2 L.A.S. « l’abbé d’Olivet » et 2 L.A., Paris [1756-1764], à « Monsieur de voltaire, de l’Académie Françoise, à Genève », avec annotations autographes de VOLTAIRE ; 11 pages in-4, 3 adresses dont une avec cachet de cire rouge aux armes.
Belle correspondance à VOLTAIRE, son illustre confrère et ancien élève à Louis-le-Grand.
7 septembre [1756]. Voltaire a noté : « Abbé d’Olivet sur l’académie et sur le Roi de Prusse ».
Réponse à des questions :
1° La salle de l’Académie est désormais ornée de portraits des membres, dans l’ordre de leur réception : « vous aurez pour voisin Monseigneur l’Abbé Comte de BERNIS. Quelles joues, quels yeux, quel coloris ! Dame Nature et Dame Fortune, quand elles s’entendent, ne font-elles pas des miracles ? Vos doctes confreres ont réglé le prix des tableaux […]. Si Mr l’Abbé MIGNOT n’etoit pas à la campagne, je l’aurois déjà invité à faire travailler pour vous.
2° Le héros Mahonique est notre Doyen [FONTENELLE]. Je viens d’abord après lui, mais je vous jure que l’ambition de lui escamotter sa dignité ne m’entrera point dans le cœur. Puisse-t-il vivre jusqu’à l’arrivée de l’Antechrist, et moi seulement autant que Mathusalem, pour que vous ne montiez qu’après moi, comme il est juste, dans la barque de Charon »… Suit une explication de l’origine de son nom : « Olivet est le nom de ma famille, nom que mon pere fit attacher par lettres patentes à un miserable coin de terre situé dans la Combe d’Ain »… Il termine par une épigramme de 13 vers concernant Voltaire et FRÉDÉRIC II…
24 juillet [1760]. « Vos deux ou trois derniers ouvrages m’ont fait penser à ces vers de Racan :
Il voit comme fourmis marcher nos légions
Dans ce petit amas de poussière &c.
Vous n’y êtes pas encore, dans les Cieux. Piano, Piano. Mais vous êtes sur la cime du Parnasse, & de là ne devez-vous pas voir comme fourmis &c. Je me fais une peine d’entendre à tout moment retentir votre nom parmi tant d’autres noms si peu dignes de remplir la bouche des honnêtes gens. Hé qu’ils se battent ces petits messieurs, qu’ils se battent tant qu’ils voudront : faut-il que Voltaire aille crotter sa robe de chambre pour les séparer ? Je m’imagine que plusieurs des intéressez à la guerre présente vous en parlent comme de quelque chose qui occupe la ville & la Cour. Mais gardez-vous de les en croire. Tout ceci n’affecte qu’une certaine classe de gens oisifs, qui s’amusent également à Palissot, à Ramponneau, à Polichinelle »… (Voltaire a noté « L’abbé Dolivet »).
19 novembre [1764]. Il a vu plus d’une fois environ 60 feuillets manuscrits de la Méthode pour convertir les Huguenots, imprimée au Louvre sous le nom du Cardinal de RICHELIEU : ils furent de l’écriture « d’un Jésuite nommé Patornay, qui faisoit le métier de controversiste à Nîmes pendant le séjour du Cardinal à Avignon. Il y a quantité de marginations de la propre main du Cardinal, et bien plus amples que celles qui sont au cahier des Sentimens sur le Cid. […] Mais avons-nous besoin de preuves pour nous persuader que des têtes ambitieuses, toujours pleines de grands projets, ne s’amuseront pas à faire des livres ? Ces messieurs ont des negres qui travaillent pour eux. Avouons de bonne foi que le Pyrrhorisme littéraire va bien loin, sans être porté cependant jusqu’à l’Harduinisme »... Il taquine l’auteur des Nouveaux Doutes sur le Testament de Richelieu sur quelques expressions : marginer, inconvenable, improbable (pour dire ce qui n’est pas prouvable) : « je me dis à moi-même que c’est quelque Allobroge qui a eu l’effronterie d’interposer le texte de mon cher ami. Vous voyez que j’aime encore un peu à rire. Mais sur 39 confreres que j’ai, il n’y a que vous avec qui je sache qu’on peut sans risque essayer de rire ainsi »… (Voltaire a noté : « lettre de l’Abbé d’Olivet »).
Deux anecdotes sur CORNEILLE, avec note de Voltaire : « abbé d’Olivet Sur Corneille et le lutin ». La première met en scène MOLIÈRE et deux hommes d’esprit qui admirent une tragédie de Corneille : Molière affirme que Corneille n’en est pas l’auteur, mais « un petit lutin » qui la lui a dictée : « Quand il voit que Corneille se met à son bureau pour se ronger les ongles, et tâcher de faire quelques vers, alors le petit lutin s’approche et lui dicte quatre vers, huit, dix, quelquefois jusques à vingt de suite, qui sont au dessus de tout ce qu’un homme peut faire » ; et quand le lutin se retire, Corneille compose les vers suivants « où il n’y a que du très-commun, où même il y a souvent du mauvais ». Et Molière de conclure : « Gardez-vous bien, Messieurs, de confondre les deux auteurs. L’un est un homme, mais l’autre bien plus qu’un homme ». La seconde anecdote, attestée par Maucroix, est « qu’on se levoit au théatre quand Corneille entroit, comme pour Mr le Prince de Condé »…
On joint : • une L.A.S., Paris 8 décembre [1731], à Monseigneur, demandant audience (2 p. in-4) ; et • un MANUSCRIT autographe (2 p. in-4 remplies d’une petite écriture), liste, par ordre alphabétique approximatif, d’une centaine de personnalités, la plupart écrivains, avec dates de décès et parfois âge au décès.
L’Académie française au fil des lettres, p. 120-123.
OLIVET Pierre-Joseph Thoulier, Abbé d’ : voir nos 504, 512, 520, 656, 711.