Description
d'imprimerie (477 x 645 mm ; 497 x 645 mm), en feuilles, sous chemise cartonnée noire à rabats, entièrement recouverte d'un décor de fleurs et feuilles stylisées peintes au pochoir en bleu, parme, violet et blanc, étui en chagrin bordeaux, plats en plexiglas de Boichot.
► ÉDITION TIRÉE À 50 EXEMPLAIRES SUR PAPIER BIBLE AU FORMAT IN-4 (n° I).
Publiée par souscription, elle est illustrée en frontispice d'un portrait de Proust par Jacques-Émile Blanche, héliogravé et tiré sur papier vélin fort.
Publiée deux ans après l'édition originale, elle intègre d'importantes variantes. La plupart des fautes y ont été corrigées et des modifications introduites.
C'est la seule édition contemporaine d'ordre véritablement bibliophilique : elle a paru en feuilles, sans couverture imprimée.
♦ L'énigme d'une luxueuse édition hors commerce.
Voulue et conçue jusque dans le moindre détail par Proust lui-même pour être publiée dans un format et sur un papier inusités, sous chemise illustrée au pochoir et enrichie de deux placards d'épreuves, elle présente pour la première fois au lecteur, avec le portrait par Jacques-Émile Blanche, l'effigie de l'écrivain.
L'édition "truffée" contraste avec l'indifférence de Proust pour la bibliophilie autant qu'avec sa réticence à dévoiler ses manuscrits au public, craignant "l'indiscrétion posthume".
De fait, l'édition de luxe coûtait fort cher. Elle fut une opération commerciale lancée par l'auteur lui-même avec Gaston Gallimard.
Jean-Yves Tadié en a livré les ressorts : "Aux trois quarts ruîné par ses cadeaux inconsidérés, des spéculations hasardeuses et la guerre, Proust a en effet toujours besoin d'argent.
Un tirage de cinquante exemplaires d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs, sur grand papier, avec des placards d'épreuves corrigées par l'auteur y pourvoira" (Lettres au duc de Valentinois, 2016, préface p. 10). À sa grande déconvenue, l'auteur eut du mal à écouler la totalité du tirage, certains de ses amis fortunés n'ayant pas répondu à son attente.
► L'EXEMPLAIRE EST COMPLET DES DEUX PLACARDS : LE SECOND EST ENTIÈREMENT AUTOGRAPHE.
• Le premier, portant l'inscription du typographe "N° 21", est constitué de 17 papillons ; il appartient au type des placards mixtes, mélangeant des fragments imprimés et manuscrits :
8 papillons autographes,
8 imprimés
et
un imprimé avec une correction autographe.
Il correspond à 9 pages de l'édition originale d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs (pp. 163-167; 176-179 haut ; 184) à la fin de la première partie et au début de la seconde partie, Nom de pays : le pays.
Le placard offre un passage clé de la Recherche du temps perdu:
la fin de l'amour douloureux du narrateur pour Gilberte
et
la séduction qu'exerce sur lui la mère de Gilberte, Odette.
• Le second placard, titré par le typographe "Cahier violet N° 26", est composé de 18 fragments autographes. Il correspond à 4 pages de l'édition originale (pp. 412-415).
Il relate la partie de furet sur les falaises de Balbec.
De beaux passages y sont consacrés aux mains d'Albertine que le narrateur réussit à toucher furtivement lors de la partie de jeu.
Tirés d'un des cahiers manuscrits de Proust, la composition de ces fragments permet de "linéariser" le texte des cahiers :
"les fragments découpés des lignes principales sont suivis de ceux qui ont été découpés des marges, la planche présentant ainsi une alternance de formats larges et étroits" (Wise).
♦ LES DEUX PLACARDS PRÉSENTENT D'IMPORTANTES VARIANTES PAR RAPPORT AU TEXTE PUBLIÉ AINSI QUE DES PASSAGES INÉDITS.
Ces planches de grand format, ressemblant à une "une extraordinaire marqueterie" (P. Clarac), sont l'œuvre de la dactylographe chargée de la mise au propre, Mlle Rallet.
Elle prit l'initiative, lors de la mise au net, de monter les fragments de papiers autographes et imprimés sur de grandes feuilles afin de faciliter son travail.
La métamorphose de ses manuscrits devait enthousiasmer l'écrivain et lui inspirer cette édition bibliophilique :
"le manuscrit [...] malgré mon affreuse écriture [...] est ravissant et a l'air d'un palimpseste à cause de la personne qui le collait avec un goût infini"
(lettre à Mme Schiff).
Les fragments montés par la dactylographe proviennent de trois sources distinctes : le manuscrit, les épreuves de l'édition non parue de Grasset de 1914 et les épreuves de Gallimard pour l'édition de 1919. Les planches, chacune unique, forment ainsi un "matériau très hétérogène et difficile à classer" (Wise), indispensable à la reconstitution génétique du manuscrit.
Les placards figurent parmi les 83 répertoriés par Pyra Wise (Le Généticien en mosaïste in Genesis 36, 2013, pp. 141-150), auxquels il convient d'ajouter les 5 apparus en vente publique depuis.
► UN DES RARES EXEMPLAIRES CONSERVÉS DANS LA RAVISSANTE CHEMISE D'ORIGINE, RECOUVERTE D'UN DÉCOR FLORAL PEINT AU POCHOIR.
Parmi la quinzaine d'exemplaires complets des placards et du portrait recensés, seuls quelques-uns possèdent la chemise d'origine :
Princesse Soutzo (vente Lanssade, Paris, 4 mai 1994, n° 125),
Pierre Leroy (2007, n° 85),
Marcel De Meere (Paris, 2007, n° 432),
Bernard Loliée (7 octobre 2014, n° 152).
Exemplaire non coupé.
Feuillets un peu froissés en début et fin de volume.
3 attaches manquantes.