Lot n° 481

LOUŸS Pierre (1870-1925). L.A.S. « Pierre », Montigny s/Loing 31 mai-1er juin 1896, à son frère Georges LOUIS ; 8 pages in-8 (traces de rouille à la 1ère page, fente au pli intérieur).

Estimation : 400 - 500 €
Adjudication : 520 €
Description
Après la publication d’Aphrodite, Pierre Louÿs se détend à la campagne.
Il évoque le séjour de son frère au Caire, et donne des nouvelles familiales. Il écrit « sous un treillage très “environs de Paris”, à Montigny, près de Marlotte. Je suis là avec André LEBEY, Jean de TINAN et quelques jeunes filles sans mœurs. Tout le pays est plein de littérateurs idéalistes et de peintres quattrocentristes qui sont un peu rasants ; mais on les évite. J’ai été ce matin à Fontainebleau à bicyclette à travers toute la forêt pour acheter des cigarettes, et en passant devant une grande librairie religieuse, j’ai vu ce symptôme curieux : Rome exclu de la devanture (sans doute parce que ZOLA est à l’index), mais au centre des deux vitrines et sur les deux seuls chevalets spéciaux : Une Idylle Tragique et Aphrodite. – Est-ce assez précieux de n’être connu qu’à moitié ! »

Le succès d’Aphrodite a entraîné des propositions mirifiques. Pierre Louÿs est stupéfait que toutes ses conditions soient acceptées par Xau, le directeur du Journal : un article de tête tous les 15 jours, grassement payé.
En outre, la Collection Guillaume illustrée souhaiterait publier un de ses contes, sa traduction de Lucien, ainsi qu’Aphrodite tirée à 10 000 exemplaires. L’argent afflue tout d’un coup : « Je suis surpris, et un peu dégoûté de voir qu’on traite des affaires de littérature comme on vendrait du ciment ou du corned-beef ; mais je ne suis pas en situation de dédaigner tout cela […] On a vendu jusqu’ici 10 500 exempl. d’Aphrodite (19 éditions de 550). Les revendeurs sont convaincus qu’on doublera le chiffre avant la fin de l’année ». On a publié un article sur leur famille. « Dans la Frankfürter Zeitung, longue étude de deux feuillets sur Bilitis ; avec 20 chansons traduites. – Au fond, excellent »… Il est content d’être à la campagne : « la terrasse de bois d’où je t’écris domine le Loing à hauteur d’homme ; l’eau est très claire et cependant verte, pleine de mousse, d’iris jaunes et de reflets d’arbres. – Le temps est admirable et doux ; je n’ai sur le corps qu’un maillot blanc de cycliste et une culotte idem, sans linge. Il y a eu toute la journée dans l’air, des cloches, des chants d’oiseaux et un bêlement de chèvre attachée »… La lettre se conclut sur une phrase désabusée, où Pierre Louÿs exprime la distance qui le sépare de cette agitation provoquée par le succès littéraire : « Je ne peux jamais être heureux huit jours de suite, sinon seul ».

Mille lettres inédites de Pierre Louÿs à Georges Louis, p. 209 (n° 116).

Catalogue Pierre Louÿs (Librairie Jean-Claude Vrain, 2009, n° 194).
Partager