Description
Gal de police de la Ville de Paris, "redigé suivant les ordres de Mr de Sartine par Jean Baptiste Charles Lemaire, conseiller du Roi, commissaire du Chatelet de Paris”, [vers mars 1771]. Un volume in-fol. de 199 pages en 11 cahiers, cartonnage de l'époque papier moucheté, sous chemise moderne demi-maroquin rouge à bord, étui. IMPORTANT DOCUMENT SUR LA POLICE DE PARIS, ELABORE A LA DEMANDE DU COMTE DE MERCY-ARGENTEAU, AMBASSADEUR D'AUTRICHE, AU NOM DE SES MAITRES. [On connait la méfiance extrème de l'Impératrice Marie-Thérèse à l'égard des philosophes et des libertins du pays auquel elle donna sa fille MarieAntoinette, en 1770]. D'un grand intérèt historique, le mémoire est plein de détails de l'organisation et des méthodes de la police ; précis, réfléchi, il est aussi, souvent, amusant. Le recueil s'ouvre par un questionnaire composé de 16 questions et 16 réponses, écrites d'une seule main, et occupant les deux premiers cahiers, soit 34 pages, se terminant par une référence au Code de la police de Du Chesne, dans l'édition de Prault (1767). Sont abordées des questions portant sur la propreté, la clarté (éclairage), la süreté (süreté morale : la religion et la "discipline des mreurs” ; süreté physique : süreté et tranquillité publique, voirie, vivres, santé), les sciences et arts libéraux, commerce, manufactures et arts mécaniques ; la juridiction et l'administration de la police (le lieutenant général, les commissaires et inspecteurs de police, les commissaires de quartier, etc.) ; les dénonciations et l'obtention d'information ; le "sisteme de police” relativement aux filles de joies, charlatans et usuriers, "Filles de joye. On peut les diviser en trois classes. La première comprend celles qui racrochent dans les rues ou par les fenetres. La 2e celles qui refoivent un certain nombre d'hommes d'habitude, et qui font des parties de debauche en petits soupers et promenades, celles qui tiennent maison avec un nombre de filles qui refoivent le premier venu. La 3e enfin est composée des femmes entretenues. Ces differentes classes sont egalement surveillées”... ; le pavé et la propreté des rues, leur süreté pendant la nuit et leur éclairage ; et enfin "l'avitaillement de Paris”... Ce questionnaire, vraisemblablement soumis par l'ambassadeur, donna lieu au mémoire qui suit, et qui développe très largement les réponses aux 16 questions, en rappelant celles-ci, et en présentant les réponses les plus longues, article par article. Selon les "Observations préliminaires”, la rédaction de ce mémoire prit deux ans et demi, tant était complexe le travail de récolte, d'ordonnancement et de synthèse des faits : "il a fallu tout rassembler, tout voir, tout examiner, tout méditer”. Quatre copistes au moins ont participé à la rédaction de 7 cahiers (les 4 derniers sont de la mème main). Une première partie est consacrée à la police judiciaire, la seconde, beaucoup plus importante, à la police d'inspection. Selon Lemaire, le premier objet du ressort de la police judiciaire est la religion. La police veille donc à "1° Faire rendre aux lieux saints le respect qui leur est dü. 2 Maintenir l'observation des dimanches, et des fetes, en empechant l'exercice des professions, les travaux, et les occupations, où il est defendu de vaquer publiquement dans ces jours consacrés au culte de la religion. 3° Faire observer l'abstinence de viandes pendant le Careme, en ce qui concerne les defenses d'en faire le commerce, et de l'usage du gras dans les auberges, chez les traiteurs qui donnent à manger. (...) 7° Empecher la composition, l'impression, et le débit des libels et écrits scandaleux contre la religion”, etc. Citons d'autres éléments de ce mémoire, qui explique et commente la population des maisons de correction ; la réception des dénonciations, plaintes et déclarations ; la police militaire ; les mesures de contröle des prostituées et des charlatans ; l'illumination publique ; la police des jeux, des prèts sur gages, des marchands de bestiaux, des bouchers, des boulangers... Serviteurs domestiques et manauvriers. "Il n'y a point d'Etat en Europe, où tous ceux qui s'engagent au service d'autrui, soient plus libres et soient traités avec plus de menagement et de douceur qu'en France ; il ne subsiste plus à leur égard aucune trace de l'esclavage, qui faisoit leur état primitif ; ils vendent leur service”. Service de la Garde. "Elle arrète les vagabonds et autres, qu'elle trouve jouant aux cartes, ou à d'autres jeux dans les ruës et places publiques, et les conduit de mème chez des commissaires qui les envoyent en prison. Ces sortes des jeux attirent les enfans du peuple, les portent à la feneantise, les engagent à voler leur père et leur mere, ou leurs maitres : c'est une pepiniere d'escrots et de fripons, qui produit des voleurs et qu'il est interessant par cette raison de detruire”... Patrouille de süreté. "Pendant que le plus grand nombre des citoyens est enseveli dans le sommeil, la police veille sans cesse à leur santé, et à empecher tout ce qui pourroit troubler leur repos et leur tranquillité. Les inspecteurs de police employés dans la sureté font des patrouilles pendant la nuit dans les rues de Paris. (...) L'inspecteur est à pied. Ses gens qui n'ont rien qui les distingue par l'habillement marchent ecartés les uns des autres de manière, qu'ils ne peuvent ètre remarqués par leur nombre. (...) Lorsque l'inspecteur, ou ses gens y trouvent à une heure indue quelqu'un mal vetü, ou qui leur paroit suspect, ils l'arretent, lui font les questions necessaires pour scavoir qui il est, pourquoi il n'est pas retiré”... Remarques générales relatives au service de la süreté. "La plus part des malfaiteurs, qui echapent aux perquisitions de la Justice viennent à Paris comptants, que confondus dans la foule d'un peuple immense ils n'y seront pas reconnus, mais ils se trompent (...). La Police les connoit d'avance, et Paris est à leur égard comme un grand filet, dans lequel ils viennent se prendre d'eux-mèmes. Ainsi la Police de Paris seule par sa vigilence purge presque tout le Royaume de ce qu'il peut renfermer de plus mauvais sujets”... Des femmes prostituées. ."une longue experience a fait connoitre qu'il etoit impossible d'abolir totalement la vie de la prostitution sans tomber dans d'autres desordres incomparablement plus dangereux à la religion, aux mreurs, à l'Etat ; et à l'exemple des plus sages republiques de l'antiquité, qui l'avoient reconnues dans leur tems, on a été obligé de prendre le parti de la tolerance (.). L'un des principales considerations, qui ont dü determiner cette tolerance, c'est la sureté mème des femmes honnetes, qu'elle garantit des entreprises, et de la violence auxquelles autrement elles seroient exposées de la part des libertins et des hommes debauchés, que leur depravation entraine chés les femmes prostituées, où ils trouvent toute la facilité, qu'ils cherchent, de satisfaire leur brutalité ; ainsi cette mème tolerance tend essentiellement au repos public, à l'honneur des familles, et à la tranquilité des citoyens”. Femmes entretenues. "Cette classe de femmes est peut-ètre la plus dangereuse de toutes (.). Lorsqu'en vertu de l'ascendant qu'elles prennent sur ceux, qui ont la foiblesse de se livrer à elles, et que pour parvenir plutöt à les ruiner, elles leur font faire à leur profit personnel des engagements excessifs, que revenus de leur premier égarement ils reconnoissent, qu'ils ont été leur duppes et qu'ils reclament contre ces engagemens auprès du Magistrat de Police, le Magistrat oblige ces filles à s'en desister, il les punit encore plus severement lorsqu'elles ont abusé du defaut de conduite et d'experience de jeunes gens de qualité”. Nettoyement de Paris. "Un entrepreneur géneral est chargé de faire faire l'enlevement des boues et immondices qui salissent les rues, et de toutes les ordures qui sortent des maisons, que les habitants sont dans l'usage de deposer à leurs portes. (.) Toutes les immondices et ordures, dont l'enlevement est sur le compte des particuliers, se portent dans les voyeries publiques (.), il est defendü d'y jetter des pierres, gravois, et autres choses, qui pourroient ètre préjudiciables à la culture, et detourner les gens de la campagne d'aller aux voyeries chercher ces engrais. Il y a encore d'autres voyeries particulieres hors Paris pour les matieres fécales provenantes de la vidange des fosses d'aisance construites dans toutes les maisons de la ville”. Police des boulangers. "Les boulangers de Paris sont en corps de communauté, et sont gouvernés par les statuts qui reglent les obligations de leur état, et la police, qu'ils doivent observer entr'eux. Il n'y a qu'eux qui peuvent vendre du pain de toute espece et de toutes les formes, et de tous les poids. Les boulangers des fauxbourgs (.) ne peuvent vendre que du gros pain ou pain commun”. Etc. Ex-libris armorié de la Biblioteca di Casate Vecchio.