Lot n° 35
Sélection Bibliorare

PROUST (Marcel) — 3 lettres autographes signées. [Hôtel des Réservoirs à Versailles], octobre 1906. — • 1. 1 p. in-8 sur papier quadrillé ; date de réception au composteur ; bords froissés avec petites fentes et un manque angulaire,...

Estimation : - 1 000 - 1 500 €
Adjudication : 3 500 €
Description
petites perforations d'aiguille. • 2. 3 pp. in-8, liseré de deuil ; date de réception au composteur ; petites perforations d'aiguille. • 3. 1 p. 1/4 in-8, liseré de deuil ; date de réception au composteur, apostille autographe du destinataire, «Rép[ondu] le 11 oct. promettant aller le voir, être aimable p[our] Maugny si le rencontre» ; petites perforations d'aiguille.
«Des semaines d'agitation terribles...»

Proust en deuil dans les affres d'un déménagement. Après la mort de son père en 1903 et de sa mère en 1905, il venait de perdre son oncle maternel Georges Weil. Il s'était d'ailleurs installé à Versailles en août 1906 pour échapper à l'été parisien sans trop s'éloigner de celui-ci. Tombé malade lui-même, il y demeura finalement cinq mois.
Dans le même temps, il se mit en quête d'un nouveau logement, car il trouvait l'appartement familial de la rue de Courcelles trop grand et trop cher. Il eut recours aux services de plusieurs de ses amis pour lui en dénicher un, selon des recommandations qu'il ne suivit finalement pas: vers le 8 octobre 1906, il se décida à sous-louer l'appartement de son grand-oncle Louis Weil, 102, boulevard Haussmann, bruyant et poussiéreux mais qui lui évoquait le souvenir de sa mère.

• 1. - Lettre autographe signée «Marcel Proust». [Date de réception du 8 octobre 1906]: «Mon cher Louis, je t'écris ce petit mot pour te dire de ne pas venir ces jours-ci, celui où je ne serai pas par trop malade, je ferai venir Maugny que je n'ai pas vu depuis sept ans, que je ne reverrai sans doute jamais et qui est pour q[uel]q[ues] jour près de Versailles, attendant que je sois assez bien pour le recevoir. Or je sais que tu ne l'aimes pas et cela me fait de la peine que tu le rencontres, d'abord parce que tu en serais fâché, et ensuite parce que tu serais peut-être insulté par lui, ce qui me peinerait.
Je viens de passer des semaines d'agitation terribles à cause de cette chose d'appartements à décider. Je crois que j'ai décidé le bd Haussmann et tu me rendras un service fou en me conseillant sur bien des choses. Tu ne sais comme je pense à toi, combien tendrement je t'aime...»

• 2. - Lettre autographe signée «Marcel». [Date de réception du 10 octobre 1906]. «Mon cher Louis, tu me manques de beaucoup de façons différentes car j'ai loué bd Hausmann et j'ai plus de mille avis à te demander. Ne pourrais-tu prendre sur toi d'être gentil avec Maugny. Je n'ai pu encore le voir jusqu'ici ayant été trop malade et comme il part d'un jour à l'autre, je vais lui dire de venir demain. En tous cas dis-moi ce que je dois faire avec Roullot. Je lui avais écrit pour lui demander des appartements. N'ayant pas reçu de réponse, je ne m'en suis plus occupé. Puis j'ai reçu une lettre de Roullot (Mr, j'étais à Londres, je trouve à l'instant (à Boulogne-sur-Mer) votre lettre, je télégraphie à Paris pour qu'on mette quelqu'un à votre disposition, et vous verrai dès mon retour). La personne mise à ma disposition était une blague, car personne n'est venu. Je lui ai écrit de ne pas se déranger, que j'avais loué, que je le priais de me dire ce que je lui devais pour ce qu'il avait pu débourser pour moi (je pensais à la dépêche dont il parlait). Il m'a répondu: "Je vais écrire pour que personne ne vienne vous voir et ne vous importune pas. Quant aux honoraires, ce que vous ferez sera bien fait." Je pensais qu'il me compterait q[uel]q[ues] francs de dépêche. Mais je suis très embarrassé pour des honoraires, ne sachant pas absolument sur quoi les calculer. Dis-moi un chiffre. Excuse l'absurdité de mes mots, je n'ai pas dormi depuis 3 semaines une heure. Tout à toi...»

• 3. - Lettre autographe signée «Marcel». [Date de réception du 11 octobre 1906]: «Mon cher Louis, si tu avais la gentille pensée de venir voir un très malheureux malade, tu ne risquerais plus de faire de rencontres qui te fussent désagréables. Mais pas avant 8 heures du soir car je suis en bien mauvais état. On ne peut plus affectueusement à toi...»
Ami de jeunesse de Marcel Proust, le comte Clément de Maugny (1873-1944) l'accueillit plusieurs fois dans son château de Maugny au bord du lac Léman, entre 1893 et 1905, et demeura ensuite jusqu'à sa mort en relations épistolaires avec lui. Marcel Proust transposa dans la Recherche les souvenirs de ces séjours, et lui emprunta quelques traits pour composer Robert de Saint-Loup.
Partager