Description
Belle correspondance amoureuse à sa fiancée puis sa femme. 1862. Avignon 10 juin, « le lendemain ! ». « Je reprends ma chaîne ! Si vous demandiez à votre bon ange tout ce qu’éprouve le cœur de ce forçat volontaire, qui vient de faire la plus merveilleuse, la plus chère, la plus heureuse, la plus poétique, la plus enivrante des échappées, il vous dirait des choses qui vous feraient tressaillir, qui vous feraient peut-être pleurer »… Débordement de gratitude et de souvenirs après deux jours au sein de sa famille, taquineries et promesse d’une collection des Armana… 16 juin. « Je lis dans la forme, et la pente, et les liaisons de l’écriture, comme dans les yeux. Certainement ! Mon amie, le doigt de Dieu est là. Ne l’y voyez-vous pas resplendir ? Quant à moi, j’en suis ébloui. Je suis parfaitement rassuré. Je ne suis pas effrayé de mon bonheur, moi. J’en bénis Dieu. J’aime Dieu davantage… J’en deviens meilleur »… Méditation sur ce thème, et récit d’une visite à l’oncle d’Anaïs… 14 août. « Je ne veux plus écrire avec du sang, ma sœur ! Je veux écrire avec du lait : prête-moi ta vache et ta laitière. – Je ne veux plus te faire pleurer, quelque bonheur que j’aie à essuyer tes larmes. J’aime à constater, toutefois, qu’après de pareils orages, le ciel est plus limpide, l’air, plus pur. […] C’est ton indignation et la mienne qui ont donné, à un commérage absurde, insensé, des proportions par trop grandes… C’est de la fumée, qui peut, un moment, faire tache sur le bleu du ciel, mais il suffit du premier souffle qui passe pour l’emporter, pour la dissiper. Si j’ai écrit avec du sang, tu as écrit avec du feu… Quel magnifique emportement ! Quelles ailes impétueuses à l’amour de ma sœur ! Ô ma reine d’Espagne, calmez-vous »… Il va « chez Mireille » [Mistral] : « je veux assister à la messe de Mirèio »… – « Ma sœur rêve et pleure, moi je chante et lui souris. Je lui prodigue mes sourires et mes chants. Elle me montre ses larmes, mais me cache ses rêves […] elle les garde pour elle, elle s’en nourrit, elle les dévore tous, de telle façon que, souvent, je me prends à redouter pour elle, ce qui serait pour moi fatal, une mortelle indigestion. […] Vous ne voyez donc pas que je pâtis, et qu’il faut me donner ma pâture. Voulez-vous que je meure de faim ? […] Ma belle rêveuse, bien aimé saule pleureur, […] il n’y a au monde qu’une seule Anaïs ! »… Il la supplie longuement, puis l’encourage à reprendre la lyre, comme divertissement qui la charmera. « Voyez donc ! C’est comme une harpe éolienne : il suffit, pour lui tirer d’harmonieux et d’ineffables accords, qu’elle soit effleurée par l’aile frémissante et amoureuse du premier souffle qui passe »… Et de se livrer lui-même au rêve de voir paraître « Flous de Pandecousto, pouësio prouvençalo de Roso-Anaïs Roumanille »… 20 avril 1870. Il est arrivé heureux de son « pèlerinage de hasard à Ferigoulet des Prémontrés, en compagnie de Mistral, qui m’a fait faire, à travers monticules et vallées, une course au clocher où j’ai failli laisser mes souliers et mon ventre. (J’aurais regretté mes souliers). […] Dîner et confidences chez Mistral. Après dîner, Ferigoulet – d’où mon vieil ami s’est échappé […] parce que le vin n’y était pas à sa convenance (!!!) et que l’eau n’y valait rien »… Récit du jour de Pâques au « mas des pommiers » en famille… 26 août 1870. Dialogue avec « un brave client », l’abbé Conil, qui s’est fait voler par un abbé du petit séminaire… 1876. Dijon 26 septembre. Sur le mariage de Mistral à Dijon avec Marie Rivière : « Lou nòvi est très heureux, et plus épanoui que jamais. La nòvio est plus charmante que sa photographie, une jeune fée très sympathique, notre cadeau a séduit ces braves gens. Le beau-père est un Provençal égaré en Bourgogne. Il m’a dit, sans qu’on le lui ait soufflé, que nous aurions bien fait d’apporter dans nos valises, des rayons de soleil. Pour un marchand de vin, ce n’est pas trop mal »… 27 septembre. « Le banquet de ce feu d’artifice a été vraiment splendide, et la pièce de ton vieux Rouma a obtenu un succès fou »… Bon prince, il accepte de rester jusqu’à demain, et donne des nouvelles de son beau-frère, Félix Gras : « Félix a été superbe. Son coumplimen et les sept rayons de son étoile ont fait merveilles. Il est fort, et très fort. Déjà les journaux de Dijon, qui font, de moi, le roi des chansonniers (!!) parlent avec des éloges incroyables de notre fête bourguignonne-provençale »… Avignon 9 novembre. Nouvelles de leurs trois enfants, à sa femme occupée d’un cher malade. « Rouma fait des paquets, et quand il en a assez fait, il va se coucher. […] à cette heure, il est sorti de la maison 6086 Armana »… 18 novembre. Son pied va mieux, mais il n’a pu assister à la messe pour le repos de l’âme de leur père. Il a fait encore des paquets : « Toute l’édition de l’Armana est rentrée. Total 8,555 »… Hyères 21 novembre. « Hier, Poncy s’est emparé de moi, et, charmant égoïste, il n’a lâché prise que le soir ». À Hyères chez un ami de Courdouan, il admire ce « pays des palmiers » avant de retourner à Toulon « et felibriger à la campagne de Courdouan »… Il parle de Caire qui l’a reçu en bon Avignonais, de son hôte le peintre Garcin, et de Démocrate Mouttet, « la plus aimable canaille que je connaisse »… Etc.