Lot n° 1099

PROUST Marcel (1871-1922). — 2 L.A.S. « Marcel Proust » et une L.A., [juin-juillet 1919], à Robert de FLERS ; 5, 1 et 1 pages in-8.

Estimation : 5 000 - 6 000 €
Adjudication : 6 240 €
Description
Trois lettres à propos des échos dans Le Figaro sur ses livres.

[Les Éditions de la Nouvelle Revue française vont publier, outre la réédition de Du côté de chez Swann, À l’ombre des jeunes filles en fleurs et Pastiches et Mélanges.

[16 juin].
« Si tu ne me trouves pas trop “avant-guerre” (je ne le suis nullement !) en te parlant livres, je viens te demander, au sujet de trois volumes de moi qui paraîtront à la fin de la semaine aux Éditions de la Nouvelle Revue française. Calmette, sans préjudice de ce que pouvait écrire sur mes livres le critique littéraire du Figaro, avait l’habitude, avant cette critique, et dès l’apparition du livre, de mettre en tête du journal un long article. C’est ainsi que Lucien DAUDET fit paraître en tête du Figaro un article de trois colonnes sur Du coté de chez Swann, ce qui n’empêcha pas Chevassu d’en parler ensuite. Il me semble que cette gentillesse m’est d’autant plus due cette fois, que le Figaro après avoir, grâce à toi, annoncé un feuilleton de moi, a refusé, à cause de la cherté du papier, de le publier […] Les volumes qui paraissent cette semaine sont d’une part la suite de Swann, qui porte le titre de : À l’Ombre des jeunes filles en fleurs et qui est le second volume de À la Recherche du Temps Perdu dont Du Côté de chez Swann était le 1er. En même temps paraissent un volume de Pastiches et Mélanges, et une réimpression de Du côté de chez Swann. Je n’ose pas espérer que tu interrompes ta magnifique série d’études sur la Russie, la Roumanie, pour parler toi-même de mes livres. Parmi les écrivains qui je crois le feraient volontiers je pense très au hasard (celui-ci en ne lui disant pas que je l’ai désigné) à Louis de Robert, à Edmond Jaloux, à Francis de Miomandre. C’est un article qu’Edmond Rostand voulait faire, que André Gide ferait admirablement, et certainement avec plaisir. Je pense que Léon Blum le ferait aussi volontiers ». Si un article est impossible, il demande un écho : « Je crois que peu de personnes le feraient aussi bien que Robert DREYFUS qui me connaît si bien ». Son état de santé s’est détérioré « depuis que, la maison que j’habite ayant été transformée en banque, j’ai dû déménager. J’ai loué provisoirement du moins à Madame Réjane et le voisinage du Bois ajoute mes crises d’asthme de foin à des souffrances plus sérieuses, mais qui y trouvent une raison de recrudescence ». Il ne faut pas donner cette adresse « 8 bis rue Laurent Pichat » à personne « pour qu’on ne vienne pas troubler le peu de repos – à peu près nul – que j’ai »…

[3 ou 4 juillet].
« Si j’avais parlé d’article de tête c’est que dernièrement plusieurs ouvrages nouveaux ont été analysés à cette place, notamment par M. Benda. Mais je comprends très bien que les hommes de lettres, même ceux dont les livres, comme les miens, sont soudés très étroitement à la Guerre et à la Paix, doivent garder effacement et réserve. […] T’envoyer une page inédite me semble très difficile, je vais cependant voir ». Mais il aimerait un écho, « car comme tout le monde va quitter Paris et, que, de mois en mois, la publication de ces livres a été remise, décourageant leurs plus fidèles amis, ils ne pourront être lus que si on sait tout de suite qu’ils sont parus »…

[7 juillet].
Il remercie de l’écho dans la « Rentrée littéraire », « sans entrer dans le détail de ma reconnaissance, sans formuler non plus une seule réserve (caractères trop petits qui donnent l’air d’une réclame, Bartholo etc.) parce que je suis dans une crise d’asthme épouvantable. Je me croyais incapable, souffrant autant, d’un seul effort. Mais la Gratitude m’a mis la plume à la main, et le seul effort, c’est de m’arrêter ici, en te redisant avec tendresse combien ta bonté m’a ému »...

▬ On joint une l.a.s. de Robert DREYFUS renvoyant ces 3 lettres à Robert de Flers en 1926. Correspondance, t. XVIII, p. 265, 303 et 310.
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