Lot n° 232

François-René de CHATEAUBRIAND. L.A.S., Rome 8 novembre 1828 ; 5 pages in-4.

Estimation : 1 800 / 2 000 €
Adjudication : 4 250 €
Description
TRÈS BELLE LETTRE INÉDITE DE SON AMBASSADE À ROME, PLEINE DE MÉLANCOLIE.

La lettre de son correspondant lui est parvenue « dans ma solitude de Rome ; elle a suspendu en moi le mal du pays que j’ai fort. Ce mal n’est autre chose que mes années qui m’ôtent les yeux, pour voir comme je voyois autrefois : mon débris n’est pas assez grand pour se consoler avec celui de Rome […]
Quand je me promène seul à présent au milieu de tous les décombres des siècles, ils ne me servent plus que d’échelle pour mesurer le temps : je remonte dans le passé ; je vois ce que j’ai perdu, et le bout de ce court avenir que j’ai devant moi. Je compte toutes les joies qui pourroient me rester ; je n’en trouve aucune ; je m’efforce d’admirer ce que j’admirois, et je n’admire plus. Je rentre chez moi pour subir mes souvenirs, accablé du Siroco ou percé par la Tramontane. Voilà toute ma vie, à un tombeau près que je n’ai pas encore eu le courage de visiter. On s’occupe beaucoup ici des monuments croulants ; on les appuie ; on les dégage de leurs plantes et de leurs fleurs ; les femmes que j’avois laissées jeunes à Rome, sont devenues vieilles, et les ruines se sont rajeunies : que voulez-vous qu’on fasse ici ? »… Il n’aspire qu’à rentrer dans sa rue d’Enfer ; il a rempli envers son pays et ses amis tous ses engagements.
« Quand vous serez dans le Conseil d’État avec M. Bertin de Vaux, je n’aurai plus rien à demander pour vos talents […]. Ma retraite a contribué un peu, j’espère, à la cessation d’une opposition redoutable ; les libertés publiques sont acquises à jamais à la France : mon sacrifice doit maintenant finir avec mon rôle. Je ne demande rien que de retourner à mon infirmerie. Je n’ai qu’à me louer de ce pays :
j’y ai été reçu à merveilles ; j’ai trouvé un gouvernement plein de tolérance et fort instruit des affaires hors de l’Italie. Mais enfin rien ne me plaît plus, que l’idée de disparoître entièrement de la scène du monde. Il est bon de se faire précéder dans la tombe du silence que l’on y trouvera »…
Il termine en faisant des offres de service pour aider son correspondant dans ses travaux de recherche : « une fouille au Vatican pourroit vous fournir des trésors »… Il déplore la grave maladie d’Augustin THIERRY :
« Si jeune, si plein de l’amour de son travail, et s’en aller ! et comme il arrive toujours au vrai mérite, son esprit s’amélioroit et la raison prenoit chez lui la place du systême : j’espère encore un miracle »… Il espère que justice sera rendue à son correspondant, et se dit « très flatté d’être pour quelque chose dans le discours de M. de BARANTE »…
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