Description
coupes, roulette intérieure, tranches dorées, fermoir avec sa clef conservée.
Journal inédit d’un séjour à Londres pour l’Exposition universelle de 1862. [Stéphanie Tascher de La Pagerie, née à Paris en 1814 et morte à Munich en 1905, était la fille d’un cousin germain de l’Impératrice Joséphine, Louis Tascher de La Pagerie (1787-1861), aide de camp du Prince Eugène, qu’il accompagna dans son exil en Bavière, sénateur en 1852 et grand maître des cérémonies de l’Impératrice Eugénie en 1853. Elle fut élevée dans la familiarité de la Reine Hortense, et passa sa jeunesse en Bavière. Après le rétablissement de l’Empire, elle vécut dans le cercle des habitués de la Cour des Tuileries.] C’est le journal d’un court séjour à Londres que fit la comtesse fin juin-début juillet 1862. Sur l’invitation de la duchesse de Hamilton, elle se rend dans la capitale anglaise en passant par Boulogne. Elle retient surtout de sa traversée de la Manche « la mer houleuse » et un mal de mer tenace : les autres femmes « n’avaient plus d’yeux que pour leur cuvette qu’elles remplissaient avec des bruits très peu poétiques ». La verte campagne autour du port de Folkestone l’enchante. Puis elle découvre avec naïveté l’Angleterre, « grand pays plein de sève, de force et fort de sa nationalité… On sent que tout a changé autour de vous, la nature, les usages, le type des hommes, leurs habitudes, c’est une autre nation, un autre peuple, même le ciel est différent ». Elle atteint Londres, « un amas de maisons à deux ou trois étages, toutes noires et enfumées, alignées l’une à l’autre dans des rues tirées au cordeau… Londres n’a travaillé qu’à s’étendre sans s’embellir ». Elle note « l’animation inouïe de certaines rues, et le silence d’autres ». Hamilton House, la demeure de son hôtesse, lui semble très agréable. Le lendemain de son arrivée, elle entreprend la visite de la ville qu’elle va continuer pendant quelques jours : James Street, Regent Street, qui est « le bazar des beaux magasins », le Palais de Westminster, le jardin zoologique, la cathédrale Saint-Paul et sa lanterne d’où « l’on découvre tout Londres qui ressemble à une mer de maisons et d’édifices en tout genre », la City, « la rue la plus riche du monde entier mais elle est toute noire, enfumée et tortueuse », Lombard Street, « rue classique des banques et des compagnies d’assurances »… Elle émaille son journal de petits renseignements historiques (« la Bourse a été inaugurée par la reine Victoria en 1844 »), ou de diverses réflexions d’ordre général, urbanistique ou architectural : « Londres est loin de renfermer toutes les ressources de joie et d’amusement qu’on trouve à Paris… la fine élégance des modes n’arrive pas à Londres, le mauvais goût national gâte tout », « les parcs ont gardé leur rusticité quasi champêtre… le bel édifice Saint-Paul reste écrasé et opprimé par un tas d’horribles maisons qui gâtent son aspect… Londres semble n’avoir demandé qu’à grandir, le comment lui est indifférent ». Elle se rend à l’Exposition universelle, dont « la construction lourde et peu élégante tient un peu de tous les genres depuis l’entrepôt jusqu’à la basilique du Moyen-Age ». Elle y retourne deux fois et y admire les collections de peintures, les envois des Indes Orientales ou les statues italiennes : « C’est un tour d’Europe que vous faites et chaque pays vous offre comme à l’envie ce qu’il produit et a de mieux… mais à force de voir tout s’embrouille ». Sensible à l’accueil qu’on lui réserve, elle fait souvent part de sa vie mondaine en présentant une véritable galerie de portraits dont lady Palmerston, la duchesse de Cambridge, la duchesse de Wellington, le duc de Sutherland, le comte de Flahaut, ambassadeur de France à Londres, chez qui elle rencontre le Prince Napoléon… et elle ajoute des commentaires parfois acides à travers lesquels percent la finesse d’observation ou la surprise : « Je les dévisage et je les juge sans qu’ils s’en doutent; c’est un vrai théâtre… je jure que j’ai vu une dame habillée en catafalque, toute sa toilette était noire avec des décorations blanches… les hommes sont plutôt grands que petits et barbus à l’excès, c’est une richesse de poils qui me frappe… ce qui m’a étonné pour une anglaise, c’est le blanc qu’elle met sur sa figure… ce jour-là, elle n’avait pas une robe faite d’après les règles de la couture, c’était un vêtement décoré de la main d’un tapissier ». Elle est lucide sur le caractère un peu décousu de son journal : « Mes impressions sont variées comme l’habit d’Arlequin, plus rien de réglé ou d’uniforme, c’est une chaîne d’épisodes qui se rangent l’un à côté de l’autre ». Le style est toujours alerte et l’intérêt est soutenu par de nombreux détails qui restituent toute une ambiance Second Empire : « Je suis une parente de l’Empire, ce dont je me glorifie ». La reliure, au chiffre de la comtesse, a été réalisée à Londres chez Asprey (166 New Bond Street), certainement à la demande du donateur du carnet qui signe, sur la première page de garde : « Le plus humble de ses admirateurs. A. L. » De nombreuses corrections, à la mine de plomb et d’une autre main, modifient les tournures des phrases de la comtesse, dans le projet d’une édition. Mais ce manuscrit est resté inédit. Il n’apparaît pas dans ses mémoires parus en trois volumes en 1893-1894 sous le titre Mon séjour aux Tuileries. Ex-libris du Baron Charles d’Huart et de Jean Marchadier d’Estray.