Lot n° 148

GUIBERT JACQUES-ANTOINE-HIPPOLYTE, COMTE DE (1743-1790). MANUSCRIT autographe, [Journal de voyage en Bretagne, 8-11 août 1778] ; 33 pages in-4 en 2 cahiers.

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Adjudication : Invendu
Description
► Très intéressant récit sous forme de journal, tenu par Guibert, membre de l’état-major de l’armée de Broglie, lors d’un voyage à la suite du Maréchal.

Ce manuscrit, avec ratures et corrections, a été publié, avec des coupures, par la Comtesse de Guibert en 1806 sous le titre Brest dans les Voyages de Guibert, dans diverses parties de la France et en Suisse (Paris, D’Hautel, 1806, pp. 35-86).

Dans ce journal de voyage, fait à l’occasion d’une tournée d’inspection du Maréchal de BROGLIE, dont Guibert faisait partie de l’État-Major, Guibert mêle des observations, réflexions et opinions personnelles, et des remarques sur des marins tels que DU CHAFFAULT, GUICHEN, KERSAINT, LA CLOCHETERIE, LA MOTTE-PIQUET, ORVILLIERS…
Il est aussi question du Comte de LANGERON, Gouverneur de Bretagne.

Le journal commence le 8 août :
« Parti de Morlaix et arrivée à Brest. Chemins assez beaux mais mal entretenus. […] La vue de la mer agit toujours sur moi : elle aggrandit ma pensée, elle l’attriste, enfin elle la remplit, mais ce n’est jamais d’un sentiment doux. Son resultat est toujours de tomber dans le vague, dan le sombre, dans l’infini : c’est comme la vue du ciel, et la pensée de l’éternité »… Description de la rade de Brest, comparée à celle de Toulon... Réception du maréchal… Description du port de Brest : « magnificence et grandeur de Louis XIV empreinte à chaque pas »... Considérations sur l’intérêt de multiplier les chantiers de construction… La visite du Duc de CHARTRES provoque des critiques méprisantes : « des velléités passageres de s’instruire, mais nulle suite, nulle tenue, soupant tous les soirs chez le vte de Laval en petit comité, […] jouant au billard, voyant des filles, traînant à sa suite M. de G. objet de scandale et de ridicule. Du reste assez bon ton sur son bord, ne paraissant pas s’y ennuÿer, vivant bien avec les officiers, les caressant, parlant aux matelots […], au total faisant moins de mal et moins de bien qu’un Prince du sang n’en peut faire »… Mauvaise tenue de la plupart des régiments de la garnison : indiscipline, insubordination… Visite des ateliers et bâtiments du port, où Guibert note des abus et des dépradations… En visitant le bagne, il s’indigne des conditions de vie des 2500 galériens, condamnés aux travaux forcés dans ce port : « inhumainement traités et coutent cependant fort cher au Roi […].
Abus sans nombre aussi dans cette partie, mais le premier de tous […] et qui fait couler les larmes est d’entasser, d’accoupler à la même chaîne des malheureux sans distinction de faute et de crime. Ainsi le contrebandier, le religionnaire imprudent, et le scelerat sont quelquefois sur le même grabat. L’infortune et l’innocence sont quelquefois à côté du crime. L’homme innocent doit en mourir de desespoir, et celui qui est à demi corrompu achever de se corrompre.
On classe les malades dans les hopitaux bien gouvernés, et l’on confond ici pêle mêle ces malheureuses victimes. Mais un spectacle plus afreux encore, cest celui des enfants arrêtés en contrebande avec leurs peres et condamnés avec eux.
Des enfants ! La plume me tombe des mains en pensant combien nos lois sont feroces et absurdes, et combien les hommes qui gouvernent sont encore plus feroces et plus absurdes qu’elles »…
Observations sur les casernes, dîner chez M. de KERSAINT, conversation tournant sur la bataille d’Ouessant et le combat franco-britannique du 17 juin dans la Manche, raconté avec une impressionnante simplicité par La Clocheterie.

« Au reste la cour le ministre, Paris, le roÿaume ont mis trop d’importance à ce combat. La lettre de M. de Sartine etoit ridicule […] c’est ne pas connoistre la mesure cest decrediter la monnoye dont on doit paÿer de grands succès »…
Nouvelles flèches contre le Duc de Chartres et la Cour… Appréciation du Chevalier de BOUFFLERS, présent au souper ; considérations sur l’inégalité entre les marines française et anglaise et analyse de la bataille d’Ouessant ; les conseils de guerre dont il est question « ont tout mis en feu »… Guibert rapporte les discussions entre les officiers sur la suite de la guerre navale… Fête donnée au Maréchal par M. d’Orvilliers, sur la Bretagne… Admiration des vaisseaux modernes ; projets de nouvelles fortifications à Brest, notamment lors de la visite des travaux entrepris à Quelerne…
Il termine par un hommage lyrique à sa femme : « aimable et doucre créature, le ciel t’a formée selon le vœu de mon cœur »…

• Archives du Comte de GUIBERT (vente 14 octobre 1993, n° 60) ;
puis
• collection Philippe de FLERS.
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