Lot n° 485

LOUŸS Pierre (1870-1925). MANUSCRIT autographe signé « Pierre Louÿs », Poëtique, « Avril-Mai 1916 » ; 6 pages in-4 sur 6 feuillets (25,5 x 20 cm) montés sur onglet en un volume in-4, relié demi-maroquin bordeaux à coins, dos lisse, titre...

Estimation : 3 500 - 4 000 €
Adjudication : 4 550 €
Description
en long (Canape & Corriez).

♦ Credo poétique de Pierre Louÿs. Dans une prose à la fois lyrique et lapidaire, lepoète livre en dix courts chapitres la substance et l’esthétique de son art, et proclame le caractère sacré de la poésie.

Le manuscrit est soigneusement écrit à l’encre violette au recto de feuillets de papier vergé filigrané Imperial Century, numérotés 1 à 6 ; il est signé à la fin et daté « Avril-Mai 1916 » ; il présente quelques ratures et corrections, et porte des indications typographiques ajoutées au crayon, notamment sur le respect de l’orthographe de Louÿs. Deux feuillets de couverture de papier fort jaune ont été reliés avec le manuscrit.

Le manuscrit a servi pour l’impression de la première édition dans le Mercure de France du 1er juin 1916. Pierre Louÿs va remanier aussitôt son texte par deux tirés à part successifs de cet article, puis dans l’édition définitive en plaquette chez G. Crès en février 1917. « C’est sans doute l’un des textes que Louÿs travailla le plus, et pour lequel il existe le plus d’états préparatoires » (Jean-Paul Goujon). Louÿs a déclaré que ces pages lui ont « coûté 400 heures de travail ».

Ce texte, à la fois credo et testament légué aux jeunes poètes à venir, est une réflexion sur l’art poétique, et une affirmation, contre la littérature industrielle, du caractère sacré de l’acte d’écrire et du Verbe.
« I. Croire en la Muse. Lui offrir le silence et la solitude. Espérer sa grâce. […] Découvrir que la Muse peut suggérer le son avant le mot, le rythme avant la phrase ; et que sa dernière parole est sa première pensée »…
Louÿs poursuit en affirmant qu’il ne faut pas de plan, ni de brouillon, qu’il faut savoir « choisir le mot. Il n’en est qu’un », mais aussi « placer le mot »…. « Suivre le rythme qui [marche au pas logique biffé] palpite avec le cœur de l’idée. – Règle fondamentale du vers. Et [du style biffé] de la prose. Et de la musique »… Il insiste sur l’importance de maîtriser les figures de rhétorique, et évoque la tâche délicate qu’est la retouche d’un vers…
« Vers ou proses, les poëmes sont des créatures ; et qui vivent ; qui respirent ; qui sont pleines d’organes ; qui mourraient d’un mot coupé »…Il s’adresse enfin solennellement aux poètes de l’avenir : « Poëtes, évangélistes d’une déesse intime, transfigurez-vous par la nuit. Écrivez à l’écart. Signez. Rentrez dans l’ombre. Le Verbe seul est illustre. Pas d’orgueil sur vos têtes. Chassez même la gloire de votre maison. Silence autour de vous. Solitude. Fierté. Mais la fierté ! Jurez qu’elle vous tienne ferme ! Jurez qu’elle est incorruptible, qu’elle vous arme pour jamais contre la misère, l’amour et la mort ! que vous n’écrirez pas un vers sans le lui donner en garde avec le respect de votre œuvre ! et qu’elle grandit, comme votre joie de la lyre, lorsque le rayonnement solennel des arts fulgure des quatre horizons – rose de la lumière humaine, où flammes, flammèches, phosphorescences, éclairs, fumerolles et splendeurs, tout est sacré ».

─ Bibliographie :
Jean-Paul Goujon, « Pierre Louÿs, Poëtique. États manuscrits inédits », Genesis, 2000, n° 15 (p. 133-152).

─ Provenance :
• Ancienne collection Armand GODOY.
• Catalogue Pierre Louÿs (Librairie Jean-Claude Vrain, 2009, n° 45).
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