L.A.S. «Chapelain», Paris 17 juillet 1647, à Mademoiselle de SCUDÉRY à Marseille ; 3 pages in-4, adresse avec petits cachets de cire rouge sur lacs de soie rose (portrait gravé joint).
Sur son poème héroïque La Pucelle, ou la France délivrée, dont Mlle de Scudéry a pris la défense.
«Il ne falloit pas moins que d'aussy grands reproches que ceux que j'ay leus dans la derniere de vos lettres a Madlle Paulet, pour m'obliger a vous rendre graces par les miennes du glorieux combat que vous avés fait pour l'honneur de ma Pucelle. A moins que d'estre provoqué avec des injures, et accusé d'incivilité et d'ingratitude, je ne me fusse jamais resolu à vous rien escrire sur vostre courageux ouvrage, dans la crainte qu'en vous remerciant du bien que vous y dittes d'elle ou plustost de moy, il ne semblast que j'en demeurasse d'accord et que je receusse vos louanges sous couleur de les refuser. Vous scavés, Mademoiselle, qu'il y a une modestie ambitieuse, qui est pire que la vanité descouverte, et vous ne voudriés pas que je fisse jamais rien qui m'en peust faire justement soupçonner. Cette consideration est la vraye cause de mon silence, car pour ma gratitude vous ne l'avés peu ignorer si Monsr CONRART s'est acquitté de ce qu'il m'avoit promis, ce que je ne puis croire qu'il ait oublié. Mais, Mademoiselle, puisque vous en faittes l'ignorante afin de me mortifier, je vous diray icy que la reconnoissance que j'ay de cette faveur ne scauroit estre plus grande ny pour l'interest de la Pucelle ny pour le mien, et que j'estime a un point les belles et rares choses que vous avés voulu dire sur nostre sujet, que je ne suis plus en peine de sa reputation ny de la mienne, et que quand ce que j'ay essayé de dire de sa vertu et de sa valeur devroit perir devant moy mesme je ne laisserois pas d'esperer de voir sa gloire conservée dans ce que vous en avés escrit, et mon nom consacré à l'immortalité, par ce que vous l'y avés daigné enchasser. Aureste je ne respons rien sur la passion, à laquelle vous imputés si galamment mon silence, et je laisse cela à faire à Madlle Robineau, a qui je pourrois egallement desplaire, en l'avoüant ou en la desavoüant. C'est une Personne trop parfaitte pour qu'on mette en doute qu'elle ne peust faire une conqueste beaucoup plus difficile encore, et d'un autre costé elle est trop severe pour ne trouver pas mauvais qu'on se confesse son esclave»...
Il remercie le frère de sa correspondante (Georges de SCUDÉRY) «de son souvenir et du beau et genereux sonnet dont il m'a jugé digne dans le petit nombre de ceux quil en a voulu gratifier en cette Cour».
L'Académie française au fil des lettres, p. 38-41.