Lot n° 294

Charles de FOUCAULD (1858-1916) explorateur et missionnaire. 6 L.A.S., 1907-1909, [à Monseigneur Maxime Caron, Supérieur du petit Séminaire de Versailles] ; 25 pages la plupart in-8.

Estimation : 10000 / 12000
Adjudication : 15 000 €
Description
Très belle correspondance spirituelle et sur sa vie au Sahara, avec le Chanoine Caron, Supérieur du petit Séminaire de Versailles, auteur de l’ouvrage Jésus adolescent, qui a beaucoup influencé Charles de Foucauld. En route, entre Beni-Abbès & Insalah 5 janvier 1907. Il lui écrit « au soir d’une étape du fond d’un gourbi d’où je repartirai avant le lever du soleil. » Il le remercie de tout son cœur pour sa lettre et l’envoi d’images, dont « l’aquarelle de la basilique de Jésus adolescent », qu’il sera heureux de recevoir. « Que le cœur de Jésus arrange toutes choses pour que ce bon prêtre de Paris & votre petit Louis de Gonzague fassent l’un & l’autre la volonté du Céleste Bienaimé quellle qu’elle soit. Si c’est Sa volonté qu’ils partagent un jour ma vie, je l’en bénirai ; s’Il ne le veut pas, que Sa Volonté se fasse ! » Il repart pour le Sud, et on peut lui écrire à Beni-Abbès. « Quelles douleurs en France ! Je prie avec vous pour les âmes de notre pauvre pays ; je prie aussi pour vous, pour vos chers jeunes gens, pour votre basilique de Jésus adolescent. Daignez aussi prier pour moi, pour les Musulmans, les Africains, pour cette Algérie & ce Maroc »... Tamanrasset 9 juin 1908. Très belle et longue lettre. Il remercie le Père Caron pour ses lettres, l’envoi d’images et « combien m’est précieuse la médaille de Jésus adolescent bénie par vous à Nazareth ! » Il n’est pas étonné des difficultés qu’il a rencontrées en Terre Sainte, ni de l’opposition des Franciscains, malheureusement : « En Terre-Sainte plus qu’ailleurs tout est visiblement marqué de la souffrance ; on ne peut essayer d’y faire aucun bien sans y trouver les épines et le calice du divin Amant ou tout au moins son rude labeur de Nazareth avec ses heures d’amertume »... À sa demande, il lui parle de sa vie : « Si vous trouvez des âmes appelées de Jésus à travailler dans le même champ que moi, prédisez-leur “dura et aspera” comme dit St Benoît. Le coin de Sahara que je suis seul à défricher a 2.000 kilomètres du Nord au Sud & 1.000 de l’Est à l’Ouest, avec cent mille Musulmans dispersés dans cet espace, sans un chrétien, si ce n’est les militaires français de tous grades », une centaine au maximum, seuls les officiers étant français. « Je n’ai pas fait une conversion sérieuse depuis 7 ans que je suis là », sauf un petit enfant et une vieille femme : « Comme conversion sérieuse, c’est zéro […] plus je vais, plus je crois qu’il n’y a pas lieu de chercher à faire des conversions isolées [...] la masse étant de niveau trop bas, l’attachement à la foi musulmane étant trop fort, l’état intellectuel des indigènes leur rendant bien difficile présentement de reconnaître la fausseté de leur religion & la vérité de la nôtre. [...] On n’aurait, en cherchant des conversions isolées, que des conversions intéressées & seulement apparentes, ce qui est la pire des choses ». Il pense qu’avec les Musulmans « des demi-barbares », la voie n’est pas la même qu’avec les indigènes, les sauvages fétichistes, ni qu’avec les civilisés. Avec les Musulmans, il pense qu’il faudrait d’abord les « civiliser », les instruire, et que la conversion viendra ensuite : « car l’islamisme ne tient pas devant l’instruction ; [...] il tombe comme la nuit devant le jour. L’œuvre à faire ici, comme avce tous les Musulmans, est donc une œuvre d’élévation morale : les élever moralement & intellectuellement par tous les moyens : se rapprocher d’eux, [...] lier amitié avec eux, faire tomber par les relations journalières & amicales leurs préventions contre nous, par la conversation, l’exemple de notre vie modifier leurs idées », les instruire et faire leur éducation au moyen d’écoles et de collèges… « Ce résultat obtenu, leurs idées seront infiniment modifiées, leurs mœurs améliorées par là même, & le passage à l’Évangile se fera facilement. – Sans doute Dieu peut tout ; Il peut par sa grâce convertir les musulmans & qui Il veut en un instant ; mais jusqu’ici Il n’a pas voulu le faire »... Il ne faut pas se décourager devant la difficulté de l’œuvre, mais au contraire s’y atteler avec force : « Que faire, seul devant cette tâche ? par vocation, je dois avoir 1 vie cachée, solitaire, & non une vie de parole & de voyages. [...] Je tâche de concilier les deux choses : j’ai 2 ermitages à 1500 kilomètres l’1 de l’autre. Je passe 3 mois dans celui du Nord, 6 mois dans celui du Sud, 3 mois à aller et venir chaque année ». Il tâche de mener dans ses ermitages une vie de travail et de prière, cloitré. En route, il pense à la fuite en Égypte. Mais dans les deux cas, dans ses ermitages comme en route, « je tâche de prendre le contact autant que possible avec les indigènes, leur rendant de petits services, causant avec eux, les amusant même comme des enfants par des images ou des contes », tâchant de commencer un peu à les éduquer... Mais cela n’est rien à côté de ce qu’il faudrait faire : « il faudrait non 1 ouvrier, mais une centaine, avec des ouvrières, & non seulement des ermites, mais aussi & surtout des apôtres, allant & venant, prenant le contact & aussi instruisant. – Ce peuple touareg est très particulièrement intéressant, parce que, musulman de nom seulement, peu fervent, il est très près de nous par ses mœurs, sa vivacité d’intelligence, & sa facilité à s’ouvrir. Malheureusement il est loin de nous par son extrême ignorance, ses préventions et son peu de goût pour l’instruction ». Il envisage d’emmener avec lui un Touareg à son prochain voyage en France, quelque temps chez sa sœur « qui habite la campagne et a une nombreuse famille, pour lui faire voir notre vie de famille... Mais quel dévouement et quelle patience il faudra pour supporter pendant 15 jours un de ces pauvres Touaregs ; ils sont si malpropres, si indiscrets, &c ! » Il viendra aussi quelques jours à Paris lui amener ce « grand enfant de ce pays » et lui demander sa bénédiction... Il prie enfin de garder secrets les détails de sa vie au Sahara : « Nous sommes dans de tristes temps où il faut faire le bien en se cachant »... Beni-Abbès Vendredi Saint [10 avril] 09. Il est très inquiet de savoir si ses lettres lui sont parvenues, et s’étonne de ne pas recevoir de réponses. Il cherche les différentes causes de ce retard (grève des postes, lettres recommandées acheminées par convois militaires, etc.). Il va lui faire envoyer « l’Association des Fr. & S. du Sacré Cœur de Jésus, introduction - statuts - directoire »... Beni-Abbès 16 avril 1909. Intéressante lettre sur la fondation de son ordre. Il va partir pour « Insalah (oasis saharienne), par Biskra-Ouargla […] mon séjour ici touche à sa fin ». Il lui envoie « les statuts de la confrérie avec l’introduction ; ils seront suivis du Directoire, qui est prêt à imprimer [...] Cela fera en tout une petite brochure d’environ60 pages ». S’il accepte de s’occuper de cela et de prendre l’œuvre en main, il faudra en premier lieu imprimer la petite brochure Introduction – Statuts – Directoire, sous forme d’une brochure in-18 « très pauvre, très simple »... Il prie « Jésus adolescent de vous inspirer d’accepter de prendre en main ce grand travail de la fondation de cette association »... Il joint la copie de sa main de la lettre qu’il a reçue de Mgr Léon Livinhac, Supérieur général des Pères Blancs (Alger 19 mars 1909), au sujet de l’asssociation des Frères et Sœurs du Sacré Cœur de Jésus. Tamanrasset 30 juin 1909. Sur ses démarches pour la création de sa confrérie. « La certitude du refus des Évêques de Paris & de Versailles est un motif absolu pour vous & pour M. Fénion », mais il le remercie de lui en avoir parlé : « Recommandez-moi & recommandez nos pauvres Touaregs à ses prières & aux prières des petites Sœurs des pauvres ». Il aurait bien besoin de Fénion pour l’aider et pour « perpétuer la petite œuvre quand mon pèlerinage terrestre sera fini […] & pour prier avec moi au fond de l’ermitage. Seul je ne puis pas avoir la Ste réserve. Avec lui, je pourrais, non seulement l’avoir, mais exposer très souvent le St Sacrement : quelle grâce cette présence corporelle de Jésus serait pour le pays ! & quel soutien pour moi d’avoir à toute heure l’exemple et l’encouragement d’un aussi bon prêtre ». Il a envoyé le projet de confrérie au Préfet apostolique du Sahara, le priant de l’approuver et de l’envoyer ensuite à Rome, « pour y être soumis à la Congrégation qui a mission d’examiner ces sortes d’œuvres. Je ne ferai aucune démarche avant que le projet ne revienne de Rome avec les autorisations nécessaires [...] À ce moment seulement, s’il plaît à Dieu que Rome autorise, on fera imprimer & on travaillera à répandre la confrérie »... Il faut essayer de vaincre les tempêtes présentes : « Les 1ers chrétiens ne se découragèrent pas [...] Ni les Juifs ni les francs-maçons ne peuvent empêcher les disciples de Jésus de continuer l’œuvre des apôtres ». Il prêche le retour à l’Évangile : « Si nous ne vivons pas l’Évangile, Jésus ne vit pas en nous. Revenons à la pauvreté, à la simplicité chrétienne. – Après 19 ans passés hors de France, ce qui m’a le plus frappé en ces quelques jours passés en France, c’est le progrès effrayant qu’a fait, dans toutes les classes de la société, […] le goût & l’habitude des inutilités coûteuses ; avec une grande légèreté & des habitudes de distractions mondaines et frivoles bien déplacées en des temps aussi graves, en des temps de persécution, & nullement d’accord avec une vie chrétienne. – Le danger est en nous & non dans nos ennemis »... Etc. Tamanrasset 2 août 1909. Longue lettre où il se fait l’ambassadeur des Clarisses de Nazareth et Jérusalem, qui le supplient d’intercéder auprès de lui pour lui demander « d’écrire la vie de leur mère, la Mère Élizabeth du Calvaire, excellente et sainte religieuse, grand esprit & grand cœur, morte il y a 2 ou 3 ans dans son couvent de Jérusalem ». Il retrace longuement l’itinéraire et la vie de cette religieuse hors du commun, « d’une grandeur d’âme supérieure », précisant que « ses filles » lui ont envoyé tous ses papiers, lettres et documents de leur mère, qu’elles le chargent de faire parvenir à l’Abbé « si vous voulez bien consentir à leur faire la grâce d’écrire cette vie »... Etc. On joint une photographie de Mgr Caron, Supérieur du petit Séminaire de Versailles ; et 4 L.A.S. à lui adressées, 1905-1926, dont deux par les sœurs du monastère de Sainte-Claire de Nazareth (1906), et une par la Reine Amélie de Portugal (1926).
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