Lot n° 170

RIOUFFE (Honoré-Jean, 1764-1813) avocat et littérateur, incarcéré sous la Terreur, auteur de célèbres Mémoires d'un détenu. Lettre autographe signée "Riouffe", 11 vendémiaire III (2 octobre 1794), à Mathieu Villenave. 4 pages in-4. BELLE...

Estimation : 500 / 700
Adjudication : Invendu
Description
LETTRE DE PRISON AU GRAND AVOCAT NANTAIS. [Villenave lui-même avait été envoyé devant le Tribunal révolutionnaire de Paris l'année précédente, et dut sa vie à la chute de Robespierre.] Riouffe envoie des vreux pour du bonheur, des "retractations sans nombre” et des amitiés, "pour reparer les quatre lignes humoriques. Le depit était vif, mais la cause en était on ne peut plus aimable, et s'il y avait un peu de fiel, c'est que la lettre était daté de la Conciergerie. Je n'en rêve pas moins à Pecot et à toi toute la journée, et dernierement, j'imaginais un journal des trois amis, qui pourrait n'être pas en pure perte pour la patrie, et pour nous-mêmes, on ne coupera plus maintenant le fil de vos idées, le repos n'en sera point forcé, et vous portez vos têtes sur vos deux epaules de la meilleure grace du monde ; quant à moi, je ne repond de rien ; quelques plans que je crois bons, beaucoup de chaleur pour le bonheur des hommes, tout cela pourra s'eteindre dans le fonds d'un cul de sac. C'est en temporisant, que j'ai sauvé jusqu'ici ma misérable éxistence, et que j'ai continué à respirer un air infect, à coucher sur un grabat, à etre entouré de verroux, et à voir massacrer autour de moi ; car pour moi cela s'appelle vivre. Mais enfin il faut un dénouement”. Son cas est inscrit, et le rapport doit se faire incessamment. Il compte sur le zèle Villenave pour reconquérir sa liberté : "Depuis que tes poumons, sont rassainis par un air libre et pur, depuis que tu vas comme Candide tout droit devant toi qu'as-tu fait. Je t'ai donné un joli mémoire qui te met dans tou son jour toutes les inculpations dont on me charge, mais sans la moindre preuve”... Il se demande s'il ne faudrait pas attendre que le Comité de süreté générale soit renouvelé, et épuré. Il termine sur une note pressante : "Adieu mes bons amis, car je vois toujours tous les Nantais dans ta personne. Écris moi, sers moi ; je te crie du fonds de mon abyme, ö toi qui vois la lumière, et des arbres, être d'une nature superieure à la mienne, qui marches, sors, rentres quand il te plaìt, prends pitié de nous”. En post-scriptum, il évoque la fin affreuse de ceux qui, échappés aux cachots et aux noyades, sont tombés entre les mains des chouans. Il recommande que Pecot lise Démosthène, mais se demande quel service Pecot peut lui rendre. Enfin : "fais ce que tu crois le meilleur. Et laissons faire aux dieux. Si Souché veut retarder, ou croit à propos de le faire, c'est que toute la deputation du Finistère, doit le reclamer aussitöt que les comités seront renouvellés. Tu sais bien que la liberté la plus prompte est la meilleure”.
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