L.S. « Montesquieu », La Brède 13 septembre 1754, à la Marquise DU DEFFAND ; la lettre est dictée à son dernier secrétaire Florence Fitz-Patrick ; 3 pages in-4, adresse avec cachet de cire noire aux armes (brisé).
Belle lettre à Madame Du Deffand, parlant de l’Académie française avant l’élection de D’Alembert, et de sa Défense de l’Esprit des lois.
[D’Alembert sera élu à l’Académie le 28 novembre 1754.]
« Madame, Je commence par votre apostille, vous dites que vous etes aveugle ne voyés vous pas que nous etions autrefois vous et moi de petits esprits rebelles qui furent condamnés aux Tenebres. Ce qui doit nous consoler c’est que ceux qui voyent clair ne sont pas pour cela lumineux.
Je suis bien aise que vous vous accommodiés du savant bailli [Louis-Gabriel de Froullay, bailli de l’Ordre de Malte]. Si vous pouvés gagner ce point, que vous ne l’amusiés pas trop vous etes bien et quand cela ira trop loin vous pourrés l’envoyer à Chaunes.
Je ferai sur la place de l’accademie ce que voudront Madame de Mirepoix, D’Alembert et vous mais je ne vous reponds pas de M. de St Maur car jamais homme n’a tant été à lui que lui. Je suis bien aise que ma Deffense [Défense de l’Esprit des lois] ait plû à Monsieur Le Monnier [Pierre LEMONNIER (1676-1757), philosophe, censeur royal, de l’Académie des Sciences]. Je sens que ce qui y plait c’est de voir non pas mettre les venerables Theologiens à terre mais de les y voir couler doucement.
Il est tres singulier qu’une Dame qui a un mercredy n’ait point de nouvelles. Je m’en passerai. Je suis ici accablé d’affaires. Mon frere est mort [l’abbé Joseph de Secondat, doyen de Saint-Seurin]. Je ne lis pas un livre. Je me promene beaucoup, je pense souvent à vous, je vous aime. Je vous presente mes respects »…
L’Académie française au fil des lettres, p. 112-117.