L.A.S. « La Condamine », Quito 1er juillet 1742, [à Pierre bouguer] ; 6 pages in-4 remplies d’une petite écriture serrée.
Longue lettre à son confrère lors de leur mission à l’Équateur pour mesurer l’arc du méridien.
[Ils étaient ent accompagnés par leur confrère Godin, le médecin et botaniste Joseph de Jussieu, ainsi que l’horloger Hugot, des ingénieurs, etc. Leurs résultats donneront La Figure de la Terre, déterminée par les observations de Messieurs Bouguer, & de La Condamine […] envoyés par ordre du Roy au Pérou, pour observer aux environs de l’Équateur (1749).]
Il précise ses observations de Tungurahua et de Chimborazo et donne ses mesures, réserve faite de la variable pour des sommets couverts de neige… Puis il réplique au reproche de Bouguer de prolonger volontairement leur séjour sous divers prétextes. Il aimerait croire à une de ces « querelles de menage qui n’alterent point le fonds de l’amitié quand la reflexion n’y a pas eu de part. […] je crois l’honneur de l’Academie de la nation du ministere et le mien trop engagés pour les exposer en abandonant actuellemt le procès des pyramides qui peut etre jugé d’icy a deux jours et qui le sera je lespere que quand je naurois rien a craindre du retour des offs espagnols je crains leurs lettres les mouvements quils peuvent se donner peut etre les ordres qu’ils peuvent obtenir je crains le retour de celuy qui s’est declaré si hautt leur partisan. Je crains surtout que les dispositions de deux des juges ne changent ou que par mort, absence, maladie ou autre evenemt laffaire ne prennen une mauvaise tournure. Au lieu que jay lieu d’esperer actuellemt quelle aura une issuë favorable. Le Pdt m’a dit encore ce soir que j’avois bien raison de vouloir quil asistât au jugt que sil ny etoit pas me echarian a pascar » [le jetterait au poisson]… Ce sont des sacrifices à faire au service : « le succès du voyage depend d’une observation simultanée qui fermera la bouche a toutes dificultés ou chicanes »… De même, il est dans leur intérêt que GODIN fasse ses observations avec des membres d’une académie étrangère… Lui-même observe toutes les nuits, ne dort que quatre ou cinq heures, et calcule tous les jours. « Vous savés combien le calcul me coute »… Il parle d’un projet d’inscription sur pierre, et se plaint de ne pas avoir reçu ses « nombres », seulement quelques notes éparses « sur des petits papiers volants qui ressemblent aux feuilles de la Sybille » ; il le « somme » de s’acquitter de ses engagements… Enfin il conclut cette missive querelleuse en se déclarant « mortifié » : « en voulant vous engager au present voyage jay solicité d’etre votre disciple en geometrie et je nay rien tant desiré. Mais je vous ai vû proceder avec moy avec autant de reserve que si j’etois en etat d’entrer en lice avec vous »… Bouguer a vu tout ce qu’il a envoyé à l’Académie en matière de géométrie. « La protestation que fait M. le marq. de L’Hopital dans sa preface a l’egard de M. BERNOULLI ce ne sera jamais que faute d’etre averti ou de pouvoir deviner que je ne publieray pas asses tout ce que vous est dû et qu’il vous restera sur cela quelque chose a desirer de moy. Nous ne sommes pas icy comme vous savés dans le pays des sciences et des profondes connoissances et tel que je suis je crois sans pouvoir en tirer de vanité etre icy plus a porter quaucun autre, sauf quelqu’un peut etre qui ne fait pas profession detre votre panegyriste de juger sinon parfaitement du moins avec quelque connoissance de cause de vos grands talents. Si a Quito et a Lima des gens qui ne vous ont jamais vû et qui ne sont pas en etat dentendre vos ouvrages nignorent pas que vous etes un des premiers geometres d’Europe et beaucoup d’autres choses en quoy on vous rend justice vous me devés au moins celle de croire que je ny ai pas nui »…
Sur la dernière page, 8 lignes autographes de Pierre BOUGUER, bref brouillon de réponse.