Lot n° 894

CLAUDEL Paul (1868-1955) [AF 1946, 13e f]. — MANUSCRIT autographe, Remerciement pour la remise de mon épée d’académicien à Bruxelles, [octobre 1946 ?] ; 3 pages in-fol. avec quelques ratures et corrections.

Estimation : 1 200 - 1 500 €
Adjudication : Invendu
Description
Remerciement aux souscripteurs belges pour son épée d’académicien.

[Claudel a été élu le 4 avril 1946 à l’Académie Française ; son épée d’académicien lui est remise à Bruxelles le 11 décembre, et sa réception a lieu le 12 mars 1947. La présente allocution a probablement été prononcée lors d’une manifestation organisée par le journal belge L’Éventail, comme l’indique un texte de présentation joint de la main du gendre de Claudel, Roger Méquillet.]
« Ce vieil homme tout de même, cet éternel évasif qui de tous les sols divers qu’il effleura n’a gardé qu’un grain de sable à son soulier, cet Isaac Laquedem de la diplomatie, tout de même comme dans la légende il était temps de l’arrêter, il était temps de lui mettre, si je peux dire, un manche, il était temps d’assujettir une poignée à cet entraînement à la fois sinueux et rectiligne de quelqu’un vers quelque part ailleurs. C’est à quoi pourvoit cet instrument symbolique que vous vous êtes entendus, mes chers amis, pour suspendre à son flanc et tout auprès de son cœur. Il y a à Paris en ce moment d’habiles artisans qui sont à l’œuvre sur le drap et la passementerie pour me transformer en un olivier verdoyant »...

Il rend hommage à la Belgique, pays auquel il est tant attaché par sa culture et sa beauté… « C’est en Belgique que j’ai terminé ma carrière, et c’est par la Belgique, puis-je dire, que je l’ai commencée. […]
Et à chacun de mes retours du fond des pays jaunes, je ne manquais jamais d’accomplir un pèlerinage, j’allais dire une cure, dans les musées de Bruxelles et d’Anvers pour m’y rincer l’œil et l’âme dans la contemplation des Rubens et des Jordaens. Vous honorez aujourd’hui en moi un poëte catholique, je veux dire un homme qui, à la différence de ses confrères du siècle passé, n’a rien à reprocher à l’œuvre du bon Dieu, qui la trouve bonne et très bonne […] Et moi à mon tour je salue en la Belgique un pays catholique, un pays qui réalise et qui féconde en une harmonieuse unité, à l’embouchure de deux grands fleuves, la communion, j’ose dire la communion paisible et sainte, de deux grandes races et de deux grandes civilisations […]
La puissante Flandre vous a donné ses grands peintres, mais moi, Français, comment oublierais-je cette délicieuse Ardenne, le paradis de la musique et de la poésie, là où la langue d’oïl, une langue plus qu’aucune autre mouillée, pénétrée par l’âme, parle ses timbres les plus exquis, et qui nous a donné nos deux plus grands poètes, Verlaine et Rimbaud. [...] Mes chers amis de Belgique, […]
Paul Claudel vous dit merci. Tous les Paul Claudel successifs qui depuis tant d’années hantent ce beau pays de Belgique »…

L’Académie française au fil des lettres, p. 296-299.
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