Lot n° 601

GROUX HENRY DE (1866 - 1930) - Environ 25 lettres autographes, minutes ou brouillons de lettres, dont 12 avec signature ; environ 50 pages la plupart in-8 et une carte de visite à son nom in-16 (plusieurs incomplètes).

Estimation : 2 000 - 3 000 €
Adjudication : Invendu
Description
► Important ensemble sur son œuvre, ses tableaux et sculptures, la Belgique, et son grand tableau du Christ aux outrages.

—À un journaliste (Jean LORRAIN ?), [vers 1904-1905 ?].
Il s’était toujours gardé d’user du droit de contrôle qu’il lui avait donné sur ce qu’il publiait à son sujet, mais: « Votre article est une déception profonde et la sollicitude dont vous m’accablez pourrait bien se nommer encore le “piédestal... de l’ours” !!
Aussi vous le laisserais-je pour compte [...] et je ne puis voir en vous qu’un assez peu galant trouble-fête ». Il n’admet pas son attitude envers la BELGIQUE :
« comment pourrais-je la “haïr” terriblement ? Et comment pourrais-je admettre de la voir maltraiter sous
mes yeux ? Et approuver vos malgracieux procédés envers elle ? Vous venez de réussir à faire de moi le belgophile le plus inattendu, le plus insolite et le plus consciencieux ». Il juge intolérable le ton employé pour parler de ce pays « qui compte des artistes comme Meunier, Lambeaux, Frederic, des écrivains
comme Lemonnier, Eekhoud, Verhaeren, Giraud, etc... Des hommes de la haute valeur d’Edmond Picard et d’autres ». De plus il écrit que j’attends toujours qu’on m’achète mon Christ aux Outrages.
Pardon, Monsieur, c’est une chose que j’ai cessé d’attendre depuis quinze ans qu’on en parle et qu’il
est achevé »...

—Au sculpteur Constantin MEUNIER, ancien élève de son père (Charles de Groux), disant « une bonne fois encore la vive et profonde affection qui a toujours été en moi pour vous, l’ami de mon père bien aimé et l’admiration pour le grand artiste que vous êtes. [...] Après mon père que je n’ai malheureusement pas
connu et que vous paraissez avoir tant aimé, vous étiez l’homme pour lequel je me sentais la plus vive et la plus fidèle tendresse ». Il veut dissiper un malentendu, et dire l’immense chagrin qu’il éprouverait s’il l’avait offensé, même à son insu. Il regrette les quelques faits passés qui auraient pu motiver ce entiment,
dont principalement « ma lettre écrite autrefois à Jean LORRAIN sur la Belgique et qui n’était nullement destinée à la publicité », où il exprimait son douloureux désenchantement à propos de son pays natal...

—À Rodolphe DARZENS. Il lui envoie des documents et la reproduction d’un tableau de sa période nouvelle, le Festin de Balthazar, qui lui paraît capable de détrôner son si célèbre Christ aux outrages, dont on a trop parlé.
Il reproche aux critiques de n’avoir pas vu l’évolution de son style depuis ce tableau de ses débuts, malgré ses énormes progrès :
« Bien que je sois loin de dédaigner cette œuvre de ma jeunesse dont le succès même s’est d’ailleurs longtemps retourné contre moi, [...] elle n’en contient pas moins, parmi beaucoup de défauts, la formule déjà très nette [...] d’un art que je devais m’efforcer de pousser beaucoup plus avant », qu’il verra
désormais s’enrichir et se perfectionner dans sa production future, comme l’attestent ses travaux de Marseille qu’il espère exposer à Paris. Il est heureux que ce soit l’ami Darzens qui veuille réparer cette erreur dont il a été victime toute sa vie, par l’ignorance et la mauvaise foi d’un grand nombre, et révéler
aux yeux de tous « la réelle signification de mon activité d’art, au milieu de la sotte mascarade, de l’absurde pagaïe où s’attardent aujourd’hui nos curiosités ? Que de ridicules chapelles ! Que de fourmilières, de taupinières »... Il pense n’avoir jamais aussi bien maîtrisé son art, que ce soit comme peintre, sculpteur ou graveur...
Il remercie le Révérend Père LÉON, tertiaire aux Frères mineurs, d’avoir parlé en chaire de son tableau le
Christ aux Outrages et de l’avoir qualifié de « grand artiste ». Il se rappelle ses paroles « contre les ignobles manufacturiers de la rue Saint-Sulpice et la décadence de l’art religieux ». Il lui raconte
« l’attentat » qu’il vient de subir concernant ses fresques dans une chapelle, etc.

— À Louis DUMONT-WILDEN, au sujet de l’œuvre de son père le peintre Charles de GROUX, qu’il juge déconsidérée par l’administration des Beaux-Arts de Bruxelles, traitement qui lui est « positivement odieux ». Il n’a pas
demandé, en ce qui concerne Berlin, la première place pour lui, « Mais j’ai parlé et je parle encore pour mon père, à qui elle revient, comme chef reconnu de l’École Moderne en Belgique [...]. Or l’œuvre de mon
père n’a jamais été plus vivante, plus jeune qu’aujourd’hui, et c’est une honte qu’aux yeux de l’étranger », il ne soit pas le premier, le favori...

— À Edmond PICARD :
« Si la Belgique est réellement la grande patrie que vous ne cessez d’encenser avec un dédain magnifique des injustices qu’elle eut envers vous-même, quelquefois, comment se fait-il qu’un artiste qui depuis vingt ans est honoré par l’étranger, se retrouve en but aux mêmes avanies, aux mêmes luttes contre la plus inexorable misère dès qu’il a remis le pied dans son pays, avec toutes les œuvres qui ont réussi à déchaîner l’enthousiasme en d’autres pays ? »... Etc.
[Vers 1915]
, à un ministre. Après ses témoignages d’estime sur ses travaux de guerre, il désire les poursuivre en se rendant sur le terrain, et demande « une autorisation régulière de visiter le front ou toute autre région
de guerre féconde pour moi », sa curiosité d’artiste ayant jusqu’ici dû se contenter de ce que lui rapportent des confrères plus chanceux...

— À M. WEIL. Il a signé chez lui un reçu de 150 francs « pour un de mes plus beaux dessins, avec un droit de reproduction concédé infiniment », en faveur du Secours National aux blessés de la Guerre auquel il tient à montrer sa solidarité; ce prix n’est pas du tout le tarif habituel d’une telle œuvre ... —
Au sujet des suites « d’un accident survenu au cours de mes plus récents de sculptures [qui] nécessitent une opération chirurgicale »; il a un statut de réfugié belge pendant la Guerre: « Bien que français d’origine, par mon père, j’ai opté jadis pour la nationalité belge »...

— À Eugène MONTFORT au sujet de la suppression du Canal des Douanes à Marseille: « Je suis autant que vous hostile à tout ce qui tendrait à modifier la physionomie si caractéristique de Marseille et spécialement du Lacydon »...

— À GINIÈS, réclamant avec impatience le règlement d’un pastel...

– [1927], au directeur de la revue Théâtre, au sujet de ses travaux pour le nouvel Opéra de Marseille, expliquant le choix du banquet de Trimalcion comme sujet de ses deux compositions...

— Au directeur du Monde illustré : « Invité à collaborer à ce chef d’œuvre de sottise et de médiocrité bourgeoise dont le Monde illustré semble détenir la stricte formule sous votre diligente direction, j’ai
fait de mon mieux sans réussir, c’était fatal, à vous satisfaire ». En outre, son « charmant » collègue M. de Mandion s’est avéré « l’être le plus emmerdant que la terre ait jamais connu ». Il est désormais convaincu de leur parfaite incompatibilité...

— À son « cher Irénée », au sujet de l’affaire du Christ aux Outrages, affaire « bien morte et qui est,
certes, une des plus copieuses dégoûtations de ma carrière tant féconde en l’espèce ».
Il n’attend plus rien de la Belgique et des Belges, heureux en Provence où il habite à présent avec sa famille, dans trois châteaux féodaux: « Saint-Pierre des Camoins, qui est un atelier et peut-être bientôt un domaine définitif. Le Château des Plaines, [...] et le Pavillon de l’Infant à Aix-en-Provence où je
suis occupé, pour un cercle d’artistes et de littérature à la statue de VILLIERS DE L’ISLE-ADAM. Me sont encore commandés le buste de Frédéric Mistral, commencé, et un monument au Félibre AUBANEL ». Il voyage dans toute la Provence...

— Castelnaudary. Il est à Castelnaudary pour fondre des statues, « un travail véritablement cyclopéen dans la touffeur constante des métaux en fusion ajoutée à celle de juillet », à la fonderie: il pense obtenir une assez belle statue et une jolie statuette...
Sur son projet d’autobiographie. S’il n’avait pas la perspective de ce livre, « ma vie n’offrirait plus aucun intérêt bien véritable et pourrait apparaître comme la chose la plus vaine du monde. Je serais un homme fini [...]
À moins d’un grand changement avantageux dans les conditions de ma vie artistique et mes possibilités de production, je ne pourrais continuer mon œuvre que dans des conditions d’infériorité ». Il met donc tous ses espoirs dans ce livre: « j’ai été un des artistes par lesquels ceux de ma génération avaient
fondé les plus grandes espérances à ce point que le souvenir de mes seuls débuts sont restés dans toutes les mémoires. Aujourd’hui encore, après vingt-cinq ans, le Christ aux Outrages, la Flandre mystique, le Meurtre et les Champs de batailles sont présents à bien des esprits ». De plus il a connu beaucoup de monde, et les conditions dans lesquelles il a effectué sa carrière intéressent l’histoire des mœurs et de l’art: cela pourrait intéresser un éditeur... Etc
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