Lot n° 133

FRÉDÉRIC II (1712-1786). L.A.S. « Federic », Potsdam 22 février 1747, à VOLTAIRE ; 2 pages et demie in-4 (quelques légères fentes bien réparées).

Estimation : 10 000 - 12 000 €
Adjudication : 19 500 €
Description
► Magnifique lettre du Roi de Prusse à Voltaire, avec ses réflexions sur l’histoire et l’Europe.

Voltaire n’a donc pas fait sa Sémiramis pour Paris : « On ne se donne pas non plus la peine de travailler avec soin une Tragedie pour la laisser vieillir dans un portefeuille ; je vous devine avouez donc que cette piece a été composée pour notre Teatre de Berlin ? […] c’est une galanterie que vous me faites […] j’atans la piece pour l’aplaudir, car on peut aplaudir d’avanse quand il s’agit de Vos Ouvrages […]
Voila donc votre gout decidé pour l’histoire ? […] L’ouvrage qui m’ocupe [L’Histoire de mon temps] n’est point dans le genre des memoires ny des comantaires, mon personel n’y entre pour rien, c’est une fatuité en tout homme de se croire un etre assez remarcable une créature assez rare pour que tout l’Univers soit informé du detail de ce qui conserne son individue. J’ai peint en grand le boulversement de l’Europe, je me suis apliqué à crayoner les ridicules et les contradictions qu’on peut remarquer dans la conduite de ceux qui la gouvernent, j’ai rendu le precis des negotiations les plus importantes, des faits de guerre les plus remarcables, et j’ai asaisonné ces résits de reflextions sur les causes des evenemens et sur les diferens efets qu’une meme chose produit quand elle arive en d’autres tems ou chez diferentes nations ».
Il est d’accord avec Voltaire sur les détails des guerres qui sont souvent « la longue enumeration de cent minusies et de cent inutilités », mais il pense que « de grans faits de gueres ecrits avec consision et verité où on s’aplique principalement à developer les raisons qu’un Chef d’armée a eu en les fesant, et ce qui a été l’ame de ses operations […] doivent servir d’instructions à tout ceux qui font profesion des Armes. […] tout les arts ont des exemples et des preceptes pourquoi la Guerre qui defend la Patrie et sauve les peuples d’une ruine assurée n’en auroit-elle pas ? » Mais son ouvrage n’est pas fait pour le public.
Il a failli mourir d’une apoplexie : « mon temperament et mon age m’ont rapelléz à la vie, si j’étois desendu labas, j’aurois guetté Lucrece et Virgille jusqu’au moment que je vous aurois vû ariver car vous ne pouréz avoir d’autre plasse dans l’Elisée qu’entre ces deux Messieurs la, j’aime cependant mieux vous apointer dans ce monde ci, ma curiosité sur l’Infiny et sur les principes des choses n’est pas assez grande pour me faire hater le Grand Voyage ».
Il espère sans trop y croire la venue de Voltaire dont il cite trois vers…

« Le Duc de RICHELIEU a vu des Daufines, des fetes, des ceremonies et des fats, c’est le lot d’un ambassadeur, pour moy j’ai vû le petit Polmy [PAULMY], aussi doux qu’aimable et spirituel ; nos beaux esprits l’ont devalisé en passant, et il a été obligé de nous laisser une commedie charmante qui a eu de grands succèz à la representation ».
Il informe Voltaire que la Duchesse de WURTEMBERG a fait copier dans la nuit La Pucelle que Voltaire lui avait prêtée : « voila les gens à qui vous vous confiez, et les seuls qui meritent votre confience ou plustot à qui vous deveriez vous abandoner tout entier sont ceux avec lesquels vous etes en defience. Adieu puisse la Nature vous donner assez de force pour venir dans ce Païs ici et vous conserver encore de longues années pour l’ornement des Letres et pour l’honneur de l’esprit humain. »
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