Lot n° 446

GAUTIER Théophile (1811-1872). MANUSCRIT autographe, [Musée secret] ; 3 pages in-8 (marques de plis, rousseurs, réparation au pli intérieur du bifeuillet).

Estimation : 1 500 - 2 000 €
Adjudication : 2 860 €
Description
♦ Manuscrit de travail de Musée secret, magnifique et fameux poème érotique écrit pour « la Présidente ».

♦ Ce long et superbe poème de 22 quatrains en rimes croisées a été écrit en septembre 1850 pour Apollonie SABATIER, « la Présidente », pendant un séjour fait avec Venise avec elle et Louis de Cormenin. Il devait faire partie de la première édition d’Émaux et Camées (1852), mais en fut retiré au dernier moment par crainte de la censure. Il parut pour la première fois, anonyme, dans Le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, publié par Poulet-Malassis à Bruxelles en 1864. Il fut recueilli dans une édition clandestine préparée par Poulet-Malassis des Poésies de Th. Gautier qui ne figureront pas dans ses œuvres (1873), où il ouvre la section des « Galanteries », puis dans l’appendice, tiré à 15 exemplaires hors commerce, du tome II des Poésies complètes (Charpentier, 1876). C’est le gendre de Gautier, Émile Bergerat, qui le révélera au public en 1879 dans son livre Théophile Gautier, entretiens, souvenirs et correspondance, avec une lettre de Paul de Saint-Victor définissant ce poème comme « le dernier mot de la beauté plastique ». [Voir Charles de Lovenjoul, Histoire des œuvres de Théophile Gautier, t. II, p. 274 et 604-607.]

Le titre fait évidemment référence au cabinet secret du musée de Naples.

Le manuscrit, quasiment sans ponctuation, présente des ratures et corrections, et d’importantes variantes inédites, différentes de celles relevées par Lovenjoul dans le manuscrit de premier jet sur le carnet de Louis de Cormenin. L’ordre des strophes est modifié sur ce manuscrit, et certains quatrains figurent en deux ou trois versions successives. Sur les deux premières pages, Gautier a d’abord mis au net son poème, en 19 quatrains, puis il y a porté des corrections, et ajouté dans la marge de gauche deux nouveaux quatrains, puis rédigé dans la marge de droite des versions alternatives de six strophes, avant de mettre au point sur la troisième page une nouvelle suite de neuf quatrains.

« Des déesses et des mortelles
quand ils font voir les charmes nus
les sculpteurs grecs plument les ailes
de la colombe de Venus »...
La 7e strophe, faisant allusion à La Fontaine et au poil de la brune, reçoit en marge une nouvelle version alternative où apparaît le vers : « le cheveu que rien ne rend droit ».

La 8e strophe offre une intéressante correction inédite au 2e vers : « et tes Venus, ô Titien », dont le début est corrigé en « grand pornographe ».
C’est à partir de la 12e strophe que le travail de réécriture devient plus important, et le poème fortement remanié. Citons ainsi la première version de l’avant-dernier quatrain, ajouté dans la marge, après quelques ébauches sur la 3e page :

« Sur ta soie annelée et fine
que l’art toujours voulut raser
ô douce barbe féminine
reçois mon vers comme un baiser ! »
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