Lot n° 177

André BRETON. L.A.S., Paris 16 février 1939, à un ami ; 2 pages in-4 à l’encre verte, avec quelques ratures et corrections (fentes aux plis, avec petite déchirure au centre sans manque).. Sur son refus de participer à l’Exposition...

Estimation : 1 000 / 1 500
Adjudication : 1 216 €
Description
Universelle de New York de 1939-1940. . Breton explique ses motifs de non-participation au projet américain. « Vous savez en quelle estime je tiens votre effort personnel, le seul à l’exposition internationale de 1937 qui se soit appliqué à la mise en valeur des œuvres vivantes, non exclusivement à l’exaltation de celles que le temps a consacrées et de celles qui jouissent de la faveur officielle. Toutefois vous m’avez vu hésitant il y a quelques jours lorsque vous m’avez fait part de votre intention de recomposer pour l’exposition de New York le panneau des revues, manifestes, etc. de ces soixante-dix dernières années […]. D’après tout ce que je sais de l’optique américaine, il me paraît dérisoire […] suprêmement vain de proposer à l’attention des visiteurs de là-bas le tableau de sept mètres sur deux dans lequel, en toute conscience je le sais, vous vous serez efforcé de faire saisir l’évolution poétique, extraordinairement accidentée, de Nerval jusqu’à nous. L’exiguïté d’un pareil cadre fait qu’il n’y a rien là qui se puisse imposer à l’œil, donc à ce spectacle stupéfiant, sombrement humoristique, d’un vieux manuel de très basse classe où Rimbaud pouvait faire l’objet d’une note en bas de page mais où par contre on s’étendait, on se vantait sur des œuvres grotesques […] comme celle d’Alphonse Daudet. […] Par bonheur les étrangers, beaucoup mieux que les Français, savent à quoi s’en tenir sur ce qui constitue les véritables valeurs spirituelles de ce pays. Ils disposent pour en juger d’un critère tout à fait sûr : celui des influences subies. Ce qu’il est convenu ici de mettre en avant n’est pas nécessairement ce qui les touche. En particulier, l’accueil qu’a rencontré le surréalisme aux États-Unis suffirait, selon moi, à nous dispenser de l’introduire dans la petite case (un mètre sur un mètre) qu’on veut bien lui dessiner à cette occasion. L’important, à mes yeux, est que presque toute la peinture et la poésie américaines procèdent à l’heure actuelle plus ou moins directement du surréalisme : c’est là un fait incompatible avec la place on ne peut plus modeste qu’on prétend lui assigner. […] Les objections que je voulais vous présenter sont aussi d’un autre ordre. Je ne suis aucunement séduit à l’idée d’être incorporé à la tradition littéraire française quand celle-ci devient trop manifestement un article d’exportation. Il me plaît très modérément d’être représenté même par une photo du format carte d’identité et par une phrase illisible dans le cadre du Pavillon français. Je n’ai pas à me louer de la considération en laquelle me tiennent les hommes de ce pays qui prétendent avoir pour mission de préserver les intérêts artistiques. Les quelques illusions de-ci-de-là que j’ai pu avoir à cet égard sont aujourd’hui parfaitement dissipées. Ces hommes sont bien décidés à m’ignorer ; qu’ils souffrent donc que pour ma part je ne me reconnaisse envers eux ni dépendance, ni solidarité. J’ai tenté de maintenir hors d’atteinte la forme d’expression qui s’est imposée depuis un siècle comme la plus vivante et la plus prestigieuse. Je puis dire que j’y ai sacrifié toute la sécurité de ma vie ». Breton détaille ensuite plusieurs exemples de déceptions et de projets non aboutis, impliquant notamment Anatole de Monzie, Julien Cain, Saint-John Perse, illustrant selon lui le mépris avec lequel les poètes sont traités…
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