Lot n° 60

Stéphanie Félicité Du CREST, Comtesse de GENLIS (1746-1830). — 6 L.A. dont une signée, et — 9 lettres dictées, Paris et [Tivoli] 1802-1824, la plupart à Pauline Caylac de Ceylan Comtesse de Bradi, au château de Rebréchien, par Orléans,...

Estimation : 500 - 700 €
Adjudication : 832 €
Description
d’autres à son mari ou à un de ses enfants ; — 22 pages in-4 ou in-8, la plupart avec adresse (qqs petits défauts).
Bel ensemble à une femme de lettres et admiratrice (1782-1847), qu’elle ne connaît pas encore au début de cette correspondance, mais qui sera dédicataire du Siège de La Rochelle, ou le Malheur de la conscience (1807).

─ De l’Arsenal 2 messidor 1802 (21 juin 1802).
« Le titre que vous voulés bien me donner madame me touche et m’honore mais il y a dans votre lettre un naturel si aimable que votre institutrice n’a pas le droit de s’énorgueillir, il me semble que la nature a tant fait pour vous ! Je porte avec reconnoissance et sensibilité la chaîne charmante que je tiens de vous, et j’ai placé votre lettre dans mon livre de souvenirs. Vous me faites espérer que […] nous nous connoîtrons bientôt. Je n’ai que de jeunes amies ce sont les seules que dans le malheur j’aie trouvé véritablement sensibles et fidèles. J’ai consacré ma vie à la jeunesse et quand je relis votre lettre je m’en applaudis plus que jamais »…

─ [1807].
« Que je suis fachée chère petite que vous ne veniés pas ce soir, nous aurons plusieurs enfans cela finira à 10 heures. Alfred est déjà dans son habit d’arlequin […] ce sera une grande joie pour Casimir [son fils adoptif], qui sera furibond si vous ne venés pas. Je crois que la mascarade de Mmes Ducrest sera jolie, qu’ils chanteront et danseront. […] il y aura de bons beignets aux pommes, des tartelettes &c »…

─ 23 novembre 1812. :
Son affection pour Pauline, « que j’estime cent fois plus que moi-même, parce qu’avec tous mes sentimens vous n’avés jamais fait une étourderie, et une faute. Vous estes parfaite et gentille et naturelle par la tournure de votre esprit et par votre caractère […]. Vous aimés votre mari, et ce mari étoit de tous les hommes de l’univers le plus capable de bien conduire une jeune et belle femme bien née. Vous avés vécu dans la solitude à l’abri des pièges, des mauvais exemples, des pernicieux conseils, des séductions, vous avés des enfans charmans, vous n’avez eu que des liaisons vertueuses », etc.

─ 10 avril [1815] :
« sans une nécessité positive je n’écris plus du tout moi-même car c’est pour moi une fatigue inconcevable »…

─ Paris 1er mars 1820.
Elle a été absorbée par « un travail prodigieux » : « J’ai pris le parti de réimprimer avec des retranchemens et des notes les ouvrages philosophiques qui méritent à certains égards d’être placés dans les bibliothèques. Les choses licenscieuses et les impiétés ne sont tellement dans ces ouvrages que des pièces de marquetterie, que j’ai pu les oter sans être obligée d’ajouter un seul mot […], mes notes font remarquer d’inconcevables contradictions, mais qui du moins ne sont pas corruptrices, la jeunesse pourra lire ces ouvrages sans danger »… Elle fait aussi un journal littéraire : « au bout de deux ou trois mois nous payerons des articles, ceux de Pauline mériteroient d’etre payés au poids de l’or »…

─ 29 décembre 1821.
« Ma santé est toujours bonne et ma vue comme à vingt ans »…

─ [Tivoli] 4 août 1822.
Elle a eu « la plus étrange et la plus terrible maladie de nerfs, il y a six mois ; et dont j’ai été à la mort. J’ai reçu tous mes sacrements et même l’extrême-onction. J’ai été deux grands mois dans mon lit, et je suis depuis quatre à Tivoli : je n’ai pris ni bains, ni remèdes excepté les pillules de musc »…

─ Bains de Tivoli 29 octobre 1822.
Elle a été « dans les dernières douleurs de l’enfantement, enfin comme une autre Sara, j’en suis heureusement venue à bout ; j’ai fini les Dîners du baron d’Holbach qui sont vivement attendus et qui paroîtront dans dix ou douze jours : à présent je ne suis plus affamée que de vous parler de vous, de votre bonheur, et des nouveaux mariés »… Depuis ce « travail inouï », elle en a commencé un autre, « décidée à mourir au champ d’honneur, non la lance au poing et en rase campagne mais sur mon champ de bataille, c’est-à-dire sur une chaise rembourée de crin, appuyée sur une petite table et devant un écritoire »…

─ Place Royale [janvier 1823].
Dans six semaines paraîtront « de moi les mémoires de madame de Bonchamps que j’ai donnés en pur don à Mr le marquis de Bouillé son gendre qui fera du produit de belles actions en mon nom dans la Vendée. Je travaille maintenant à un ouvrage très avancé intitulé Les Veillées de la chaumière »…

─ 19 juillet 1823.
Elle est charmée par L’Héritière corse : « Il y a certainement, du génie dans cet ouvrage ! et comme il est d’une femme, c’est ce dont on se gardera bien de convenir ; mais je crois que tout le monde avouera que les mœurs nationales y sont admirablement dépeintes »... Ses Veillées ont du succès, et les mémoires de Mme de Bonchamps sont à leur 3e édition en trois semaines, et tout le monde dit « c’est un chef-d’œuvre de précision et d’intérêt »…

─ 26 janvier 1824.
Elle travaille sans relâche, et lui adresse De l’emploi du temps : « je vous recommande le chapitre de la vieillesse qui a produit une sensation générale ; ceux de la musique et de la peinture en ont produit une pareille parmi les artistes ; […] beaucoup de personnes qui ne veulent pas seulement végéter ont déjà profité des conseils que j’y donne »… Vont paraître Prisonniers, nouvelles, et Les Athées conséquents, son dernier roman :
« je n’y parle ni de Voltaire ni des philosophes, mes ouvrages précédens m’en dispensent ; cet ouvrage dont j’ai médité le plan pendant huit ou neuf ans, est je crois du plus grand intérêt ; il est rempli de coups de théâtre et de péripéties, mais non comme dans les mélodrames et de certains romans, car ces coups de théâtre sont tout neufs et sont uniquement produits par les passions et par les caractères »…

─ 11 octobre :
« Il est impossible de faire mieux valoir un peuple belliqueux et qui n’a pas atteint le dernier degré de civilisation. Je n’ai rien lu de plus pittoresque, de plus spirituel, de mieux pensé et de mieux écrit que cette belle peinture »… Etc.

─ On joint :
• un portrait gravé, une vue de l’Arsenal ;
et
• 2 L.S. de son petit-fils, le Comte de Lawoestine.
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