Lot n° 197

BARBEY D'AUREVILLY (Jules, 1808-1889). Lettre autographe signée "Jules A. Barbey d'Aurevilly”, Paris [6 mars 1842], à Mme G. de Villaine, au château de Saint-Jean près de Mortain (Manche). 2 pages et demie in4, adresse. LONGUE ET BELLE LETTRE...

Estimation : 1500 / 2000
Adjudication : 3200 €
Description
DE JEUNESSE A LA MERE D'UN AMI EMPRISONNE. Il n'oublie pas la bienveillance de la mère de son ami à son égard, mais est forcé de lui écrire avec hardiesse. "Votre fils est en prison, Madame. Il y est par vous sa mère qui ne pouvez pas ne pas l'aimer (...) Il a été arrêté à six heures du matin par des hommes de police, des hommes ignobles et qui pourtant se sont étonnés qu'une mère ait eu le creur de faire arrêter son fils, sous l'infâme prétexte d'escroquerie, et qui depuis dix ans qu'ils arrêtent et qu'ils emprisonnent, n'avaient pas rencontré chose pareille (...) il a passé une nuit qu'il n'oubliera plus, avec des assassins, des voleurs, le rebut gâté d'une population de grande ville et cela (...) quand il était souffrant et toussant depuis quelques jours ; quand peut-être il doit en mourir (...) Vous avez brülé le creur de Victor de toutes les manières ; - matériellement, en le privant de sa liberté et en le soumettant à l'affreux traitement des prisons, - moralement, en l'accusant d'un fait honteux, en lui arrachant tout crédit, en le frappant dans ce qui lui restait d'avenir”... Barbey refuse de croire qu'elle se soit rendue compte du mal inouï, "irréparable peut-être”, qu'elle a commis. Même cent fois coupable, un fils mérite-t-il d'être frappé par une mère ? A-t-elle bien mesuré la correction à l'offense ? "Ne vous repentirez-vous pas un jour d'avoir risqué autant que vous risquez ? et n'est-ce rien quand vous auriez pu tout étouffer du scandale affreux qui menace s'il avait été provoqué par un autre que par vous, n'est-ce rien que de s'aliéner le creur d'un fils qui vous aimait, qui a pu avoir des torts vis-à-vis de vous, mais qui vous aimait ?”... Si l'affaire devait se poursuivre devant les tribunaux, c'est son nom qui serait flétri : "Est-ce donc un préjugé que la solidarité du nom qu'on porte ? et l'opinion ne vous condamnerait pas, vous, une mère ! plus cruellement que le fils que vous auriez fait condamner ! Je ne vois que malheur pour vous dans les conséquences de votre démarche. Je ne viens pas vous demander de renoncer à une poursuite qui personnellement me désole. Que suis-je pour vous demander quoi que ce soit ? L'ami de Victor, de votre fils, dont vous semblez vouloir la perte ; âme, corps et position”... Il veut lui présenter simplement ce qu'elle a fait, tout en ayant foi dans ses sentiments de mère et la justesse de son esprit...
Partager