Lot n° 343

George SAND. L.A.S., [Nohant] 27 septembre 1856, [à Madame PROST] ; 6 pages in-8 à l’encre bleue.

Estimation : 1 000 / 1 200 €
Adjudication : 1 188 €
Description
► TRÈS BELLE LETTRE SUR SON EMPLOI DU TEMPS ET SES OCCUPATIONS À NOHANT.

George Sand a offert un « meuble de tapisserie » à la mère de son banquier ; elle en raconte l’histoire...

« Je passe ma vie à la campagne de la façon la plus régulière et la plus tranquille. Je ne dîne pas dehors deux fois par an. Je travaille à mon état de romancier de 1 h. à 5 – dans le jour, et de minuit à 4. Le reste est pour la famille, et pour un peu de sommeil. Mais en famille, nous sommes tous occupés de nos pattes, soit qu’on lise ou qu’on cause, rie ou babille, de 9 h. à minuit, chacun dessine, brode ou coud.
J’ai les yeux trop fatigués pour faire des petits ouvrages comme autrefois. Je fais donc de grandes fleurs et de grands feuillages sur du très gros canevas. Mes enfans, c’est à dire mon fils et un ou deux de ses amis qui sont presque toujours avec nous, m’ont dessiné et colorié largement sur du papier, de jolies compositions de feuilles et de fleurs d’après nature, que je copie avec mon aiguille, en les interprétant un peu à ma guise. Donc, depuis trois ans, [...] j’ai bien fait de la tapisserie pendant au moins deux mille heures [...] Mais la littérature, et je crois, tout ce qui est dépense du cerveau, ne permet guères l’absorption de toutes les heures de la journée, et d’ailleurs je ne saurais vivre sans voir une bonne partie du jour ou du soir ceux que j’aime.
Ce serait peut-être un tort ou un mal de faire autrement. Donc, je n’ai pas à me reprocher d’avoir fait tant de points dans du canevas. Dans le principe, ce meuble était destiné à notre salon de campagne : mais il eut été sali en quinze jours par les crayons, les cigarettes, les aquarelles, les enfans, les toutous, mangé surtout par le soleil. J’ai songé à le vendre, me disant que si j’en trouvais quelques milliers de francs (de la part d’un amateur d’autographes, car certes il ne vaut pas cela), je me reposerais de ma littérature pendant quelques mois, ce qui me ferait grand plaisir et grand bien [...]
Mais il est arrivé que Monsieur votre fils a bien voulu s’occuper de me procurer par ce qu’on appelle les affaires, (chose que je n’entends pas et à quoi je répugnerais de recourir s’il me fallait accepter l’aide de gens que je n’estime pas), un petit bénéfice représentant pour moi un peu de loisir et de promenade dont j’ai tant besoin. [...]
Vous me dites que vous attacherez du prix à ce qui est de moi ; j’ai donc du plaisir à vous l’offrir, et à vous dire que c’est tellement de moi, qu’il n’y a pas un seul point qui ne soit de moi »... Elle ira à Paris, mais :
« Je ne sais pas quand je pourrai quitter ma chaîne, c’est toujours l’histoire des petites économies que je ne peux pas faire [...]
Je me plais d’ailleurs beaucoup à la campagne ; mais quand mon fils passe l’hiver à Paris, je trouve le tems plus long ici »...

Correspondance (éd. Georges Lubin), t. XXV, p. 937.
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