Lot n° 311

George SAND. L.A.S., Nohant, 17 août « 62 » [1863, à Amable-Louis Boué de Villiers] ; 6 pages in-8 à son chiffre, à l’encre bleue.{CR} Belle et longue lettre de conseils à un jeune romancier, sur son roman Mademoiselle La Quintinie et...

Estimation : 1 000 / 1 200
Adjudication : 1 100 €
Description
sur la religion.{CR} Elle a lu son roman [Vierge et prêtre] : « Vous avez tout ce qu’il faut, ou du moins une grande quantité de ce qu’il faut pour avoir du talent. Vous paraissez instruit et vous ne touchez à rien dans la nature et dans l’histoire, où vous ne soyez bien renseigné, soit par des études ad hoc, soit par un fond d’instruction réelle. Que vous soyez instruit et laborieux, c’est un grand avantage qui manque à la plupart des gens de lettres. – Vous en avez un autre non moins important, vous avez une philosophie, c’est-à-dire un ensemble d’idées dégagées avec clarté en vous-même, sinon avec méthode. Vous jugez donc la société, la religion, la famille, à un point de vue qui paraît quelquefois un peu confus, mais qui n’est ni vide ni impuissant. Vous avez dans l’esprit le pour et le contre très accusés, avec de grands principes d’équité au milieu. Tout cela est bon et doit servir de foyer à un grand développement de chaleur et de talent. C’est de la forme qu’il faut vous occuper, il ne faut pas pour cela plus de temps que vous n’en avez. Il suffit d’une bonne résolution d’être simple et vrai, d’abjurer la boursouflure, de ne pas surcharger la phrase de verbes, d’adverbes et d’adjectifs qui l’encombrent et lui donnent une couleur emphatique et prétentieuse. Vous avez le vocabulaire riche et vous en abusez. Ôtez la moitié de vos couleurs qui chatoient, il en restera assez. Voilà mon opinion sincère : vous pouvez ».{CR} Puis elle parle de Mademoiselle La Quintinie, à laquelle Boué de Villiers a consacré un article élogieux. « L’objection que vous me faites à propos de la confession et du célibat nous entraînerait bien loin et bien au-delà de la limite que je m’étais tracée dans Mlle Laquintinie. Vous avez fort bien compris que je rejette célibat et confession. Mais dans une discussion avec un prêtre, le philosophe doit se tenir sur le terrain délimité de la discussion pendante. Et il en est ainsi dans toute discussion générale entre les libres penseurs et les gardiens du dogme. Ce n’est que pied à pied que l’on pourra gagner du terrain. Nécessairement la société arrivera au but par des transactions. Le jour où, comme le fondateur du christianisme, elle abjurera toute forme de culte extérieur (voyez Renan) il n’y aura plus de concessions à se faire les uns aux autres. Jusque là elle passera par diverses formes d’un protestantisme nouveau. C’est le mouvement qui se fait aujourd’hui même dans les hautes régions de l’église réformée et ce mouvement qu’on affecte de dédaigner en disant, ce n’est plus du protestantisme, ce n’est plus rien, est pourtant très intéressant, très beau et très sérieux. C’est un grand et noble chemin ouvert tout droit sur l’avenir de la foi entièrement libre et volontaire. Puisque nous parlons de protestants, il y a chez eux un fait qui répondrait à votre objection. C’est que les anglicans confessent, sont mariés, et que la confession est aussi sacrée chez eux que chez les catholiques, mais je vous dis ceci incidemment et sans aucune tendance vers l’anglicanisme »...{CR} Correspondance, t. XVIII, p. 29.
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