Lot n° 86

ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY (1900-1944) - Terre des hommes : brouillon autographe, abondamment raturé et corrigé. [Vers 1939]. 18 p. sur 19 f. in-4 (dimensions diverses) de divers papiers, encre noire et bleu foncé, crayon noir, foliotation...

Estimation : 50 000 / 80 000 €
Adjudication : 58 500 €
Description
autographe partielle (I-XV).
► TRÈS IMPORTANT BROUILLON D’UNE VERSION INÉDITE D’UN PASSAGE DE TERRE DES HOMMES.

Ce manuscrit constitue la première ébauche d’un texte qui, retravaillé, a figuré dans l’édition américaine de Terre des hommes mais pas dans l’édition française, et que Saint Exupéry publia à part dans l’hebdomadaire illustré Marianne le 16 août 1939. Inséré dans le recueil posthume Un sens à la vie (1956), il fut ensuite édité en appendice à Terre des hommes sous le titre « Le Pilote et les puissances naturelles » (Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, 2009, p. 287-296).

Dans ce texte, dont la version présentée ici est très différente de celle qui fut publiée, Saint Exupéry livre un récit palpitant du vol durant lequel il fut pris dans un cyclone au-dessus de la Cordillère des Andes alors que, à la fin des années 1920, il naviguait en direction de Comodoro Rivadavia, en Patagonie, pour défricher le dernier tronçon de la ligne reliant cette ville à Punta Arenas.

« Conrad, s’il raconte un typhon, décrit à peine les vagues monumentales, les ténèbres et l’ouragan [et l’effroi / l’épouvante des hommes biffé]. […] Conrad ne nous montre du typhon que le drame social.

Nous avons tous connu cette impuissance à transmettre nos témoignages quand, après la tempête, une fois réunis comme au bercail dans le petit restaurant de Toulouse sous la protection de la servante, nous renoncions à raconter l’enfer. Notre récit, nos gestes, notre claire [?] eussent fait sourire les camarades comme des naïvetés [exagérations biffé] d’enfant. Ce n’est point par hasard. Le cyclone dont je vais parler est bien l’expérience la plus saisissante, dans sa brutalité, qu’il m’ait été donné de subir. Et cependant, passé une certaine mesure, je ne sais plus traduire la violence des remous sinon en multipliant les superlatifs qui ne charrient [transmette biffé] plus rien, sinon un goût gênant d’exagérations.

J’ai compris lentement la raison de cette impuissance : on veut décrire un drame qui n’a pas existé. Si l’on échoue dans l’évocation de l’horreur, c’est que l’horreur, on la subit en l’inventant après coup, [en] trichant sur les souvenirs. Mais l’horreur ne se montre pas dans le réel. […] »

Quelques taches ; quelques pliures et déchirures marginales ; manque marginal au premier feuillet
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