L.A.S. « Marmontel », 16 août [1792], à Madame Louis, à Aubevoye ; 3 pages in-8, adresse avec cachet de cire rouge à son chiffre.
Vive critique littéraire de Beaumarchais, Gabriel Legouvé et Ducis.
[Madame LOUIS, née Marie-Emmanuelle Bayon (1745-1825), épouse de l’architecte Victor Louis, était pianiste et compositrice.]
Il renvoie les pièces de théâtre communiquées par Mme Étis, ayant trouvé dans La Mère coupable [de BEAUMARCHAIS] « les deux belles scenes que vous m’aviez annoncées, et un fond de bonnes mœurs ; mais, du reste, un mouvement d’intrigue qui n’est pas assez gradué. C’est une esquisse et non pas un tableau. Son Tartufe n’est qu’un vil coquin. Sa fourberie est noire, et n’est point comique ; et dans la manière dont Mde Almaviva provoque l’eclaircissement avec son mari, je trouve une inconsequence de caractere, une invraisemblance choquante ».
Quant aux deux pièces de Gabriel LEGOUVÉ « j’ai trouvé du talent, mais un talent bien jeune ! Plus analogue cependant au sujet de La Mort d’Abel ; mais très inferieur au sujet d’Épicharis, j’entends, de La Mort de Néron. L’action en est puerilement engagée dans le 1er acte, faiblement nouée et soutenue dans les trois suivants, et miserablement terminé dans le 5e »… L’auteur aurait profité d’une bonne lecture de Tacite et de Racine… Quant à l’Othello de son ancien confrère DUCIS, « sa charpente est faite à la serpe, ses caracteres sont peints à la brosse. Rien de préparé, tout se heurte, tout s’entasse sans vraisemblance. […] J’aime mieux […] la franche et naturelle grossiereté de Sachespear. Au moins son langage est naïf, et n’est point chargé d’une mauvaise poësie »… Marmontel craint d’être trop âpre, mais les poètes « de ce temps ci me paroissent sauvages »…
On joint une L.A.S. de félicitations à Mme des Rotoirs, vendredi.