Lot n° 909
Sélection Bibliorare

MANET, Édouard. 49 lettres adressées à Émile Zola. 1866-1883. 49 lettres autographes signées de divers formats avec 2 lettres du frère, Eugène Manet, réunies dans un classeur in-8 [225 x 186 mm] en demi-maroquin bleu nuit à rabats, dos à...

Estimation : 40 000 - 60 000 €
Adjudication : 88 400 €
Description
nerfs, étui bordé de même.








► EXCEPTIONNELLE COLLECTION DE 49 LETTRES AUTOGRAPHES D'ÉDOUARD MANET ADRESSÉES À SON PREMIER ET PLUS ARDENT DÉFENSEUR, ÉMILE ZOLA.

L'amitié liant le peintre et l'écrivain trouve sa source dans le combat pour la reconnaissance de la peinture de Manet contre l'académisme.

Âgé de vingt-six ans, Zola se fit confier en 1866 la rubrique de critique d'art de l'Événement, le journal à grand tirage dirigé par Villemessant.

Du 27 avril au 20 mai, il y fit paraître sept articles à propos du Salon qui se tenait au Palais de l'Industrie. Il y prenait la défense de la jeune peinture, notamment d'Édouard Manet dont il déclara que "la place est marquée au Louvre".
Devant le scandale suscité par ses prises de position, sa chronique lui fut retirée et les articles parurent en volume sous le titre de Mon Salon.

Le jury avait refusé de nombreuses toiles, parmi lesquelles deux de Manet (Le Fifre et L'Acteur tragique).
Les jeunes artistes manifestèrent, réclamant l'abolition du jury et le rétablissement du Salon des Refusés.
Cézanne prit partie dans une lettre ouverte fameuse, adressée au surintendant des Beaux-Arts.
Quant à Manet, il fut conspué, la foule s'esclaffant devant ses oeuvres qualifiées de "caricatures de peintures".

L'année suivante, Zola publia un long essai intitulé Édouard Manet, étude biographique et critique (Paris, Dentu, 1867): la brochure, ornée d'un portrait du peintre par Bracquemond et d'une eau-forte reproduisant Olympia, se vendait à l'exposition rétrospective organisée par Manet lui-même, dans un pavillon construit à ses frais à l'Alma, en marge de l'Exposition universelle et du Salon de 1867, dont il avait été exclu.
"J'espère qu'elle va mettre le feu aux poudres" déclara l'artiste de cette première monographie qui lui était consacrée.

Pour le remercier de son appui, Manet peignit le fameux portrait de Zola exposé au Salon suivant (1868).
"Le temps passant, la défense que le romancier lui avait consacrée en 1866-1868, la plus vibrante et nourrie qu'eut jamais l'artiste de son vivant, dût lui paraître rétrospectivement plus éclatante encore.

Le portrait de Zola témoigne, au-delà des réticences réciproques, d'une estime et d'une amitié.
Lorsque Fantin-Latour peint Un atelier aux Batignolles, qui rassemble autour de Manet en train de peindre, artistes et critiques du groupe du café Guerbois, Zola fait partie du petit groupe debout près de lui, entre Renoir et Bazille" (Françoise Cachin, Manet, 1983, p. 285).

En 1884, Zola préfaça le catalogue de la première rétrospective consacrée à Manet au lendemain de sa mort, organisée à l'École nationale des Beaux-Arts.

La collection des lettres de Manet restitue les différentes étapes de ce combat d'abord, puis de l'amitié entre le peintre et l'écrivain.

Il s'y trouve aussi de nombreuses remarques sur les romans de Zola pour lesquels Manet exprime son enthousiasme. Ainsi, de Thérèse Raquin, dit-il en décembre 1868 :

"Vous peignez la femme à en rendre jaloux, et vous trouvez pour rendre les scènes d'amour des expressions à dépuceler une vierge rien qu'en les lisant. "
Quelques extraits.

"Je suis heureux et fier d'être défendu par un homme de votre talent, quel bel article, merci mille fois.
Votre avant-dernier article (le moment artistique) était des plus remarquables et a fait un grand effet" (7 mai 1866 : première lettre adressée par Manet à Zola, qui ne se connaissaient pas encore).

"Mon cher Zola,
C'est de fameuses étrennes que vous m'avez donné là et votre remarquable article m'est très agréable ; il arrive en temps opportun car on m'a jugé indigne de profiter comme tant d'autres des avantages de l'envoi sur liste, aussi comme je n'augure rien de bon de mes juges je me garderai bien de leur envoyer mes tableaux. Ils n 'auront qu'à me faire la farce de ne m'en prendre qu'un ou deux et voilà pour le public, les autres bons à jetter aux chiens.
Je me décide à faire une exposition particulière. J'ai au moins une quarantaine de tableaux à montrer - on m'a déjà offert des terrains très bien situés près du Champ-de-Mars. Je vais risquer le P arquet et secondé par des hommes comme vous je compte bien réussir" (2 janvier 1867).

"Cela ne peut que m'être agréable de voir votre brochure se vendre dans mon exposition, je voudrais même qu'il s 'en vendît beaucoup. [...]
Je vous proposerais même si toutefois vous le trouviez bon de faire pour le mettre en tête mon portrait à l'eau-forte.
Dites-moi votre avis et envoyez le format de la brochure que je puisse faire faire le tirage de la gravure. [...]
Voulez-vous que nous fassions l'affaire à nous deux?
Je rouvre ma lettre. Je pense que j'ai fait dernièrement d'après Olympia un bois qui était destiné au Paris-guide de Lacroix.
Si cela pouvait ne pas nous coûter trop cher nous pourrions l'intercaler.
Du reste le bois nous appartenant on peut toujours à un moment donné le placer ailleurs avantageusement.
Je vais écrire à un graveur assez habile pour en faire quelque chose de bien" (1867).

"Il faut penser que je puis être violemment attaqué. Ne vaut-il pas mieux faire quelque chose et ménager vos ou nos forces pour ce moment-là?
Nous réaliserons le projet de la première brochure pour la fin, après une réussite s 'il y en a, ce sera affaire de dilettantisme" (1867).

"Bravo, mon cher Zola,
voilà une rude préface et ce n 'est pas seulement pour un groupe d'écrivains que vous y plaidez mais pour tout un groupe d'artistes.

Du reste, quand on peut se défendre comme vous savez le faire, ce ne peut être qu'un plaisir d'être attaqué" (avril ou mai 1868).

"Je suis allé quelques jours à Londres [...]. J'y ai été très bien reçu. Il y a quelque chose à faire là-bas pour moi je crois et je vais le tenter à la saison prochaine.
J'ai vu quelques artistes fort aimables qui m'ont fort engagé à me produire! Il n 'y a pas chez eux cette espèce de jalousie ridicule qu'il y a chez nous, c'est presque tous des gentlemen. [...]
Je crois qu'à un moment donné on pourra écouler la brochure là-bas " (été 1868).

"Nous avons bien souffert ces derniers temps à Paris. J'apprends la mort du pauvre Bazille, j'en suis navré" (2 février 1871).
"Mrs Mmes Pissarro, Sisley, Monet et Manet vous prient de leur faire le plaisir d'accepter à dîner le mercredi 11 courant.
7 h. Café anglais" (4 décembre 1872).

"Je viens de lire le dernier numéro de l' Assommoir dans la Rép. des Lettres.
Épatant" (été 1876).

"Bergerat m'a demandé de lui faire pour sa publication deux dessins sur une nouvelle de vous [...].
Faire des paysans à Paris et l'hiver me semble impossible" (décembre 1878).

"J'attendais avec impatience l'article de ce matin et j'espère être un des premiers à vous en féliciter. Vous avez été dans toute cette campagne l'homme crâne, franc et honnête que j'aime depuis longtemps " (22 septembre 1881?).

"Je viens de finir Pot-Bouille. C'est étonnant. Je me demande si ce n 'est pas le plus fort de vous " (avril-mai 1882).

Des deux lettres d'Eugène Manet, frère d'Édouard, jointes à la fin, celle datée du 7 mai 1883 remercie Zola de sa présence aux obsèques du peintre et lui annonce le projet de rétrospective pour lequel il le sollicite.

─ La collection a été acquise par
• Pierre Bergé auprès des héritiers d'Émile Zola.

"L'homme crâne, franc et honnête que j'aime depuis longtemps"
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