Lot n° 220

Abbé Henri BREMOND (1865-1933). 7 L.A.S., 1922-1924, à Daniel HALÉVY ; 14 pages in‑8 et 2 pages in‑12, 2 adresses.

Estimation : 300 / 400 €
Adjudication : 688 €
Description
INTÉRESSANTE CORRESPONDANCE, principalement sur le projet d’un Cahier vert sur le Mysticisme.

─ 5 juillet [1922].
Il se souvient avec émotion de leurs discussions avec PÉGUY : « J’ai mal expliqué à cet hypermoderniste ma pensée qui est plus vieille que Platon : je voudrais, au moyen de mes gros volumes, jeter un pont entre la poésie et le mysticisme. Ce que VALÉRY – dans sa préface à FABRE – appelle : poésie pure, est encor impur – mais doit rejoindre, dans les profondeurs, l’expérience des mystiques : […] on parvient, très mystérieusement, à prendre un certain contact avec le réel – le seul contact qui soit possible et qui, au fond, n’est que l’intuition bergsonnienne – connaissance vraie, mais qui n’est pas conceptuelle et qui reste par conséquent intraduisible. Quelque chose de très vague, et pourtant d’infiniment riche : le sentiment d’une présence, disent les mystiques. Les poètes – à la minute de l’inspiration – pourraient en dire autant. […] Toutes les prouesses verbales, allitérations, rimes, etc. que Valéry connaît si bien, auraient aussi le même effet quasi magique sur le lecteur, le mettraient lui aussi sur le voie de ce mystérieux contact »… Il pense que BERGSON pourrait éclairer cela : « Je ne suis pas philosophe et je suis bavard. D’où la difficulté de réduire ces vues aux proportions des Cahiers »…

─ 25 décembre.
Rien ne pourrait lui faire plus plaisir « que d’être présenté, critiqué, européanisé par vous »… Il le félicite pour son bel article stimulant, « qui remue un monde d’idées – le BARRÈS parfait notamment il en sera très heureux »… Il est d’accord avec sa critique, « mais songez que sans mystique, pas d’action – et, qui plus est, sans mystique, pas de rapprochement possible entre les diverses communions ou a-communions. Je compte bien ne pas sacrifier la “religion commune” du XVIIe siècle »… Il ne faut pas « laisser dire que le dernier GIRAUDOUX ne vaut rien. Pour moi je crois que je l’aimerai toujours, même raisonnable – il l’est un peu trop dans Siegfried »…

─ 18 mars [1923]. Il revient d’un cycle de conférences à Strasbourg, et propose « pour les Cahiers verts deux de ces conférences : on pourrait appeler cela : L’initiation mystique de François de Sales à Pascal »…

─ [1924]
« Plus j’avance dans mon travail, plus je vois que, mon objet étant d’expliquer une expérience obscure (l’expérience poétique) par une expérience un peu plus connue […] (expérience mystique), il est mieux d’étudier d’abord cette expérience mystique ». Il se demande si, au lieu d’un Cahier vert Mysticisme et Poésie, il ne vaudrait pas mieux un cahier sur la mystique, suivi d’un second où l’on procèderait à la comparaison : « Un petit traité d’initiative mystique entrerait-il dans votre cadre vert ? »…

─ 27 janvier [1924].
Sur François MAURIAC : « Votre protégé – le jeune MAURIAC – semble se décider enfin à abjurer le catholicisme – je veux dire qu’il s’évade – littérairement – de son groupe. Je lui permets – derrière le mur – toutes les processions, exorcismes, etc. qu’il voudra. Mais ce lamentable placage, non. La vraie religion ne peut pas être le grand ressort des drames où il se complait. […] Je ne suis pas sûr que Génitrix soit bien supérieur au Lépreux – j’ai cependant l’impression d’un progrès – je n’ai pas lu son fleuve enflammé – évidemment, il n’est pas encore arrivé à la catharsis […]. En tous cas un talent incontestable, et, parmi les jeunes, un de ceux qui m’intéressent le plus »…
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