Description
en-tête du général.
Correspondance : Signed autograph letter from Paul Valéry, 2 signed autograph letters and 1 signed letter from de Lattre de Tassigny, 1939-1945 ;
2 pages in-4 ;
5 pages in-8 ;
1 page in-4 on letterhead (DE LATTRE DE TASSIGNY).
♦ Très bel échange entre le poète et humaniste, et le militaire, qu'il avait rencontré en 1939 chez Jean Voilier. Capvern 9 aout 1939.
Le général est en cure et prend «quelque repos» dans les Hautes-Pyrénées :
«Je suis infiniment sensible à votre si bienveillante pensée. [...]
J'ai conservé moi aussi un très fidèle et excellent souvenir de notre rencontre chez cette si charmante amie Jeanne. Et vous retrouver me serait également une véritable joie»...
─16 janvier 1940. Le Général, qui commande la 14e Division, a pris un peu de répit «pour lire attentivement les pages que vous avez consacrées à la Pensée et l'Art francais. En suivant, de point en point, l'enchaînement de vos idées et le détail de votre analyse, j'ai eu le sentiment de saisir mieux, moi-même, tout ce que notre France, sa pensée, son art, dans leurs manifestations les plus profondément originales, ont apporté, pour reprendre votre propre expression, à "la constitution du capital de l'esprit humain".
Je vous sais gré de me l'avoir fait sentir. C'est précisément pour défendre la valeur et les formes de cet apport que nous faisons cette guerre.
Et c'est en raison de l'importance d'un tel enjeu que nous mettons toute la force de notre conviction à vouloir la mener jusqu'au bout»...
Il se réjouit d'avoir près de lui le gendre Valéry, Paul ROUART, qui déploie «un entrain et sa générosité avec une foi et un zèle que j'apprécie hautement»...
─Dinard 2 août 1940, (la lettre a été retournée à Paul Valéry, le libellé de l'enveloppe au «Commandant du Département du Puy de Dôme» étant inadmissible, selon un tampon).
Réfugié à Dinard, Paul Valéry félicite le Général de sa promotion dans l'Ordre et ses voeux vont de tout coeur «au chef admirable dont le malheur de toute notre armée n'a fait qu'exalter les dons et la valeur.
Je tiens aussi à vous exprimer toute notre reconnaissance pour l'intérêt que vous avez témoigné à mon gendre Paul Rouart, depuis le début jusqu'à l'amère conclusion de cette lamentable guerre. C'est un honneur pour nous que Paul ait servi sous vos ordres, dans une division qui a été ce qu'il eût fallu que bien d'autres fussent.
Je vous remercie également de l'accueil que vous avez bien voulu faire à mon jeune François [son fils].
Que vont devenir ces enfants ?...
Par une conséquence assez paradoxale des événements, ils sont libres et c'est le reste de la famille qui est prisonnier.
C'est un état étrange, gênant, humiliant ; mais assez instructif.Je suis frappé ici de bien des choses, sur lesquelles je ne puis m'étendre. Je vois le nombre, la condition physique toute sportive de ces hommes, pour la plupart, excellents nageurs, qui montrent, au soleil, sur la plage, des corps fort bien nourris et entraînés ; on s'étonne de les voir là, mêlés aux enfants qui jouent, et jouant eux-mêmes ou chantant, parmi bien des dames à peine vêtues qui se font brunir, au lieu de rougir d'être là.Je vois aussi leur matériel considérable, en mouvement permanent ; leur discipline très stricte, et pourtant qui semble très différente de celle du type prussien de l'ancienne armée.
On constate enfin, une correction réelle (en dépit de certaines mesures de restriction ou d'éviction rapide) à l'égard de la population. Tout ceci donne à réfléchir, et le regard réfléchi revient sur nous et sur notre lendemain.
Je voudrais m'assurer que ce lendemain dépend de nous, et de nous seuls ; bien seuls, et tout seuls : ne plus compter ni sur les autres, ni sur les miracles, ni sur l'à peu près - conditions essentielles. Et puis, vouloir. C'est le point le plus inquiétant de cet état critique. Je ne désespère que quand je doute si nous voudrons. Mais la première manifestation de la volonté est, et doit être, la volonté de savoir. Comme tout ce qui est réel, notre ruine a une infinité inextricable de causes, parmi lesquelles on peut cependant distinguer l'ignorance désastreuse, chez la plupart des Français, de la véritable puissance relative de la France. On n'enseignait jamais dans nos écoles notre rang statistique en tous genres parmi les nations ; on n'éclairait pas nos insuffisances, ni ce que nous pouvions faire pour subsister, et puis, pour tenir la belle place que nous pouvions tenir, entre les nations dominantes et exubérantes du globe.[...]
Si j'étais en Gaule pure, j'aurais peut-être été voir mon illustre confrère et récipiendaire [le Maréchal PÉTAIN], pour lui exposer le plus brièvement et naïvement possible ce que songe et rumine, depuis près de 50 ans, une "personnalité sans mandat". Mais je me dis qu'il vaut mieux qu'il en soit ainsi.
J'aurais figuré là-bas un importun de plus. Et puis, je me demande si l'atmosphère de la station thermale [Vichy], avec toute la fermentation de décomposition que je devine, ne m'eût pas été plus décourageante que celle de cette plage captive, avec ses sacs de sable sur les balustrades des villas»... (lettre citée par MichelJarrety, Paul Valery, Fayard 2008, p. 1075).
─ 7 juin 1945. De son P.C., le Général d'armée écrit :
«Mon cher Maître et Ami, Votre lucidité sans défaut définit les raisons de notreVictoire, votre amitié m'en attribue tout le mérite. Mais la même volonté de vaincre, la même ténacité, la même ferveur, ont animé chacun de nous, et je revendique pour Première Armée Française toute entière les éloges que vous prodiguez à son Chef.
À notre tour aujourd'hui, en ce début d'une paix si chèrement acquise, de nous tourner vers vous. C'est pour votre œuvre aussi que nous avons combattu, pour que, dans un monde libre puissent à nouveau briller quelques grandes pensées et le pur éclat de la vôtre. Que bientôt votre voix s'élève, notre effort y trouvera une noble récompense»...