Lot n° 247

PROUST (Marcel). À l'ombre des jeunes filles en fleurs. Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1920. In-4 [327 x 214 mm] de 228 pp., (2) ff. de table, (2) ff. de catalogue de l'éditeur : maroquin mastic janséniste, dos à nerfs,...

Estimation : 60 000 - 80 000 €
Adjudication : 108 878 €
Description
doublures serties d'un filet or et gardes de soie brochée, tranches dorées sur témoins, chemise, étui (Alix).

Édition tirée à 50 exemplaires sur papier Bible, au format in-4 (n° XIII).

En frontispice, portrait de Proust par Jacques-Émile Blanche, tiré sur papier vélin fort.
Publiée deux ans après l'édition originale, elle offre d'importantes variantes. La plupart des fautes y ont été corrigées et des modifications introduites. C'est la seule édition contemporaine d'ordre véritablement bibliophilique : conçue par Proust lui-même, pour être publiée dans un format et sur un papier inusités, sous couverture illustrée au pochoir et enrichie de deux placards d'épreuves, elle présente pour la première fois au lecteur, avec le portrait par Jacques-Émile Blanche, l'effigie de l'écrivain.

▬On a relié en tête
•les deux placards d'épreuves : un est presque entièrement autographe. Ils sont encore inédits.

—Le premier, portant l'inscription du typographe “n° 4. Cahier violet” et constitué de 18 papillons dont 16 autographes, correspond à un passage essentiel du roman : la rencontre de la “petite bande”, la tentative de “déchiffrage rapide” des visages passés trop vite devant lui, puis l'analyse sociologique du langage du lift du Grand-Hôtel de Balbec (Pléiade, pp. 154-157).
Il offre d'importants passages inédits et des variantes par rapport au texte publié.

—Le second placard, titré “2ème épreuves n° 29” par le typographe, comporte 19 papillons disposés en 4 colonnes dont 5 autographes, les papillons imprimés étant abondamment corrigés de la main de Proust. Dans cette version primitive du texte, l'invitation que fait Bloch au narrateur et à Saint-Loup est directement suivie du dîner et de la rencontre avec Nissim Bernard, et l'arrivée de Charlus à Balbec ne vient pas encore différer cette soirée (Pléiade, pp. 105-107 et pp. 127-134). Le passage est l'un des plus succulents du roman, peignant un portrait terrible de la famille Bloch, antisémite, snob et prétentieuse.

Les épreuves, qui furent si rageusement retravaillées par Proust, étaient sorties des presses des éditions Grasset peu après la publication de Du côté de chez Swann en 1913.
Proust s'était aussitôt attelé à la correction des épreuves d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs qui devait également paraître chez Grasset, en 1914. La guerre interrompit ce projet, ce qui permit au romancier d'augmenter considérablement le texte. Lorsqu'il confia la version remaniée d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs à la N.R.F., la dactylographe chargée de la mise au propre, Mlle Rallet, prit l'initiative de monter les fragments de papiers autographes et imprimés sur de grandes feuilles de papier fort afin de faciliter son travail. Il en résulta “une extraordinaire marqueterie” (P. Clarac) qui devait enthousiasmer l'écrivain : “Le manuscrit [...] malgré mon affreuse écriture [...] est ravissant et a l'air d'un palimpseste à cause de la personne qui le collait avec un goût infini” (lettre à Mme Schiff).

Alors que la plupart des manuscrits de la Recherche sont conservés à la Bibliothèque nationale de France, ceux de cette partie du roman, dispersés avec chacun des exemplaires de l'édition de luxe parue en 1920, se trouvent disséminés dans les collections privées. (Fr. Goujon, Le Manuscrit de À l'ombre des jeunes filles en fleurs : le “cahier violet”, in Bulletin Marcel Proust, n° 49, 1999, p. 7-16.)

▬Ces deux placards, encore inédits, n'ont pas été répertoriés par Pyra Wise (Le généticien en mosaïste in Genesis, n° 36, 2013, p. 141-150).

Feuillets un peu froissés en fin de volume.
Reliure légèrement insolée le long des mors.
La couverture n'a pas été conservée.
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