Lot n° 227

Henri Beyle dit STENDHAL (1783-1842). L.A.S. « De Beyle », Brunswick 20 septembre 1807, à son beau-frère François Périer-Lagrange à Grenoble ; 3 pages et demi in-4, adresse avec marque postale de la Grande Armée (petite déchirure par bris...

Estimation : 8000 / 10000
Adjudication : 15 000 €
Description
de cachet réparée avec perte d’un mot), lettre montée sur onglet dans un cartonnage bradel percaline rouge avec pièce de titre.
Belle et longue lettre d’Allemagne sur son père et sa famille. « Je n’ai pris, mon cher ami, que le tems de trouver un domestique passable, et j’ai dit à Jean que des deux fermiers de Sarcenas l’un étant fou et l’autre mort, mon père pourrait avoir besoin de lui et qu’ainsi je voulais le renvoyer à Gr[enoble] avant l’hiver. Il a pris cela comme une disgrace, et prétend vouloir attendre une lettre de mon père avant que de partir. Engage donc mon père à lui écrire. Tu vois que je suis exactement les conseils que tu me donnes, mais ce n’est pas là le plus grand service que j’attende de toi. Le point important serait d’engager mon père à perfectionner les beaux établissemens qu’il a commencés et à n’en plus entreprendre de nouveaux. Sans cet heureux conseil je dois tout attendre de ma place, et ce beau Claix sera vendu pour liquider. Je désirerais que tu te fisses donner une Note exacte du Doit et de l’Avoir. Alors nous verrions clair dans ce Dédale, nous pourrions chercher des remèdes aux maux, chercher toujours à emprunter à meilleur marché et enfin ne devoir rien à personne. Fais briller aux yeux de mon père, l’heureuse situation de ne devoir rien à personne, l’extrême tranquillité qui serait la suite de cet état. Si tu ne le portes pas à cette résolution nous sommes perdus, et mes pauvres sœurs ni moi ne nous marierons jamais. Pense je t’en prie sérieusement au triste sujet de cette lettre; dis-moi ce que tu en penses. De si loin je ne puis avoir que des idées vagues. Fais-moi je t’en prie une description exacte du mal. Je sens que c’est beaucoup demander à un nouveau propriétaire, ivre de Vizille et de Tuélin, mais je crois qu’un accessoire nécessaire du bonheur champêtre pour toi est la conscience d’avoir fait tout le bien possible à tes amis, et jamais tu ne seras à portée de rendre à personne un plus grand service. Toutes mes ressources possibles sont à veau l’eau si mon père ne conserve pas Claix. Aux yeux des parens de ma belle, c’est une bonne terre en province, sans cela je suis un petit employé sans le sou ». Il attend sa réponse « avec la plus vive impatience. Cette grande base de bonheur établie, venons au courant ». Il a été bien accueilli par Mme Alexandrine [Daru] quand elle est passée : « elle voulait m’avoir à Berlin pour son cavalier, elle l’a demandé à son mari, qui a répondu que dans ce moment cela était impossible. Ne dis pas ce mot son cavalier. On y verrait mille choses qui ne sont et ne seront point. […] Il y a apparence que MM. D[aru] passeront l’hiver en Allemagne e anch’io. Je voudrais cependant quitter les bons mais ennuyeux Brunswickois. J’apprends l’allemand à force, et j’en suis à ma troisième perdrix. Lorsque les passions qu’on a ne peuvent être satisfaites, il faut s’en faire de nouvelles. Ce grand principe est très vrai mais presque aussi pénible à suivre. Adieu me voilà dans la philosophie et je te vois bâiller malgré les 300 lieues qui nous séparent »...
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