Lot n° 149

GUIBERT JACQUES-ANTOINE-HIPPOLYTE, COMTE DE (1743-1790). MANUSCRIT autographe, Lettre sur l’éducation d’un jeune militaire ; cahier de 19 pages petit in-4 liées d’un ruban vert (un coin du feuillet de couverture déchiré).

Estimation : 2 000 - 2 500 €
Adjudication : Invendu
Description
Conseils à un jeune militaire.

Ce manuscrit, sous forme de lettre à un Comte récemment nommé Colonel, et qui va bientôt commander un régiment, est daté « ce jeudi soir » ; il présente des ratures et corrections.
La couverture est annotée par Mme de Guibert.

« Je viens le cœur encore tout echauffé de notre conversation, remplir mes engagements mon ami. […] Moi te tracer un plan détude ! […] Roi dis toi contre les difficultés, contre les premiers degouts inseparables d’un genre de vie nouveau, élève, si j’ose m’exprimer ainsi, ton esprit à la hauteur de ton ame, et tous ces obstacles s’applaniront devant toi. […] Deux routes te sont ouvertes pour aller à la fortune. Les armes, et les negociations. »…. Il commence à propos de l’instruction : « Ce n’est pas, mon ami, une erudition immense que je vais te proposer d’acquerir. Les savans sont comme je te le disais aujourd’huy, des in folio souvent inutiles ; […] mais il faut avoir du moins cette portion de connoissances necessaire à tout homme qui veut commander aux hommes. La science theorique de notre metier n’est pas aussi vaste qu’on se l’imagine ». Il l’invite en premier lieu à se remettre aux mathématiques s’il y a lacune en la matière, car « sans geometrie, les idées sont vagues et incertaines, l’esprit ne peut ni juger ni comparer, ni calculer ; la geometrie est en quelque sorte la boussole du raisonnement et la logique militaire […].
Une fois les problemes de trigonometrie rectiligne résolus, la carriere s’etend et s’applanit, la tactique n’est plus qu’un jeu, les places de guerre et les grandes garnisons offrent de toutes parts des leçons vivantes ; […] savoir se rendre compte à soi et aux autres d’une reconnoissance faite, voila tout ce qui suffit quand on ne veut être ni ingenieur ni geographe. Quel theatre que nos frontieres pour qui veut se former au metier de la guerre ? Au milieu de tant d’objets d’instruction, comment ne pas ouvrir son ame à l’ambition et au desir d’apprendre ? »…
Dans un second temps, vient l’étude de la constitution de tous les corps d’armée : « Ce sont tous les details interieurs de discipline, tenue, exercice […] ; tous ces details si minutieux en apparence quand on ne considere pas leur but. […] Chaque jour la verité naitra devant toi et te frappera d’une lumiere nouvelle. Arrivé à ce point d’intelligence c’est alors qu’il faudra sans relache exercer ton imagination, parcourir le paÿs, le dessiner »…
Quant à l’étude de la politique, bien qu’immense, elle ne doit être, avec pour bases principales des connaissances en histoire et géographie, que jeu et délassement pour l’esprit. Guibert suggère au jeune militaire de ne pas se perdre dans l’histoire ancienne, mais plutôt d’étudier la matière à partir de la chute de l’Empire d’Orient en se consacrant sur les faits et les pays qui ont le plus de connexions avec les événements actuels. :
« Etudie surtout […] les caractères et les passions des hommes, etudie les dans le monde, autour de toi, chez ceux qui commandent et qui gouvernent aujourd’hui. Partout la nature est la même, partout les mêmes passions dirigent les hommes et reproduisent les mêmes evenements »…
Il l’invite à accumuler au quotidien les observations sur les forces de chaque nation, ses ressorts économiques, son organisation gouvernementale… Afin d’engranger ce savoir sans trop d’effort, « sois curieux et actif.ne laisse autour de toi rien de ce qui peut etre analogue à ton plan d’etude sans le voir ou le connoitre. […]
Enfin, mon cher ami, accoutume toi surtout à penser et à ecrire. Ce n’est qu’en donnant l’essor à son imagination […] qu’on apprend à rendre ses idées »…
Les dernières pages sont consacrées à trois points : l’emploi du temps, les moyens de développer la mémoire, et le choix des lectures. Guibert termine par une mise en garde contre le plus grand risque de distraction dans tout plan d’étude que représentent les passions du cœur, mais « les femmes n’ont aujourdhui ni assez d’energie ni assez de solidité dans le caractere pour en inspirer de durables »… Il conclut : « Tu peux et tu dois faire mieux que moi. […] Tu me diras un jour et je l’entendrai avec delices – Mon ami j’avois le germe des talents et il perissoit faute de culture, je dormois et tu m’as eveillé ».

─ On joint :
• une copie ancienne.

• Archives du Comte de GUIBERT (vente 14 octobre 1993, n° 63) ;
puis
• Collection Philippe de FLERS.
Partager