’illuminations. La Decoration seroit un ordre de pilastres portans une architrave frise et corniche avec le plafonds au dessus entre les pilastres seroient des figures dans des niches avec divers ornemens darchitecture et dans les deux bouts se feroient deux portiques avec des colonnes isolëes »... Etc.
En tête, note autographe de Jean-Baptiste COLBERT : « Le Roy veut a son retour avoir ce qui se pourra faire a prendre resolution sur cette illumination ».
L’Académie française au fil des lettres, p. 64-67.