Lot n° 220

George SAND (1804-1876). Manuscrit autographe signé, Les courses de Mézières-en-Brenne, [1846] ; 20 pages et demie in-8, reliure cartonnage de papier vert avec pièces de titre.

Estimation : 10000 / 12000
Adjudication : 13 500 €
Description
Beau manuscrit sur le Berry, l’élevage des chevaux et les courses hippiques de Mézières-en-Brenne, organisées par le comte de Lancosme-Brèves. Cet article paraîtra presque simultanément dans L’Éclaireur de l’Indre du 4 juillet et Le Constitutionnel (sous la rubrique « Journal d’agriculture ») du 6 juillet 1846, avec des variantes, sous le titre Le Cercle hippique de Mézières en Brenne par un habitant de la Vallée Noire ; il sera recueilli dans les Œuvres complètes illustrées (1851-1856) à la suite de Consuelo, puis en 1861 à la suite d’Isidora chez Michel Lévy frères. Le manuscrit, à l’encre brune, présente de nombreuses ratures et corrections. Sand commence par une belle évocation géographique de son Berry : « Le voyageur qui, venant d’Orléans, a traversé les plaines stériles de la Sologne, le pays plat de Vatan et enfin la brande d’Ardentes, s’arrête ravi à l’entrée de la Vallée Noire. Soit qu’il embrasse, des hauteurs de Corlay, ou de celles de Vilchère, l’immensité de cet abîme de sombre verdure relevé à l’horizon par les montagnes bleues de la Marche, il croit entrer dans le paradis terrestre »... Entre les belles vallées de l’Indre et de la Creuse, « s’étend un plateau uni, triste, malsain et pauvre, c’est la Brenne », contrée sauvage de bruyères et d’étangs, mais qui ne manque pas de charme, comme on peut le voir du haut du château du Bouchet. « Pour la vie de château, la Brenne est aussi une terre promise. Il y a là de riches manoirs, de vastes espaces à parcourir pour la chasse, ou à fertiliser par la culture en grand, du gibier en abondance, de gros revenus »… Avec l’engrais et l’irrigation, le sol devient « fertile et généreux », et les pauvres pourraient profiter de cette richesse. Sand en appelle aux devoirs des grands propriétaires, et dénonce la politique sociale d’un gouvernement de riches sans cœur. « Ce qui caractérise le Berry autant que la libéralité de sa noblesse en général, c’est l’indépendance et la générosité d’une notable partie de sa bourgeoisie démocratique », prête à faire le bien. Et elle cite l’exemple d’une « association de charité » dans sa ville de La Châtre. Ainsi les particuliers peuvent apporter bien des améliorations… Ainsi l’institution du Cercle hippique de Mézières. Sand retrace d’abord l’histoire de la Brenne : aux grandes étendues de forêts succédèrent des étangs qui décimèrent la population ; on commence heureusement à repeupler le pays et créer des ressources pour les paysans ; comme cette initiative du comte de Lancosme-Brèves, passionné de chevaux, en demandant « la création d’une école nationale d’agriculture et de haras » qui serait si utile pour « le salut de l’industrie chevaline en France », et pour la Brenne notamment, et pallierait l’incurie de l’État en ce domaine. Le comte a créé le Cercle hippique de la Brenne, « secondé par tous les habitans du pays, par les riches, par les nobles et par ceux qui ne sont riches que de dévouement et nobles que par le cœur ». Ses résultats dépassent les espérances : « l’élevage du cheval a été et doit être la principale ressource de la Brenne », pour « alléger la misère du petit cultivateur et créer une occupation fructueuse au prolétaire », en créant « une richesse agricole immédiate » par « l’élevage et l’amélioration de la race chevaline ». Reprenant les études de Lancosme-Brèves, Sand juge que la Brenne est le pays idéal à cet effet : « Ce n’est qu’en Brenne que nous pouvons espérer de nous remonter, en achetant des juments déjà croisées, et conservant encore dans leur sang le principe de cette forte race brandine qui s’allie si bien au sang arabe et encore mieux, pour l’usage, au percheron ». Le concours des poulains et juments de la Brenne a montré la beauté des chevaux issus de cet élevage, que Sand décrit en connaisseuse avant de raconter le déroulement des courses, qui attirent des foules où les aristocrates se mêlent aux paysans. Elle raconte notamment la course des cavarniers, c’est-à-dire les enfants qui soignent et élèvent les chevaux : « Pieds nus, tête nue, sans veste, le cavarnier galope sur le cheval nud. Il méprise la selle et les étriers », non sans danger : « Mais ce danger est une bonne nourriture pour l’homme, et j’aime qu’un paysan soit cavalier solide, et hardi. Il semble que cela le rende déjà libre et lle grandisse de toute l’énergie, de toute la fierté que l’air des champs devrait donner partout à l’enfant de la nature ». Aux courses rustiques succédaient des « courses fashionables », fort belles, « pleines de luxe, d’émotion, de force et d’adresse »…
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