Lot n° 73

Marceline DESBORDES-VALMORE. 2 L.A.S., juillet-août 1852, à sa fille Ondine, Mme Jacques Langlais, à Saint-Chamond ; 7 pages et demie in-8, une adresse.

Estimation : 600 / 800
Adjudication : 850 €
Description
Belles lettres de la mère inquiète à sa fille Ondine malade [elle a donné naissance le 19 janvier à un garçon, Marcel, qui meurt le 3 mai, et elle se remet mal de ses couches ; de plus en plus malade, elle mourra le 12 février 1853]. 26 juillet 1852. « Je ne sais où me sauver pour t’embrasser at ease. […] Combien tu m’as bouleversée par l’apparition de ce fruit charmant ! Moi mangé bananes là et frère à toi trouvé li bon passé toute ». Le panier est arrivé ouvert, sans adresse visible : « Je croyais qu’il venait directement d’Alger et qu’il avait été renvoyé par les douanes, ou bien que Jacques était à Paris, enfin, j’étais stupéfaite. Mais le parfum et l’aspect du fruit m’était entré au cœur, et j’en ai eu un souvenir si vif de ma mère, que j’ai pleuré. Quand j’ai su que c’est à toi que je dois ces larmes fais-toi une idée de mon contentement. – Est-ce donc ma mère elle-même qui t’a dit : Envoie-lui cela ! Et toi, tu m’as envoyé toutes les bananes ! Et je t’envoie tout mon cœur »… Elle parle longuement de leurs amies et relations : Mme Bascans, Bathilde, M. Tessier qui court après Jacques qui doit défendre son affaire à Douai le 2 août, M. Couturier et son ami Coignet, M. Wolf… 11 août 1852. Elle écrit « pour ne pas devenir tout à fait malade de ne pas t’écrire car ce besoin tendre et incessant se change en fièvre, quand il est long-tems contenu »… Elle sent tout le désappointement de son séjour à Saint-Chamond : « je te blâme un peu d’avoir enduré ce martyre volontaire. C’est compromettre ce que nous avons de plus cher au monde, chère bien-aimée, songes-y donc ! Manger est le plus utile des médicaments pour une santé affaiblie. […] Hélas ! mon Dieu !... je m’engage à parler. Et je suis comme toi, je ne sais plus qu’effleurer – Nos entretiens ne seraient souvent que des sanglots s’ils disaient nos âmes. Souviens-toi seulement de Charleval, et de la campagne de Mme Aube. C’était la faim, dont on n’osait se plaindre, et qui endurée, avec des excès affreux par fierté et par timidité, a fait des ravages qui n’ont jamais été connus que de moi. – M’entends-tu ? – C’est là une des tristes causes de la désertion de leur fils (à Rouen) qui vient de se faire mousse »… Elle la gronde longuement de ses jeûnes, puis aborde d’autres affaires : un remède pour faire dormir M. Prud’hon, le mariage de Pepilla, la « crise » de M. Bascans, une domestique pour son passage à Paris, etc. Elle espère que Langlais (alors en Algérie) lui apportra un puits : « J’ai tant besoin de l’eau qui désaltère. Viens que je te regarde, viens mon enfant ! Dusses-tu ne me rien dire jamais, qu’importe, si je te vois sourire pour vrai – je sais si bien quand tu fais semblant ! »…
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