Lot n° 49

GONCOURT (Edmond de).

Estimation : 400 - 500 EUROS
Adjudication : 450 €
Description
Manuscrit autographe signé intitulé « Une passionnette de petite fille ». Au recto de 4 ff. in-folio en colonne sur la moitié gauche des pages. La colonne vierge du premier feuillet a été découpée. Edmond de Goncourt aurait d'abord écrit ce texte pour son Journal, comme il l'affirme lui-même dans la Revue indépendante du 1er mai 1884 où il le publia pour la première fois. Il l'intégra ensuite en 1886 dans le recueil Pages retrouvées (Paris, Charpentier), après l'avoir intégré puis retiré de son roman Chérie (où il aurait fait double emploi avec un autre passage) qu'il publierait ensuite en 1888. Écrit, selon Edmond de Goncourt, d'après les confidences d'une femme de sa connaissance originaire d'un pays nordeuropéen, ce récit propose une méditation sur la naissance, la vie et la mort d'un amour d'adolescente : « ... Chez les natures du Nord, l'éveil de l'amour développe une espèce de panthéisme exalté qui leur ferait volontiers embrasser les arbres et la création toute entière. Et la fillette amoureuse, dans le lyrisme de son cœur, remerciait le Créateur du soleil, des nuages, de l'eau courante des rivières, des oiseaux, de chaque petite feuille si bien faite, et la longue rue de faubourg resserrée entre des murs de boue, surmontés de lilas aux maigres fleurs et qui menait à une mer glauque, lui semblait au bras de son grand jeune homme bien-aimé une route paradisiaque... » Cet amour fut tué à la demande de la mère de l'adolescente, par le jeune homme même qui en était l'objet, lequel, lui-même amoureux, accepta de faire ce sacrifice : « "Vous vous êtes fait aimer, il est de votre devoir qu'on ne vous aime plus." L'amoureux revenait au bout de quelques jours avec un visage changé et un sourire mauvais. Et de sa bouche tout à l'heure enthousiaste, ne sortaient plus que des contradictions, des taquineries persistantes, des ironies, des paroles sceptiques tournant en dérision l'exaltation mystique et poétique de la fillette : un souffle glacé détruisant à plaisir ses illusions, ses rêves, ses enfances généreuses. Trop jeunette pour percer l'invraisemblance d'un changement si rapide, elle éprouvait un cruel désenchantement, au milieu d'une grande amertume de l'âme, et quand elle se trouvait seule, elle pleurait, le visage caché dans l'herbe, sur son ami mort... » Edmond de Goncourt est l'auteur de ce néologisme de « passionnette » qui connut une certaine vogue avant de tomber en désuétude.
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