Lot n° 115

ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944) - Appel aux Français : manuscrit autographe, abondamment raturé et corrigé. [Novembre 1942]. 28 p. sur 31 f. in-4 (27,5 x 21,5 cm) de papier pelure américain « Esleeck Fidelity Onion Skin », encre bistre,...

Estimation : 40 000 / 50 000 €
Adjudication : Invendu
Description
foliotations autographes partielles.
► EXCEPTIONNEL ET LONG BROUILLON D’UN APPEL AUX FRANÇAIS PAR SAINT EXUPÉRY.

Ce texte inédit s’inscrit dans la continuité de la « Lettre aux Français » radiodiffusée le 29 novembre 1942 (Œuvres complètes, II, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 69-73). Cependant, cet écrit puissant était vraisemblablement destiné à être publié puisque ses premiers mots sont : « Français lisez ces quelques pages. Je ne dis pas “lisez-moi” ».
Traversé d’un souffle épique, c’est une magnifique exhortation à l’engagement de tous pour le salut de chacun, à l’engagement des Français pour le salut de leur patrie, en honneur de leur histoire (« Celle que nous avons vécue ensemble. Celle qui est valable pour tous »).

« Cette guerre, Français, nous avons eu l’honneur de l’engager contre la raison des logiciens. Nous pensions qu’il était grand temps de nous dresser contre le nazisme. Nous étions sentinelle avancée. Nous avons regardé autour de nous et nous n’avons rien vu sur qui nous appuyer. [...] Les problèmes qui pèsent sur notre génération sont inextricablement contradictoires. Époque sans frontière claire. Or la frontière passe à travers la nation. Quelquefois à travers la famille. Toujours à travers l’homme. [...] Il faut dire des choses simples. Car [?] ce sont elles qui nous manquent. Il nous faut presque dire des choses pour enfants. Car nous sommes, ainsi que des enfants, sans clef pour lire le monde. [...] Tout pouvait craquer si craquait notre frontière. [...] Nous portions sur nos épaules un poids plus lourd que 1914. [...] Certes nous étions contre l’armistice. C’était un rite de soldats, nous n’étions pas responsables de cette France au ventre ouvert et qui répandait ses entrailles sur les routes embouteillées. [...] L’armistice une fois sollicité nous avons émigré en Afrique du Nord. J’ai volé un avion Farman quadrimoteur sur le terrain de Bordeaux. J’ai embarqué à bord de jeunes pilotes recrutés par deux de mes camarades et amis, unis au hasard de nos promenades nocturnes. Nous avons débarqué notre cargaison à Alger. Nous pensions poursuivre la guerre, mais l’armistice a été conclu. L’armistice valait pour l’Afrique du Nord. Nous avons pensé - nous avons tous pensé, j’en prends à témoins mes camarades - qu’il s’agissait là d’une simple trêve et que nous rentrerions un jour en France. [...] Je ne fais pas crédit de ce miracle à tel ou tel. J’en fait crédit à l’obscure conscience française répandue à travers les bureaux, les offices, les postes de commande principaux ou secondaires, et qui s’exprimant par les voies offertes, crises ou résistances ou menaces [...] a réussi avec une sorte de peine organique à sauver quelques chose de la France et à refuser quelque chose à l’envahisseur. [...] Vous survivrez, vous survivrez dans la paix. [...] Parce que le monde a besoin de vous. Sachez-le. [...] ».

▬ PROVENANCE :
• « Feux & Flammes. Bibliothèque Dominique de Villepin. I. Les Voleurs de feu », vente à Paris, le 28 novembre 2013, lot 154.

Quelques légères pliures ; trous d’épingle angulaires.
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